• Grossophobie ordinaire

      « Tout le monde a des problèmes. C'est ce que rabâche ma mère quand je me plains. Bien sûr, il y a des gens qui n'ont pas de maison, pas de parents, une maladie grave et incurable... Tout le monde a des problèmes, donc.

     Le mien, mon souci à moi, c'est une masse de graisse. Presque vingt kilos de chair en trop, des pneus autour du ventre, des fesses qui débordent des chaises, des troncs à la place des jambes, des doigts comme des boudins apéritif, un visage rond comme la lune...

     - Pas du tout ! me contredit ma mère. Tu ne débordes pas des chaises, tes mains sont très jolies, tes yeux sont magnifiques. Décidément, tu ne te vois pas comme tu es vraiment.

     - Une baleine sur pattes, un éléphant sans trompe, ou je ne sais pas, n'importe quel animal dont le poids ferait reculer le plus affamé des prédateurs. » (p.5)

     

    Grossophobie ordinaire

      « Mais concrètement, j'attends toujours, avec peu d'espoir, qu'un prince aveugle me déclare sa flamme. Sauf s'il est obèse, ce qui m'obligerait à refuser ses avances... Je déteste mon reflet dans la glace parce que pour moi tous les gros sont moches avec leurs bourrelets moches, leurs brioches moches, leurs doubles mentons moches et tout le reste moche... Alors mon prince charmant ne sera pas gros ! Et puis, pour les galipettes... la honte franchement ! » (p.10)

     

    « On a aussi rencontré d'autres gens sur notre chemin. Pas grand monde mais assez pour que je me sente à l'étroit dans leurs yeux. C'était comme une mauvaise odeur qui rôdait, comme une poisse écoeurante qui nous collait aux basques. Les regards, je les ai trouvés plutôt fuyants et les visages, carrément incrédules. Je n'en suis pas sûr à cent pour cent, parce que je peux être parano des fois, mais je crois avoir entendu des chuchotements sur notre passage. Chloé n'était pas gênée comme moi. J'ai compris qu'elle avait l'habitude d'avaler des couleuvres en marchant dans la foule. C'était comme si elle leur disait « ça vous dérange ? Tant mieux, je vous emmerde ! » J'ai vu aussi qu'elle respirait mieux quand on s'est retrouvés à l'écart. » (p.67-68)

     

     « Elle reconnaîtrait la honte qui m'envahit pendant que mon frère me regarde avec dégoût.

     - Merde ! J'y crois pas, c'est ta meuf ! Tu te fais la grosse... Avec toutes les jolies nanas qu'il y a ici, t'as rien trouvé de mieux ? Tu te tapes LE boudin du centre !

     Je devrais le faire taire, lui sauter dessus pour qu'il ferme sa grande bouche ou pour lui ranimer le cerveau. Je devrais lui balancer ses haltères à la figure pour lui casser les dents ou l'asperger de gel douche jusqu'à ce qu'il étouffe sous la mousse. Mais je me contente de faire le dos rond, je baisse les épaules et je me sens aussi minable que si j'avais fait une connerie, comme si j'avais menti à mon frère, trahi mon frère. Comme si je comprenais sa déception.

     - Purée, continue-t-il en ouvrant de grands yeux. Faut avoir faim pour sa faire un cageot pareil. Je sais pas comment tu peux...

     Comment je peux me laisser humilier comme ça ? Je continue à me taire, je serre les dents en respirant fort, pour ne pas étouffer. » (p.74)

      

    « - Sans déconner, c'est pas des culottes petit bateau qu'il lui faut à elle...

     - Hein ?

     - C'est des slips gros paquebot !

     Je n'ai pas ri et il m'a fait une grimace. Soit Marianne le dégoûtait, soit c'était moi. Ou les deux. J'ai faillit lui répondre que, pour lui, l'idéal serait un slip « petit con » mais je me suis retenu. Je me suis même demandé si j'aurais ri avec lui avant de connaître Chloé. C'est moche, ça me déprime. Les propos de Guillaume, mon manque de réaction, mon silence. » (p.108)

      

    (Grosse folie de Raphaële FRIER)

     

    « Des traces indélébilesElle a été anéantie »
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