•  

    Douce maison

     

     

     

    « C'était une maison douce, une maison de bon aloi.

     

    Juste ce qu'il faut de mousse répartie aux bons endroits,

     

    Assez de murs pour connaître une chaleur bien à soi

     

    Et ce qu'il faut de fenêtres pour regarder sans effroi.

     

     

    REFRAIN:

     

    Non, non, je n'invente pas,

     

    Mais je raconte tout droit.

     

     

    Elle ouvrait parfois sa porte à ceux qu'elle choisissait.

     

    La serrure n'est pas forte, maison, tu n'as pas dé clé,

     

    Mais avec sa confiance jamais elle ne pensa

     

    Qu'on pût user de violence pour pénétrer sous son toit.

     

     

    REFRAIN

     

     

    Advint qu'un jour de malchance, une bande s'approcha.

     

    On sonne à la porte, on lance des coups de pieds ça et là.

     

    A plusieurs, on s'encourage, on prétend qu'elle ouvrira,

     

    Et commence le saccage, la porte on l'enfoncera.

     

     

    REFRAIN

     

     

    Sauvagement, ils pénètrent, dévastant tout devant eux.

     

    Ils obligent les fenêtres à s'ouvrir devant le feu.

     

    Avec leurs couteaux ils gravent des insultes sur les murs,

     

    Et s'en vont faisant les braves quand tout n'est plus que blessure.

     

     

    REFRAIN

     

     

    La maison, depuis ce crime, n'a plus d'âme ni de nom,

     

    Mais elle n'est pas victime, c'est de sa faute, dit-on.

     

    Il paraît qu'elle a fait preuve d'un peu de coquetterie

     

    Avec sa toiture neuve et son jardin bien fleuri.

     

     

    REFRAIN

     

     

    D'ailleurs, une maison sage ne reste pas isolée :

     

    Celles qui sont au village se font toujours respecter.

     

    Quand on n'a pas de serrure, il faut avoir un gardien.

     

    C'est chercher les aventures que de fleurir son jardin.

     

     

    REFRAIN

     

     

    Si vous passez par la route et si vous avez du coeur,

     

    Vous en pleurerez sans doute, c'est l'image du malheur.

     

    Mais rien, pas même vos larmes, ne lui portera secours.

     

    Elle est loin de ses alarmes, elle est fermée pour toujours.

     

     

    REFRAIN

     

     

    Si j'ai raconté l'histoire de la maison violentée,

     

    C'est pas pour qu'on puisse croire qu'il suffit de s'indigner.

     

    Il faut que cela s'arrête, on doit pouvoir vivre en paix,

     

    Même en ouvrant sa fenêtre, même en n'ayant pas de clé.

     

     

    Non, non, je n'invente pas.

     

    Moi, je dis ce que je dois."

     

     

     

    Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1978)

     

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  •  « Cannelle Brownie… on dirait une couleur de peinture ou de teinture pour les cheveux. Ou encore un gâteau bizarre un peu écœurant.

     (…)

     Ma grande sœur s’appelle Mélissa, d’après la plante aromatique qu’on retrouve souvent dans les tisanes.

     J’ai eu moins de chance qu’elle. Si encore je n’avais pas eu les cheveux roux foncé, ça aurait pu passer.

     Mais avec une combinaison pareille, j’étais condamnée à devenir la cible de toutes les plaisanteries. » (p.5)

     

      « - C’est une élève très réservée, a confié Mlle Kaseem à mes parents au début de mon année de CM2. Elle est adorable, mais elle ne se mêle pas beaucoup aux autres. Rien à voir avec Mélissa.

     Heureusement, elle ne leur a pas tout raconté – que personne ne me choisissait lorsqu’il fallait composer une équipe en sport ou préparer un exposé, que mes camarades ne m’invitaient jamais à leurs soirées pyjamas, leurs fêtes ou leurs sorties au cinéma. J’étais le mouton noir de la classe. Assise toute seule à la cantine, je rêvais de devenir invisible tout en mangeant une seconde part de tarte pour m’occuper et combler le vide que la solitude creusait dans ma poitrine. » (p.6-7)

     

     « Se fondre dans la masse n’est pas forcément une obligation. » (p.51)

     

    Le mouton noir de la classe

     « Elle me jette un long regard triste. Je sais ce qu’elle pense : au contraire, je suis la mieux placée pour intervenir, parce que je sais ce que signifie être le bouc émissaire de la classe. Pourquoi ne comprend-elle pas que c’est justement la raison de mon silence ?

     - On ne peut pas le laisser faire. Tu as vécu la même chose, Cannelle.

     - ça remonte à très longtemps.

     Elle secoue la tête, visiblement déçue par mon attitude. Et il y a de quoi. » (p.61)

     

      « Je me demande comment elle réagirait en apprenant les brimades dont j’ai été victime. Et si elle se mettait soudain à me voir comme le mouton noir que j’étais avant ? Je ne peux pas courir ce risque. » (p.93)

      

    « - Tu ne m’aimes pas beaucoup, hein ? Devine Emily.

     - Mais si… C’est juste que tu me rappelles un passé plein de mauvais souvenirs. J’étais tellement nulle à l’époque…

     - Tu n’as jamais été nulle ! Tu étais le souffre-douleur de la classe, et ça a dû entamer ta confiance en toi. Je m’en suis voulu de ne pas être intervenue. Chelsie était une vraie peste. Comment se fait-il que les filles comme elle gagnent toujours ?

     Emily se lève pour aller chercher un album dans la bibliothèque. Elle le feuillette jusqu’à trouver les photos du fameux goûter d’anniversaire auquel j’ai participé. Je n’ai pas du tout envie de les regarder, mais je n’ai pas le choix.

     Je me reconnais, à huit ans, dans ma robe tachée de chocolat, un sachet de bonbons à la main. C’est vrai que je n’ai pas l’air si nulle que ça ; je suis juste une petite fille au sourire un peu forcé, au visage couvert de taches de rousseur et aux cheveux roux.

     - Tu étais trop mignonne, dit Emily. J’étais tellement jalouse de tes cheveux ! J’aurais adoré être ton amie, mais tu restais toujours dans ton coin… Meg disait que tu étais une solitaire.

     J’ouvre la bouche pour protester, mais aucun mot n’en sort. J’entends encore Emily et Meg me proposer de m’asseoir avec elles, essayer de m’inclure dans leurs jeux, dans leurs conversations. Mais Chelsie n’était jamais loin. Elle me répétait sans cesse que j’étais grosse et moche, que j’étais nulle, que personne ne m’aimait. Et moi, je la croyais. » (p.170-171)

     

     (Miss Pain d’épices de Cathy CASSIDY)

      

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  •  

    « Papa m’a dit cent fois d’être un homme, et d’agir comme un homme. Oui mais Papa, lequel ? Je veux pas être comme Vincent, n’être fait que de bruits, de cris et de colère. Pourquoi tu m’apprends pas les mots, plutôt ? Les mots qui soulagent, les mots qui apaisent, je voudrais avoir les mots qui soignent, ceux qui ne laissent pas seul. Ceux qui ne me viennent pas quand les choses vont trop loin : « Arrête maintenant, arrêtez, c’est trop ». C’est ces mots-là Papa, que tu dois me donner la force de dire. Je sais qu’il n’est pas fier de moi mon père, qu’il voudrait qu’je sois différent. » (p.24-25)

     

     

     

    « - Tu sais, je m’en fous.

     

    - De quoi ?

     

    - De ce qu’ils disent. Que tu préfères les garçons, tout ça.

     

    Je réponds pas. J’ai juste le coeur qui accélère, et les voitures vrombissent en passant à moins d’un mètre de moi. Ça devrait me faire quelque chose, je devrais me sentir bien, rassuré. Mais ça me fait toujours mal, et quels que soient les mots que chacun utilise. Sarah me met un petit coup d’épaule :

     

    - Tu sais, moi aussi j'aime les garçons.

     

    Puis elle se met à rire. Je lui souris. Je trouverais ça drôle si j'étais pas terriblement gêné d'en parler avec quelqu'un pour la première fois. Si j’avais les bons mots moi aussi, pour expliquer ce que je ressens, pour le dire simplement. Mais chaque fois que j’ouvre la bouche, j’entends la voix de mon père. Et ses mots à lui disent tout l’inverse de ce que je ressens. » (p.28-29)

     

    Mon fils sera pas pédé

     

    « Papa m’a dit cent fois : « Mon fils sera pas pédé », qu’il voulait pas de ça dans la famille, que ça n’arrivera pas. Papa, j’suis désolé. J’ai pas choisi, tu sais. J’ai essayé de changer, j’te jure, mais j’arrive pas, m’en veux pas. J’ai pas mérité qu’on me tape, pas mérité les claques. Non, papa, je mérite pas que tu me regardes comme ça, comme si je servais à rien, comme si j’étais pas ton fils, comme si tu regrettais. » (p.30)

     

     

     

    « Mais moi je joue pas papa, c’est toi qui joues, c’est toi qui veux pas voir, qui veut pas faire avec, c’est toi qui veux que je mente, qui a besoin que je mente, toi qui veux que je joue un rôle, toi qui veux pas de moi. » (p.34)

     

     

     

    «Alors pourquoi j’ai si peur que tu saches la vérité ? Pourquoi je peux pas te regarder en face et te dire que, ouais, papa, ton fils est pédé, que c’est plus dur pour toi que pour moi. » (p.46)

     

     

     

    « Et pour la première fois, papa dit les mots que j’ai besoin d’entendre.

     

    - Avec ta mère, on a toujours su que tu étais différent…

     

    J’ose plus le regarder, mon regard cherche le sien dans les parallèles. Je murmure à voix basse :

     

    - Différent ?

     

    Eh oui, ça me soulagerait qu’il le dise à ma place. Mais non, le moment viendra de formuler les choses en temps voulu.

     

    - Je vais pas rentrer dans les détails… J’veux dire… Peu importe ce que ça peut vouloir signifier… Ce que je veux dire par là c’est que, je t’aime, comme tu es. Même si parfois tu peux croire le contraire. » (p.54-55)

     

     

     

    (A copier 100 fois d’Antoine DOLE)

     

     

     

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  •  

    « L’ordi met une plombe à s’allumer. Je dois faire vite ! Dans un quart d’heure, ma mère sera rentrée. Pas la peine de faire des recherches, la photo de moi, endormie sur le lit, apparaît partout ! Sur les blogs, les réseaux, tout le lycée l’a partagée, tous mes « amis » la font tourner ! Je lis sans arriver à y croire les commentaires d’élèves de ma classe et de gens que je ne connais même pas : « Matez ce que Sofiane vient de partager ! Il l’a niquée ! », « Pourquoi Laura s’est fait larguer comme une merde ? La réponse en image ! », « La pute ! Elle l’a bien cherché », « Elle a la bouche ouverte ! Elle dort pas, elle gémit ! »

     

    Je n’arrive pas à comprendre. Je me trouve moche sur cette photo, mais c’est un gros plan banal : juste mon visage contre un oreiller, mon épaule nue au-dessus de la couette. La bretelle de mon top en coton a un peu glissé sur mon bras mais on voit bien que je suis habillée. Je n’ai rien fait de mal. » (p.40)

     

     

     

    « Jo me met son smartphone sous le nez. Sa voix est tendue :

     

    - Regarde ce que j’ai trouvé !

     

    Je me penche sur le téléphone.

     

    - En faisant une recherche avec ton nom, j’tombe sur ça !

     

    Toujours cette photo de moi, mais au milieu de dizaines d’autres. Une liste interminable de portraits amateurs de filles de mon âge défile sur l’écran. Jo souligne du doigt la bannière du site. C’est un site porno !

     

    - Attends ! C’est quoi ce délire ?

     

    Je lui prends le portable des mains. Je me sens trop gênée de regarder ce truc avec elle. Le site permet à des internautes de partager les photos volées de « chaudasses » qu’ils connaissent : leurs voisines, leurs sœurs, leurs cousines… Un clic pour dénoncer celles qui sont susceptibles d’être des putes ! Rien de choquant sur ces photos, pas de scènes de sexe, rien ! Mais les commentaires des visiteurs me donnent envie de vomir. Un vrai torrent d’obscénités ! Et, sous ma photo, mes vrais nom et prénom sont indiqués !

     

    (…)

     

    - Qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce que je vais faire, bordel ? Même si je changeais de lycée, ou de pays, il y aura toujours quelqu’un pour trouver ça sur le net ! » (p.67-68)

     

     

     

    « Alors, où aller ? Au lycée, dans la rue, partout je me demanderai si chaque élève, chaque prof, chaque inconnu n’a pas vu ma photo sur internet, lu les commentaires dégueu. Je voudrais juste disparaître, devenir aussi pure, inaccessible et insensible que mon Abel en marbre, endormi pour toujours.

     

    Je ne vois qu’un endroit où me réfugier, mais il faut encore trouver la force d’aller jusque-là. » (p.74)

     

    Partager des photos volées

     

    « - Voilà ! Je vais vous demander à chacun de relire la déclaration. Si tout vous semble exact, vous devrez signer, ici et ici.

     

    Le policier dépose la liasse de papiers en face de moi. Je relis une dernière fois cette histoire qui ne m’appartient même plus. (…) Je laisse mes parents relire après moi. (…)

     

    Je jette un œil au petit carnet que ma mère a noirci de notes pendant l’entretien. La liste des mots qu’elle a soulignés est beaucoup plus effrayante que le décor : harcèlement, insultes répétées, injure publique, diffamation, sexting, amende de 12 000 €, peine de prison… Le dossier comporte toutes les preuves que nous avons pu assembler avec le policier : le texto de Sofiane que j’ai eu la bonne idée de ne pas supprimer, des captures d’écran sur les blogs, sur le site porno, sur Facebook (…). ça m’a fait froid dans le dos de voir comment ils pouvaient tout savoir de ce que les gens font sur le net. En trois clics, le flic fouillait la page perso de Sofiane censée être supprimée ! Il identifiait les ordinateurs d’où chaque commentaire avait été publié. Comme si rien ne pouvait être effacé de la toile. » (p.87-88)

     

     

     

    « - C’est pas moi, Laura ! T’as pas compris ? Ils ont mon portable. Ils ont publié ta photo sur ma page à ma place ! Et plein d’autres trucs ! Quand j’ai vu qu’ils allaient pourrir tout le monde autour de moi, j’ai fermé mon compte, j’ai essayé de tout bloquer mais c’était trop tard. Ils m’ont foutu la honte. Farès te connaissait. Je suis sûr que c’est lui qui a eu l’idée pour la photo et les rumeurs. Ils savaient tout sur moi : les numéros de mes potes, mes codes d’accès, mes profils… Ils m’ont dit : si t’ouvres ta gueule, si tu cherches à nous doubler, on balancera sur Facebook ton historique avec tous les sites que tu fréquentes dessus, si tu vois ce qu’on veut dire ! On l’enverra à tes parents ! » (p.94)

     

     

     

    (Ma réputation de Gaël AYMON)

     

     

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  •  « Des mots font plus mal que des coups. C'est compliqué à comprendre. Ça paraît fou, impossible, contre les lois du monde. Et pourtant...

    Un mot, ça ne meurt pas

     

    Un coup, on l'encaisse. Il laisse une trace, éphémère le plus souvent, un bleu, un coquard, dans le pire des cas une cicatrice qui finira par blanchir et par faire partie de nous. On en parlera plus, quelle importance ? C'est fini tout ça. Et c'est vrai qu'on oublie, on oublie combien on a eu mal, combien on a serré les dents ou hurlé, combien la chair peut souffrir. On y pense plus, c'est enterré, du passé. Un mot, c'est autre chose, ça résonne, ça vibre, ça trouve sa place, bien au chaud, dans notre tête et ça reste là toute notre vie. Un mot, ça ne meurt pas. On peut pas le faire taire, il est là, il creuse, il ronge. Il fait son travail de sape.

     Un mot, ça dynamite votre monde intérieur.

     C'est dur de ne pas être un champ de ruines après. » (p.72)

      

     (à quoi tu ressembles ? de Magali WIENER)

     

     

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  •  

    Comment je m'appelle

     

     

     

    « "Si vous le savez comment je m'appelle

     

    Vous me le direz, vous me le direz

     

    Si vous le savez comment je m'appelle

     

    Vous me le direz, je l'ai z'oublié

     

    Vous me le direz, je l'ai z'oublié

     

    Quand j'étais petite et que j'étais belle

     

    On m'enrubannait de ces noms jolis

     

    On m'appelait fleur sucre ou bien dentelle

     

    J'étais le soleil et j'étais la pluie

     

    Quand je fus plus grande hélas à l'école

     

    J'étais la couleur de mon tablier

     

    On m'appelait garce on m'appelait folle

     

    J'étais quelques notes dans un cahier

     

    Si vous le savez...

    Comment je m'appelle

     

    Quand j'ai pris quinze ans que s'ouvrit le monde

     

    Je crus qu'on allait enfin me nommer

     

    Mais j'étais la moche et j'étais la ronde

     

    J'étais la pleurniche et la mal lunée

     

    Quand alors j'aimai quand je fus sourire

     

    Quand je fus envol quand je fus lilas

     

    J'appris que j'étais ventre même pire

     

    Que j'étais personne que j'étais pas

     

    Si vous le savez...

     

    Quand je fus berceau et puis biberonne

     

    J'oubliais tout ça quand je fus rosier

     

    Puis me réveillais un matin torchonne

     

    J'étais marmitasse et pierre d'évier

     

    J'étais ravaudière et j'étais routine

     

    On m'appelait soupe on m'appelait pas

     

    J'étais paillasson carreau de cuisine

     

    Et j'étais l'entrave à mes propres pas

     

    Si vous le savez...

     

    Puis un jour un jour du fond ma tombe

     

    J'entendis des voix qui se rappelaient

     

    Plaisirs et douleurs souvenirs en trombe

     

    Et j'étais vivante et on m'appelait

     

    Peu importe alors l'état de la cage

     

    Le temps qu'il faudra pour s'en évader

     

    Je saurai quoi mettre en haut dans la marge

     

    Pour recommencer mon nouveau cahier

     

    Je sais maintenant comment je m'appelle

     

    Je vous le dirai je vous le dirai

     

    Je sais maintenant comment je m'appelle

     

    Et c'est pas demain que je l'oublierai

     

    Et c'est pas demain que je l'oublierai"

     

     

     

    Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1977)

     

     

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  • « Il y a aussi tous ceux qui se taisent, qui ne s’occupent pas de moi. Ils jouent les gentils de la meute mais ils vont se lâcher le soir sur internet. Ceux qui s’amusent à faire des fakes, des montages photo de moi, juste pour rire, ceux qui inventent des jeux de mots avec mon prénom… J’ai même lu une blague sur ma grand-mère qui aurait couché avec les boches ! » (p.45)

     

     

     

    « - ÇA NE S’ARRÊTERA JAMAIS ! Maintenant qu’ils t’ont prise comme bouc émissaire, aucun ne voudra risquer de prendre ta place !

     

    (…) J’ai subi ça, dans mon ancien lycée. Ils m’ont pourri la vie, en classe, sur le web, même chez moi…

     

    Maintenant, je me suis endurcie, ils m’auront plus. Les élèves, les profs, le lycée, tout ça pour moi, ça n’existe pas. Je suis dans une bulle. Mais s’ils me cherchent une seule fois, ils me trouveront ! 

     

    - Des fois je me dis que je devrais en parler aux profs. Mais ça risque de me retomber dessus. Si je vais voir le directeur, tu crois qu’il le dirait à mes parents ?

     

    - Laisse tomber ! Il ne fera rien, le directeur, je peux te le dire ! Il te prendra pas une seconde au sérieux, ni la police. On te dira que ta photo, elle a rien de choquant, c’est tout ! Pour eux, on est des gosses. Les gosses, ça se bagarre, ça chahute, c’est normal !» (p.50-51)

     

    Tous ceux qui se taisent

     

    « Chaque matin, sortir dans la rue comme descendre dans l’arène. J’essaie de ne pas penser à ce qui m’attend pour ne pas faire marche arrière. Je serre mon carton à dessin sous mon bras, je lisse ma frange deux cents fois. Dans ma tête, je répète mon petit rituel, une prière pour je-ne-sais-pas-qui, que je dois dire à voix basse, dix fois en boucle sans me tromper, avant d’être arrivée au lycée : « Je vous en supplie, faites que tout se passe bien pour moi aujourd’hui. Faites que tout se passe bien pour moi aujourd’hui. Faites que tout se passe bien pour moi aujourd’hui... » Je ne sais pas pourquoi j’ai inventé ce truc, je n’y crois pas vraiment, mais je finis par avoir l’impression que si je me trompe d’un seul mot, il m’arrivera un malheur.

     

    (…)

     

    Mais quand la grande arche de la grille du lycée est en vue, je commence à avoir trop mal au bide pour rester concentrée. » (p.66-67)

     

     

     

    « - Tu as des problèmes ?

     

    Je hoche du menton pour dire oui. Comment lui dire ? Comment expliquer ? Je cherche mes mots sans les trouver. Je ne sais même plus ce que j’ai à raconter. Je me mets à renifler. Au milieu des hoquets qui montent, la seule chose qui me vient, c’est une phrase de bébé, toute conne, qui me fait presque honte :

     

    - Tout… tout… tout le monde m’embête au lycée !

     

    - Comment ça ? Mais qu’est-ce qui t’arrive, Pupuce ?

     

    Plus il a l’air inquiet, plus je m’effondre. j’essaie de raconter, les insultes, les moqueries, ma solitude forcée ? Je dis « on », « ils » ou « tous » pour ne pas donner de noms. Je lui dis presque tout mais je ne parle pas du baiser de Sofiane, je ne peux pas. Je dis juste que les garçons m’ont larguée, sans raison. Je tourne autour du pot, je mets longtemps à aborder l’histoire de la photo sur internet, des rumeurs… Quand j’y arrive enfin, Pops n’est plus horrifié mais en colère. Il contient sa respiration, sa voix vibre :

     

    - Mais c’est quoi cette photo ? C’est quelque chose de… compromettant ?

     

    - Non, c’est rien ! Juste une photo où je dors ! Après, y en a qui ont fait des montages, qui ont inventé des trucs…

     

    - Qui te l’a volée, cette photo ? Qui l’a mise en ligne ? (p.76-77)

     

     

     

    « - Ce qui lui arrive, il me semble que ça a un nom. C’est du harcèlement et c’est probablement puni par la loi. Alors il faut se calmer et prendre le temps de réfléchir. Si tu fais n’importe quoi, tu risques d’aggraver la situation. » (p.78)

     

     

     

    « Je n’arrive pas à le croire ! Maintenant qu’il sait que je ne suis pas morte ou suicidée, il ne se sent même plus concerné ! Alors, qu’est-ce qu’ils vont penser tous les autres, ceux qui n’ont jamais été mes amis , Que j’ai été trop loin, que j’abuse, que je le méritais ! Qu’il y avait une part de vérité dans tout ça ! Et moi, qu’est-ce que j’en sais vraiment ? » (p.86)

     

     

     

    (Ma réputation de Gaël AYMON)

     

     

     

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  •  

    « Papa m’a dit cent fois qu’un garçon, ça règle ses comptes tout seul, que ça doit savoir se débrouiller, « comme un homme » il a dit. » (p.5-6)

     

     

     

    « Au bahut j'esquive toute la journée. Je suis devenu expert dans l'art de me rendre invisible une fois sorti de la salle de cours. Je ne me change pas dans les vestiaires mais dans les toilettes du bâtiment des sciences, je ne passe pas par le grand hall si j'en aperçois un de la bande, je connais à peu près toutes les issues du collège et je traîne pas sous le préau ni vers le terrain de basket, je passe la plupart des récrés dans un couloir du troisième étage, assis par terre à attendre que ça sonne pour rejoindre la classe. Mais ça suffit pas. Parce que si c'est pas dans les vestiaires, c'est dans un coin du gymnase, si c'est pas dans le hall, c'est sur le chemin de l'arrêt de bus, si c'est pas dans le couloir du troisième, c'est dans n'importe quel autre, comme si tous les chemins me menaient à la peine. » (p.22-23)

     

    « Comme un homme »

     

    « Mais on s’y fait Sarah, à ce monde qui cogne et qui heurte, c’est celui dont on avait peur la nuit quand on était petits. Quand ma mère me disait que les monstres n’existaient pas, que fallait pas avoir peur, c’était pas vrai Sarah. Ces monstres-là, ils existent, moi j’en ai rencontré. On s’y fait et c’est le pire, on s’habitue à tout.

     

    J’ai honte, je n’ose pas la regarder, j’essaie de me redresser. Elle me redemande si ça va. Non, ça va pas, mais j’ai pris l’habitude. » (p.21)

     

     

     

    « Vincent m’interpelle à nouveau :

     

    - Et ça fait quoi d’être une fiotte ?

     

    Les larmes me montent aux yeux. C'est nerveux. Comme quand quelqu'un t'engueule mais que tu trouves pas les mots pour te justifier. J'aimerais gueuler que merde, ça suffit, qu'est ce que je t'ai fait, putain? Pourquoi tu me fais chier comme ça? Et pourquoi ça t'intéresse tant que j'sois pédé ou pas? Franchement, ça va continuer encore longtemps? T'as pas autre chose à foutre? » (p.15)

     

     

     

    (A copier 100 fois d’Antoine DOLE)

     

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  • « Les parents de Shannon Kershaw ont trouvé ces photos sur son ordinateur. Ils sont très inquiets, ce qui peut se comprendre, tout comme tes parents ici présents. Shannon nous a dit que M. Hunter aimait flirter avec ses élèves. Et que tu avais eu un coup de coeur pour lui.

     (…)

     Apparemment, ils se sont déjà fait leur propre idée de ce qui s’est passé samedi, et quoi que je puisse dire, ça ne changera rien.

     (...)

     Je regarde à nouveau la photographie et peu à peu tout s’éclaire. Il ne s’agit pas d’un rapprochement malsain entre une jeune fille effrayée et un adulte insistant, mais d’un professeur qui essaie d’aider son élève. Le cliché a dû être pris juste après le départ de Sam, lorsque Shannon m’a laissée seule, en larmes, au milieu du jardin plongé dans le noir. M. Hunter m’a simplement ramenée à l’intérieur de la maison pour me confier à Emily.

     J’ai la tête qui tourne en repensant à la peine de Shannon après que M. Hunter a repoussé ses avances, à sa fureur quand elle a appris que j’avais appelé ses parents, aux photos prises par Jas, à la disparition de son appareil, à la façon dont les images se sont retrouvées comme par hasard sur l’ordinateur des Kershaw…

     (…)

     Je me tourne vers Mlle Bennett et déclare d’une voix calme :

     - C’est Shannon qui était amoureuse de M. Hunter. Elle a craqué pour lui dès le début du trimestre. Voilà pourquoi elle l’a invité à sa fête – elle comptait flirter avec lui dans l’espoir qu’il se passe quelque chose.

     (…)

     Mais ce n’était pas réciproque. Pour lui elle n’était qu’une élève. Quand il le lui a expliqué, Shannon s’est mise dans tous ses états.

     (…)

     Je crois que je sais quand cette photo a été prise.

     Ce n’est vraiment pas ce que vous croyez. Je venais de me disputer avec Sam Taylor à cause de Shannon, et M. Hunter essayait de me réconforter. Il m’a emmenée voie Emily et l’a aidée à me calmer…

     ( …)

      

    Recadrage

     Contrairement à ce que vous disiez tout à l’heure, les images peuvent parfois mentir. Et celle-ci est particulièrement trompeuse. On était dans la cuisine, au milieu d’une foule de gens. Emily se tenait juste à côté de moi – regardez, on voit un bout de sa manche, juste là. Vous croyez vraiment que M. Hunter aurait eu des gestes déplacés devant elle ? Interrogez-la ! Demandez à Jas, aussi. C’est lui qui a pris la photo de Shannon, et probablement celle-ci.

     (…)

     

     - Hé ! s’écrie Jas en s’emparant des photos. Vous avez trouvé mon appareil ? Mais qui a recadré cette image ? Vu comme ça, on dirait qu’il se passe des trucs louches !

     - Recadré ? Répète Mlle Bennett. Est-ce que tu pourrais nous décrire l’original ?

     - On voyait M. H. et Emily en train de consoler Cannelle dans la cuisine. Je voulais faire un reportage sur les dessous des soirées adolescentes. Et il y a toujours une fille qui pleure, pas vrai ? Mais avec ce cadrage, la photo n’a plus rien à voir… ça craint ! Ça en dit long sur le pouvoir des paparazzi. » (p.235-238)

     

     (Miss Pain d’épices de Cathy CASSIDY)

       

     

     

     

     

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  • Témoignage en vidéo d'Emerald Small:

    https://youtu.be/QkwdauNcfOI

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