• "L'infraction [harcèlement moral selon l'article 222-32-2-2 du code pénal] est également constituée :


    a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;


    b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition."

    La répétition des propos et comportements harceleurs


    La nouveauté de cette loi, c'est que la répétition ne concerne plus l'agresseur, mais la victime. Si votre victime est harcelée par des dizaines de personnes, celles-ci sont condamnables, y compris si elles n'ont envoyé qu'un seul message, dès lors que : soit elles se sont concertées pour harceler la victime, soit elles savaient, individuellement, que la victime recevait des messages similaires d'autres individus. Typiquement, pour montrer cela, sur Twitter, par exemple, l'utilisation d'une même "hashtag" permet de démontrer que l'auteur d'un message connaissait l'existence des autres messages... (p.113)

     

    (Lola doit mourir de Bruce BENAMRAN)

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  • "- Avec son téléphone, on verrait les messages qu'elle a reçus sur WhatsApp, ou Telegram, ou Snapchat, mais on ne verrait rien de tout ce qui s'est passé autour, des échanges entre tous les gens qui se sont passé le mot et qui ont discuté de leur côté." (p.24)  

    "C'est une histoire vieille comme le monde. L'Inquisition, les croisades, n'importe quelle guerre sainte, c'est pareil : les gens se cachent derrière des idéaux ou des valeurs morales qui leur permettent de bien dormir alors qu'au fond, ce qu'ils veulent, c'est faire souffrir les gens qu'ils n'aiment pas, puis aller se coucher la conscience tranquille, persuadés d'avoir œuvré pour le bien de l'humanité." (p.86)

    La face invisible du harcèlement

    "...là, il ne s'agit pas de justice sociale, il s'agit d'abrutis qui jouent avec le sentiment d'impunité dû à leur anonymat." (p.86)  

    "L'homme invisible, lorsqu'il sait qu'on ne peut ni l'identifier ni l'attraper, qu'est-ce qui l'empêche d'aller violer sa voisine ? Les réseaux sociaux, aujourd'hui, pour certains, c'est la même chose. Dès lors que tu es convaincu qu'on ne peut ni t'identifier ni te retrouver, qu'est-ce que tu feras que tu ne ferais pas normalement ?" (p.88)

    "C'était ça, l'effet Streisand. Ouvrir sa gueule sur Internet, c'était amplifier ce qu'on voulait faire disparaître." (p.171)

     

    (Lola doit mourir de Bruce BENAMRAN)

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  •  « Oui, il faut que les enfants victimes d’abus sexuels osent parler. Il faut qu’ils sachent qu’ils n’ont rien fait de mal et qu’ils doivent s’exprimer pour que cessent ces violences intolérables qui brisent des vies.

     

    Mais si la vérité doit éclater, le mensonge n’en continue pas moins d’exister…

     A la mémoire du prof qui n’a pas pu lutter contre « tant de dérisoire » » (Avertissement liminaire de l’auteur)

      

    « - Devine un peu ce qu’il a trouvé cette fois-ci ?

     (…)

     Pour se venger de la punition que je lui ai donnée hier, il a raconté à sa mère que je l’avais tripoté et elle n’a rien trouvé de mieux que de venir se plaindre au principal.

     (…)

     Tu te rends compte ? C’est incroyable ce qu’un gosse de douze ans peut inventer pour se venger d’un prof. » (p.16)

      

    « - Et puis certains troisièmes prétendent que, quand ils l’avaient comme prof, il poussait les fesses de ceux qui n’arrivaient pas à faire les roulades… des trucs comme ça.

     

    - C’est idiot. C’est comme si tu reprochais à ton médecin de te toucher le ventre.

     

    - Il y en a qui disent que ça dure depuis des années et que Steve Plicard n’a pas été le premier à se faire coincer dans les vestiaires, seul à seul, mais que les autres ont eu peur de parler.

     

    Tristan reste K.-O.

     

    - Remarque, ajoute Paul, c’est toujours des histoires qui ne leur sont pas arrivées à eux personnellement, mais à d’autres qui les leur ont racontées. Mais tellement d’histoires ont circulé... » (p.42-43)

     

     « Tristan avance tout en essayant de se rassurer :

     

    « Je suis sûr qu’ils ne mentiront pas. Ils n’oseront pas profiter de l’interrogatoire pour se venger, simplement parce qu’ils n’aiment pas l’école. Les filles que j’ai surprises dans l’escalier, elles plaisantaient. Elles avaient envie de rire, mais, devant la police, elles diront la vérité parce qu’au fond elles ne sont pas méchantes… »

     (…)

     Il se rassure comme il peut, mais il sent bien que le nombre n’a guère d’importance. Si un autre élève, un seul, prétend que son père a eu des gestes déplacés envers lui, les policiers croiront aux accusations de Steve Plicard. » (p.53-54)

     

     

     « - Qu’est-ce que tu as répondu ?

     

    - Ben, la vérité. La vérité c’est que ton père est un prof qu’on aime bien et qu’il ne laisse pas les emmerdeurs comme Steve Plicard faire la loi. C’est la vérité, non ? Et puis, je ne dois pas être le seul à avoir parlé comme ça.

     Ces paroles réconfortent un peu Tristan. Un sourire triste se dessine sur ses lèvres. Il espère que l’enquête est destinée à rechercher la vérité, pas à collecter des éléments qui risquent d’accabler son père innocent et de donner raison à Steve. Non, les enquêteurs seront neutres, ils ne se laisseront pas influencer ni par les uns ni par les autres ! » (p.63-64)

     

    Le pouvoir de la parole

     

    « - Steve, si tu m’expliquais tes paroles, insiste la commissaire.

     

    Steve change soudain de ton et sa voix chancelle. Il se trouble et dit, avec l’accent d’un gamin qui vient d’être pris en flagrant délit de mensonge par la maîtresse :

     

    - C’est d’sa faute aussi, il avait qu’à pas me punir tout le temps. Pour un oui, pour un non, il m’engueulait. C’est vrai ça, à la fin, on en a marre. Y’a pas que moi qui le dis.

     

    Steve bredouille. Il lève les yeux vers la commissaire. Elle ne répond rien. Elle l’observe. Le silence se prolonge. Steve ne semble pas supporter ce silence. Au bout de quelques dizaines de secondes, il se prend la tête dans les mains et se met à pleurer. » (p.86-87)

     

      « D’une voix remplie de rancoeur, la mère de Tristan ajoute :

     - Mme Plicard aussi a une part de responsabilité, comme les autres parents, l’inspecteur d’académie, les journaux…

     

    La commissaire la coupe d’une voix posée :

     - La pédophilie est un sujet grave, madame Gastégui. Alors tout le monde réagit avec passion. Certains ont peur, d’autres sont inquiets, d’autres encore craignent qu’il leur soit reproché d’avoir été trop timorés ou trop lents. Personne ne veut prendre le risque de couvrir des pédophiles et c’est bien compréhensible. » (p.89)

     

     

    (Bruits de couloir de Roger JUDENNE)

     

     

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  •  « J’ouvre l’ordinateur portable d’Emma. Direction ses mails. Je n’ai pas besoin d’en lire beaucoup. Tous se ressemblent et tous sont destinés à Manon. Emma écrit que plus rien ne l’intéresse, qu’elle se fout de tout, qu’elle n’arrive plus à faire ses devoirs et que ce n’est pas grave. Elle crie son manque d’amie, l’injustice du départ de Manon. Elle décrit sa lassitude, son incapacité à faire quoi que ce soit même de dessiner, ce qu’elle adorait faire avant.

     

    Je file sur Internet. Facebook. Pas de publications d’Emma depuis trois mois. Mais des messages reçus, courts, simples :

     - Pouffiasse.

     - Salope.

     - Pauvre conne.

     - Tu vas en chier.

     - On t’aura un jour que tu ne t’y attendras pas. (Il est long celui-là)

     - T’es trop moche.

     - Tu pues…

     

    Toute une série sur trois pages venant d’au moins cinq filles, dont deux de la classe de ma sœur. En regardant les dates, je m’aperçois que les premiers messages datent de quelques jours après le départ de Manon. Deux des filles, je les connais, je les croise tous les jours au collège.

     Pas possible.

     Je vais sur la page de Manon. Ma sœur lui a envoyé des messages, mais à partir d’un autre profil et sous un pseudo : Emmoche. Repli sur la page d’Emmoche et là, juste là : rien sur les insultes qu’elle subit, mais des photos, des selfies une bouteille de vodka à la main, des messages vantant les effets de l’alcool, ou des selfies de son ventre. Juste des trucs horribles, et la stupeur de Manon qui répond en essayant de ramener Emma à la raison, qui menace de ne plus être son amie si elle continue à se détruire, qui avoue son impuissance et qui finit par trouver la solution en lui annonçant que ses parents l’invitent aux vacances de Pâques. Le dernier message de Manon sur Facebook date de la veille de la tentative de suicide de ma sœur. Peut-être qu’elle ne l’a pas lu. J’espère, car si elle l’a lu ça veut dire que même cette invitation de Manon n’a pas pu lui redonner l’envie de vivre. Un truc sans retour où elle a été obligée d’aller jusqu’au bout. Un geste unique au milieu de son incapacité à se bouger.

     

    Elle a été anéantie

      Je crois qu’elle a été anéantie. Simplement anéantie.

     Elle a avalé des médicaments, a fini par me dire maman.

     (…)

     Il faut que je continue : téléphone portable. Code 0000, même pas de vrai code. SMS.

     

    Les mêmes mots, sans arrêt. Il y a une fille qui envoie des insultes toutes les cinq minutes. Même la nuit. Et ma sœur a tout lu, sauf les messages qui sont arrivés après son hospitalisation, juste avant que tout le collège ne soit au courant. Là, tout a cessé. Je connais ce truc, ça s’appelle du harcèlement. Il n’y a qu’à aller sur Internet pour voir que d’autres ados que ma sœur le subissent. Du harcèlement, Emma, mais pourquoi ? Pourquoi elle ? Incompréhensible ? » (p.31-34)

      

    « - Je n’ai rien à dire. C’est comme ça. Tout est fini. Je n’ai plus d’amies.

     - Mais qu’est-ce qui s’est passé ?

     - Rien. Manon a déménagé et les autres se sont mises contre moi, puis après il y a eu cette Pauline. D’un coup, plus personne ne me parlait.

     - T’as fait ou dit quelque chose ?

     - Mais personne ne peut comprendre que je n’y suis pour rien ! A l’hôpital, ils m’ont posé la même question. J’y suis pour rien ! C’est clair ? » (p.41)

      

    « - Si j’étais tes parents, j’irais à la police.

     - Pour porter plainte ? Mais c’est que des histoires de filles, comme dit mon père.

     - Ben oui, elles sont responsables. Et puis au moins qu’elles disent pourquoi elles ont fait ça. (…)

     - De toute façon j’ai calculé parce que je n’arrivais pas à me souvenir, mais ma sœur, elle était mal avant de recevoir ces insultes. Ça a dû commencer quand elle a su que Manon partait.

     - Quoi ? Tu veux dire que ce ne sont pas les insultes la cause ?

     - Non. Avant, elle était mal, j’en suis sûre. Les filles, elles ont cogné sur quelqu’un qui était déjà cassé.

     - C’est dégueulasse. » (p.44)

      

    « - Tu comprends vraiment rien.

     - Si, je comprends que tu as été harcelée. Oh le vilain mot que personne ne prononce dans cette maison. Moi j’ose le dire : HAR-CE-LEE, et tu es malade : DE-PRE-SION, un autre vilain mot aussi celui-là, pouah ! Les parents et moi, on essaie de t’en sortir et, toi, tu te la joues inconsolable et tu emmerdes tout le monde. Bouge ton cul et après tu pourras gueuler. » (p.59-60)

      

    (Ma sœur n’a plus goût à la vie de Christine DEROIN) + Laure CHANDELLIER

     

     

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  •   « Tout le monde a des problèmes. C'est ce que rabâche ma mère quand je me plains. Bien sûr, il y a des gens qui n'ont pas de maison, pas de parents, une maladie grave et incurable... Tout le monde a des problèmes, donc.

     Le mien, mon souci à moi, c'est une masse de graisse. Presque vingt kilos de chair en trop, des pneus autour du ventre, des fesses qui débordent des chaises, des troncs à la place des jambes, des doigts comme des boudins apéritif, un visage rond comme la lune...

     - Pas du tout ! me contredit ma mère. Tu ne débordes pas des chaises, tes mains sont très jolies, tes yeux sont magnifiques. Décidément, tu ne te vois pas comme tu es vraiment.

     - Une baleine sur pattes, un éléphant sans trompe, ou je ne sais pas, n'importe quel animal dont le poids ferait reculer le plus affamé des prédateurs. » (p.5)

     

    Grossophobie ordinaire

      « Mais concrètement, j'attends toujours, avec peu d'espoir, qu'un prince aveugle me déclare sa flamme. Sauf s'il est obèse, ce qui m'obligerait à refuser ses avances... Je déteste mon reflet dans la glace parce que pour moi tous les gros sont moches avec leurs bourrelets moches, leurs brioches moches, leurs doubles mentons moches et tout le reste moche... Alors mon prince charmant ne sera pas gros ! Et puis, pour les galipettes... la honte franchement ! » (p.10)

     

    « On a aussi rencontré d'autres gens sur notre chemin. Pas grand monde mais assez pour que je me sente à l'étroit dans leurs yeux. C'était comme une mauvaise odeur qui rôdait, comme une poisse écoeurante qui nous collait aux basques. Les regards, je les ai trouvés plutôt fuyants et les visages, carrément incrédules. Je n'en suis pas sûr à cent pour cent, parce que je peux être parano des fois, mais je crois avoir entendu des chuchotements sur notre passage. Chloé n'était pas gênée comme moi. J'ai compris qu'elle avait l'habitude d'avaler des couleuvres en marchant dans la foule. C'était comme si elle leur disait « ça vous dérange ? Tant mieux, je vous emmerde ! » J'ai vu aussi qu'elle respirait mieux quand on s'est retrouvés à l'écart. » (p.67-68)

     

     « Elle reconnaîtrait la honte qui m'envahit pendant que mon frère me regarde avec dégoût.

     - Merde ! J'y crois pas, c'est ta meuf ! Tu te fais la grosse... Avec toutes les jolies nanas qu'il y a ici, t'as rien trouvé de mieux ? Tu te tapes LE boudin du centre !

     Je devrais le faire taire, lui sauter dessus pour qu'il ferme sa grande bouche ou pour lui ranimer le cerveau. Je devrais lui balancer ses haltères à la figure pour lui casser les dents ou l'asperger de gel douche jusqu'à ce qu'il étouffe sous la mousse. Mais je me contente de faire le dos rond, je baisse les épaules et je me sens aussi minable que si j'avais fait une connerie, comme si j'avais menti à mon frère, trahi mon frère. Comme si je comprenais sa déception.

     - Purée, continue-t-il en ouvrant de grands yeux. Faut avoir faim pour sa faire un cageot pareil. Je sais pas comment tu peux...

     Comment je peux me laisser humilier comme ça ? Je continue à me taire, je serre les dents en respirant fort, pour ne pas étouffer. » (p.74)

      

    « - Sans déconner, c'est pas des culottes petit bateau qu'il lui faut à elle...

     - Hein ?

     - C'est des slips gros paquebot !

     Je n'ai pas ri et il m'a fait une grimace. Soit Marianne le dégoûtait, soit c'était moi. Ou les deux. J'ai faillit lui répondre que, pour lui, l'idéal serait un slip « petit con » mais je me suis retenu. Je me suis même demandé si j'aurais ri avec lui avant de connaître Chloé. C'est moche, ça me déprime. Les propos de Guillaume, mon manque de réaction, mon silence. » (p.108)

      

    (Grosse folie de Raphaële FRIER)

     

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  •  « - Puisque tu es convoqué demain chez le juge, dit Ange à son père, tu pourras donner ta version des faits. Depuis le début, tout le monde parle et toi, tu ne peux pas t'expliquer. Au moins, là, tu en auras l'occasion.
    - Je n'ai rien fait. On peut prouver que quelque chose existe, mais comment prouver qu'on n'a rien fait ? » (p.44)

      

    « - Si on savait ce qui se passe dans certaines familles… le coupe Mlle Berthier.

     - Mais, tant que les choses ne sont pas prouvées, poursuit M. Madurier, les personnes qui sont mises en cause sont censées être innocentes.

     Il y a un silence. Puis la voix de son père reprend, sourde, grave :

     - Moi, en tant que parent d’élève, je ferais probablement pareil. J’ai toujours dit qu’il faut protéger les enfants contre les actes pédophiles. Quand je pense que, l’an dernier, c’est moi qui ai organisé la séance d’information sur les agressions sexuelles !

     

    - Comment va-t-on enseigner, demande Ange, s’il n’est plus possible de regarder un enfant, de lui poser la main sur l’épaule ou de lui parler dans un couloir sans qu’aussitôt on prenne le risque d’être taxé de pédophilie ? Les profs de gym sont en première ligne. » (p.46)

     

     

    Des traces indélébiles

    « Finalement, c’est une histoire qui semble bien finir puisque Léo Gastégui, le prof de gym a été sauvé et complètement innocenté. Le rectorat d’académie a diffusé un communiqué officiel pour le réhabiliter. Le journal a publié deux articles annonçant son innocence en première page. Le juge a signé le non-lieu.

     

    Oui, c’est une histoire qui semble bien finir.

     (…)

     Après son congé de maladie, le père de Tristan a réintégré son poste, mais il continue à prendre des médicaments, parce qu’il dort mal et qu’il est anxieux. Il fuit le collège dès que ses cours sont terminés et il a laissé tomber les ateliers dont il s’occupait avant. Un jour, Tristan l’a surpris en discussion avec Philippe :

     

    - Les élèves ont compris que je n’avais rien fait de mal, disait-il, mais ils baissent presque tous les yeux en ma présence. Ils m’ont imaginé en pédophile capable d’exercer des attouchements sexuels sur un élèves, en violeur, en obsédé. Je n’ose plus poser la main sur le bras ou l’épaule d’un enfant sans me dire qu’il va prendre mon geste pour quelque chose de louche. Est-ce que j’ai encore la confiance des enfants et des parents ? Totalement, comme avant ? Sans parler des profs. Certains collègues m’ont soupçonné. Tant de pédophiles sont démasqués à notre époque qu’il leur est apparu presque normal qu’on en découvre un dans leur collège. N’est-ce pas cette psychose qui explique la précipitation de l’administration ? Quant aux parents, trente-neuf m’ont accusé, des dizaines se sont tus, pas un ne m’a soutenu.

     

    Après un silence, son père avait ajouté d’une voix sourde :

     - Et encore, le pire a été évité. Imagine ce qui serait arrivé si Steve Plicard n’avait pas avoué ! J’en ai des frissons.

     Les articles des journaux ont laissé des traces indélébiles. Il faut peu de temps pour être inculpé, bien davantage pour être innocenté, et les preuves les plus convaincantes n’effacent jamais totalement les soupçons. » (p.91-93)

      

    (Bruits de couloir de Roger JUDENNE)

     

     

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  •  « Aujourd’hui, c’est Tristan qui attend Paul et il éprouve une sensation très désagréable. D’ailleurs, depuis l’interclasse de dix heures, son malaise s’est accru. Il a l’impression que la plupart des élèves le regardent bizarrement ou détournent les yeux à son approche. Chacun veut paraître naturel, mais il y a un flottement dans l’air. » (p.12)

      

    « Au collège, l’après-midi se déroule dans une ambiance très étrange. Comme le matin, des groupes d’élèves discutent à voix basse, des filles surtout. Des profs aussi parlent entre eux et prolongent leur conversation après que la sonnerie a annoncé le début des cours. Quand Tristan s’approche, on se tait et on le regarde.

     

    - Ne fais pas attention, essaie de le rassurer Paul. Ils parlent, ils parlent, mais ce ne sont que des racontars. » (p.17)

      

    « Les jours suivants, M. Gastégui assure normalement ses cours, mais de plus en plus d’élèves sont subitement dispensés de sport. Il dit que , si cela continue, il n’arrivera même plus à constituer deux équipes de basket. Des rumeurs sans fin circulent. A la maison, il raconte l’atmosphère pesante de la salle des profs.

     

    - Beaucoup de profs me fuient comme si j’avais la peste…

     Des parents téléphonent au collège ou demandent des rendez-vous. Le bureau du principal ne désemplit pas. En fin de semaine, une association de parents organise une réunion. Les élèves prétendent que c’est pour demander que M. Gastégui n’ait plus le droit l’enseigner, le temps que l’on tire l’affaire au clair.

     

    Tristan a, lui aussi, la nette impression qu’élèves et profs l’évitent et il ressent cette attitude comme une mise en quarantaine. » (p.18-19)

     

    Le poison de la rumeur

     

    « - Je sors du bureau de l’inspecteur d’académie. Les parents d’élèves ont gagné. Une pétition a circulé et trente-neuf parents l’ont signée ! Suspendu ! Je suis suspendu. Je n’ai plus le droit de mettre les pieds au collège. C’est complètement fou cette histoire. Je comprendrais mieux s’il y avait des témoins, ou des…

     (…)

     Et tout ça parce que j’ai voulu faire ranger dix ballons à un petit emmerdeur qui passe son temps à perturber les cours ! Vraiment, quelle époque ! Et l’autre… l’inspecteur d’académie… pas de discussion possible. Il m’a dit que les parents d’élèves s’inquiétaient des rumeurs, qu’il a convoqué la mère Plicard qui a maintenu les accusations de son fils. Steve Plicard… Un gosse dont tous les profs se plaignent ! Je l’aurais « touché ! » Voilà ce qu’il me reproche. Je suis accusé par ce gamin de l’avoir tripoté et de l’avoir forcé à me faire des caresses !

     

    Le gosse l’a dit, donc je suis coupable. L’inspecteur d’académie ne cherche ni à comprendre ni à savoir. Il a informé le rectorat et voilà : je suis suspendu. J’ai voulu m’expliquer, raconter ce qui s’était réellement passé, mais il m’a fait taire. » (p.20-21)

      

    « -… enquête va suivre son cours. Encore une fois, c’est une procédure purement administrative et le fait d’être suspendu ne doit pas vous alarmer. Ce qui est plus important par contre, c’est la plainte qu’a déposée Mme Plicard, soutenue par une association de parents d’élèves. » (p.30)

     

    (Bruits de couloir de Roger JUDENNE)

     

     

     

     

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  •  

    « Pédro, d’accord, c’est une sale brute, mais il est drôlement bien organisé. A midi, par exemple, il s’est débrouillé pour ne pas se trouver à côté de moi au self. Mais il avait passé la consigne à une bande de copains à lui qui m’ont serré de près. J’ai pris mon plateau, je me suis servi et… crac ! Mon repas a valdingué par terre ! Le pion m’a engueulé, les dames de service aussi, tout le monde s’est moqué de moi. j’avais l’air malin, là au milieu, avec mon assiette à moitié vide… Pour ce qui est de se faire remarquer dès le premier jour, j’avais vraiment réussi ! » (p.34)

     

     

     

    « - Et personne fait rien ?

     

    - Personne dit rien, donc personne sait rien.

     

    - Les gosses , ils racontent rien aux parents ?

     

    - Non, ils ont peur des représailles. Tu comprends, un petit de sixième, quand un grand lui dit «  Si tu parles, on te massacre à la sortie », ben il la boucle.

     

    - Et puis, ils font gaffe, Pédro et Martial, ils s’en prennent pas longtemps au même, ils changent !

     

    - Mais justement, ceux qui ont été victimes, ils pourraient s’associer, ils seraient plus forts !

     

    - Il fait pas comme ça, Pédro. Quand il a fini de racketter quelqu’un, il le prend dans sa bande et l’autre, il est tout content d’en faire baver à son tour à des plus petits…

     

    - Tu comprends, personne peut jamais s’unir ! » (p.42)

     

     

     

    « - Merci de quoi ? Celui qui t’aide pas après ce que les autres t’ont fait, celui-là, c’est un salaud intégral. D’ailleurs, tu sais… Tout à l’heure, dans les douches, on a été lâche, on a eu peur de se faire choper à la sortie et on n’a rien fait, mais c’est pas normal. » (p.83)

     

     

     

    « Je ne veux pas dire qu’ils ont envie de le tuer, mais ils essaient quand même de l’empêcher de vivre. De vivre normalement quoi ! » (p.97)

     

    Le harcèlement scolaire empêche de vivre

     

    « - Ou Maÿlis, c’est Maÿlis qui lui plaît !

     

    - Normal, c’est une naine comme lui !

     

    - Tu crois que s’ils se marient ils feront des petits nains ?

     

    - Des nains de nains, ça doit être drôle !

     

    - Des bébés nains, grands comme des poupées !

     

    - Faudra en faire sept comme dans Blanche-Neige !

     

    - Y passeront à la télé !

     

    - Eh, Maxou, tu seras célèbre !

     

    J’essayais de ne pas trop entendre ce qu’ils disaient, de ne pas y attacher d’importance. Mais leurs moqueries s’enfonçaient dans mon crâne comme à coups de marteau et je savais bien qu’il ne suffirait pas d’une tenaille pour arracher ces clous-là.

     

    (…)

     

    - Dommage qu’on n’a pas le temps, mon petit Maximou, a dit Pédro, on commençait à bien s’amuser !

     

    - Bon, on fait quoi ? A demandé Martial.

     

    - Ben, on est dans des chiottes, alors on va pisser ! A crié Pascal.

     

    - Comment ça, on va pisser ? A dit Martial qui n’y comprenait rien.

     

    - Comme on est tous un peu maladroit, a dit Pascal, on va pisser à côté…

     

    - On va même pisser carrément ailleurs, hein, les gars ?

     

    - Ouais… et ce qui est bête, c’est que Max va se trouver juste où y faudrait pas !

     

    - C’est vrai, il est trop ce type !

     

    - C’est pas un type, c’est un nain !

     

    (…)

     

    Et puis il a défait sa braguette et il a pissé sur mes baskets, tranquillement, pendant que les autres me tenaient, par précaution. (….) Fabien a fait pareil, sauf qu’il a arrosé le bas du jean. Du coup, il a donné des idées à Rénato qui a fait des fantaisies en remontant jusqu’à mes genoux. (…)

     

    Mais Pédro avait bien vu que je faisais celui qui s’en fiche. Il a dit aux deux autres :

     

    - Obligez-moi ce petit salaud à admirer la performance !

     

    Alors ils m’ont tenu la tête pour que je regarde au bon endroit et que je ne loupe rien. (…)

     

    Il a exhibé son machin, il a reculé de trois pas et il s’est mis à me viser de loin, un coup à droite, un coup à gauche, sur le jean, sur le tee-shirt, le grand art quoi ! (…) Avant de partir, il m’a dit :

     

    - Primo, c’est dommage qu’on manque de temps, sinon on aurait pu voir à quoi ressemble un nain à poil. Secundo, t’as pas intérêt à raconter ce qui vient de se passer, d’abord parce que personne te croira et qu’on aura plein de témoins, ensuite parce que ça chaufferait pour toi à la sortie. » (p.114-117)

     

     

     

    (Mini Max et maxi durs de Roselyne BERTIN)

     

     

     

     

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  •  « Il est expert à décocher le mot méchant, atteindre le point sensible caché sous une carapace de protection maladroite et suspendre brusquement ce jeu cruel afin de mieux le reprendre plus tard.

     Adélaïde a compris que, si elle ne lui résiste pas, elle sera son souffre-douleur. » (p.23)

     

     « Ils sont deux consignés qui s’opposent sans raison valable, mais pour longtemps.

     Si elle lui disait qu’elle a des difficultés pour s’adapter à un cadre nouveau, que son prénom (peut-être à tort) la met mal à l’aise, qu’elle ne maîtrise pas les pointes d’un caractère ombrageux, qu’elle a tendance à regretter ce qu’elle a dû quitter et que sa première réaction devant toutes ces contrariétés est un repli sur soi…

     S’il lui disait qu’il se sait la tête dure. S’il reconnaissait (pour se trouver une excuse) à quel point il est martyrisé par les heures d’immobilité, penché sur un cahier, alors qu’il se sent pousser des muscles d’homme. S’il avouait combien les changements rapides de son corps le prennent au dépourvu et l’irritent à tant le rendre maladroit…

     S’ils se disaient…

     Mais ils ne se disent rien. Elle est la sauvageonne éprise de solitude. Il enrage de colère impuissante dans un univers qui l’infantilise. Ils sont dos à dos et, parce qu’ils sont deux gamins impétueux, ils se détestent. » (p.28-29)

     

    Décocher le mot méchant

     

    « - Adélaïdeuse.

     Le mot est tombé au milieu de la dictée, à voix suffisante pour être entendu de tous. Sébastien Mauréas, sûr du résultat, feint de porter une attention sans faille à son travail. La méchante plaisanterie réussit totalement. Un éclat de rire général secoue les élèves. Ils se tournent en un seul mouvement vers Adélaïde.

     Elle rougit. Une onde brûlante monte à ses joues. Un noeud de chagrin lui serre la gorge. Ce n'est plus de la colère qu'elle ressent, seulement une peine trop lourde pour elle.

     Le vaurien ne se doute pas à quel point il a touché sa victime. Elle n'était pas sûre d'être laide, elle le craignait. Maintenant elle comprend qu'avec un visage qui devient de moins en moins joli (apparemment) et un prénom désastreux, elle portera un sobriquet gravé au fer rouge tant qu'elle restera dans cette école. » (p.32-33)

      

    « Un énorme rat mort tombe à ses pieds. (...)

     Tout le monde regarde Adélaïde. Des rires fusent. La malheureuse est debout, point de mire d'une malveillance insupportable. Les larmes lui viennent à gros sanglots, de rage plus que de peur une fois la surprise passée.

    - Face de rat ! lance une voix contrefaite.

     Les rires reprennent dans un brouhaha. La maîtresse tente de les arrêter. Des cris d'animaux s'y mêlent, qui meurtrissent Adélaïde et l'offensent. (...) Elle pleure, vaincue, et les rires redoublent.

     - Adélaïdeuse ! insiste la voix en chantonnant.

     Alors la persécutée se laisse emporter par la révolte. Elle court à la porte, quitte la salle, traverse le vestibule, traverse le préau et la cour, traverse la place. Elle court jusqu'au bout du village. » (p.94-95)

     

     « Adélaïde se demande si elle n’aurait pas dû rentrer à la maison et expliquer à sa mère la mauvaise plaisanterie.

     « Ce n’était pas une plaisanterie. C’était une méchanceté ! »

     Maintenant qu’elle a retrouvé les grands espaces des collines et la tendre confiance de Louis, elle excuserait à la rigueur le fait que l’affreux Sébastien ait mis un rat mort dans son casier.

     « Il a voulu me faire une farce. »

     Par contre, le surnom qui, une fois de plus, a jailli en cette occasion l’a blessée. Elle sait qu’elle n’est pas jolie. A part Louis, tout le monde le sait. Est-ce de sa faute si elle a…

     « Face de rat .»

     Les mots lui reviennent en mémoire et lui font mal. Être laide est déjà assez difficile à supporter. Pourquoi faut-il encore ne pas être aimée ? » (p.109-110)

     

    (La reine du mercredi de Jean-Côme Noguès)

     

     

     

     

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  •  « Mathilde avait été ma meilleure amie en sixième et pendant la moitié de la cinquième. A présent, elle faisait partie de la bande de chipies qui me harcelaient. Je n’avais pas digéré la trahison de Mathilde. D’autant plus que je m’étais beaucoup confiée à elle au temps où nous étions inséparables, et à présent, elle utilisait contre moi les confidences que je lui avais faites.

    Trahie par sa meilleure amie

     Ce n’était pas la première fois que pareille chose m’arrivait. A l’école primaire, déjà, ma plus vieille copine s’était détournée de moi pour faire alliance avec une idiote prétentieuse. Ces ruptures avaient été tellement douloureuses que j’avais décidé de ne plus jamais être amie avec personne. Et de ne rien dire de personnel dans le cadre du collège. » (p.27-28)

      

    (Chantages de Brigitte PESKINE)

     

     

     

     

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