• « Ma vie me remontait à la gorge, m’étouffait de cette part sombre trop brutalement mise en lumière. Ce trou béant qui me torturait depuis si longtemps avait donc raison d’être ; j’étais un enfant adopté. Pire, un enfant regretté, méprisé au point que l’on n’avait jamais jugé utile de me dire ma propre vérité, quand tous les autres le savaient.

     

    Un enfant adopté

    Au moins les multiples réflexions, les attitudes vexatoires, la discrimination que j’avais subies durant toutes ces années venaient-elles de trouver une explication. De même que l’amour fou porté par mes parents à une sœur sans âme, sans dignité et sans esprit mais fabriquée de leur chair et de leur sang. Une sœur qui leur ressemblait. Chaque détail, chaque événement revenait soudain habillé d’un sens neuf. Le peu d’intérêt de ma mère pour mes devoirs, mes amis, mes activités, alors qu’elle surveillait chacun des faits et gestes de Clélia. Ses affirmations définitives sur les garçons qui se fichaient forcément d’être bien habillés (je recyclais les vieilles chemises de mon père) et se trouvaient naturellement plus résistants que les filles pour lessiver le garage seul pendant que Clélia téléphonait à ses copines).

     

    Et ces éternelles interrogations : de qui pouvais-je tenir mes yeux noirs ? Cette pilosité agressive ? Ma petite taille ?

     - Ton arrière-grand-mère avait épousé un Grec.

     - Un Grec ? Où l’avait-elle rencontré ?

     - Qu’est-ce qu’on en sait. Tu nous fatigues avec tes questions.

     Ceux qui avaient prétendu au rôle de parents m’avaient sciemment plongé dans l’obscurité. Était-il possible d’être si lâche et égoïste à la fois ? » (p.114-115)

       

    (Providence de Valérie TONG CUONG)

     

     

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  • « - Les autres jeunes, les profs, ils ne m’aimaient pas. Je n’avais pas ma place parmi eux.

     - Écoute. » Danny a laissé tomber ce qu’il était en train de faire pour venir se planter à côté de moi.

     (…)

     Ton apparence ne compte pas, ma chérie. Peut-être que ces enfants se comportent d’une certaine manière mais il faut que tu leur laisses une chance. Mon plus jeune fils, Ben, a le syndrome de Down. Pourtant, il va à l’école et il a une tonne de copains. Alors ne laisse pas tomber, OK ? »

     J’ai senti les larmes gonfler mes paupières et j’ai penché la tête pour qu’il ne les voie pas. Si Danny avait été mon père, les choses auraient été différentes.

     « Tu vois, a-t-il poursuivi, le monde est grand et cet endroit est tout petit. Une petite ville, de petits esprits. Mais toi, tu peux être plus grande que ça. D’accord ? » Il a tapoté mon épaule avec sa grosse paluche, très gentiment. Je lui ai adressé un sourire à travers mes larmes et j’ai essuyé mes yeux avec la manche de mon pull. » (p.143-144)

       

    Ton apparence ne compte pas

    « « Tu es parfaite, mon coeur. Tu es différente mais ça ne t’empêche pas d’être parfaite. Tu ne peux rien changer à ton apparence, ce n’est pas ta faute. Tu entends ce que je te dis, Rebecca ? Tu comprends ce que je suis en train de te dire ? »

     Elle m’a dit que j’avais quelque chose, un syndrome. Je lui ai demandé si on pouvait l’attraper comme un rhume, par exemple, et si ça partait quand on grandissait.

     Elle m’a répondu tristement : « Non. Non, mon coeur, je suis désolée. » Elle m’a dit que ça s’appelait Treacher Collins. Elle m’a expliqué que les os de mon visage ne s’étaient pas formés comme il le fallait quand j’étais dans le ventre de ma mère et que c’était la raison pour laquelle mon visage était un peu différent.

     (…)

     Même si elle m’avait expliqué ce qui n’allait pas, même si elle avait donné un nom à cette chose, même si elle m’avait dit que je n’étais pas la seule à devoir endurer cela, Les Parents avaient déjà décidé depuis longtemps de mon sort et je portais leur dégoût de moi comme une marque au fer rouge. » (p.206-207)

      

    (Des bleus au coeur de Louisa REID)

     

     

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  • « J’étais loin d’imaginer que Charles m’avait choisie sur des critères méticuleusement inscrits dans l’un de ses cahiers. Je faisais partie du plan. Mon physique, la blondeur, les yeux clairs, mon tempérament, discipliné et malléable, mon incapacité à me rebeller : j’étais précisément celle qu’il cherchait, la mère de famille lisse et sans surprise, ornant à la perfection un tableau familial qui ferait rêver ses électeurs – il me l’a même jeté à la figure, quelques années plus tard.

     Aujourd’hui encore, j’ignorais quel type de sentiments il éprouvait réellement à mon égard, et même s’il avait été ou était réellement capable de sentiments. Je crois que le simple fait d’avoir atteint son objectif - en l’occurrence, me posséder, ou plutôt me détenir – lui procurait une immense satisfaction, une jouissance même, qu’il renouvelait par jeu à intervalles réguliers, me blessant, m’amenant jusqu’au point de rupture, puis me rattrapant et s’excusant, déployant déclarations enflammées et engagements rarement tenus.

     L’amoureux s’était progressivement transformé en dictateur, mais qui pouvait s’en douter ? Il était si bon comédien.

     Mes parents l’adoraient. Il faisait parfaitement illusion en gendre idéal, dévoué, exemplaire, offrant généreusement voyages et cadeaux luxueux, travaillant sans compter tout en protégeant son clan.» (p.58)

      

    Comme une décoration

      

    « Tu es mon cancer, ai-je pensé. Tu as semé tes métastases avec adresse, tu m'as affaiblie d'année en année, mais Dieu sait comment, j'ai réchappé de tes attaques insidieuses, répétées, et aujourd'hui, quelque chose d'inespéré se produit, tu ne m'atteins plus, comme le prévoyait Jean, j'ai ôté ces lunettes que tu m'avais imposées, je vois le monde par moi-même, je te vois tel que tu es, un homme sans compassion, un type dévoré par l'ambition personnelle, un sale con qui m'a utilisée de toutes les manières possibles, mais qui n'a jamais aimé personne d'autre que lui-même. » (p.134)

       

    « Car il est là le malentendu. Comme une femme battue qui pardonne encore et encore, j’ai voulu croire toutes ces années que tu éprouvais pour moi des sentiments profonds. J’ai voulu croire que tu changerais. Quoi qu’en dise Jean, tu ne m’aimes pas mal, tu ne m’aimes pas. Je compte pour toi, oui, parce qu’un député de la droite très catholique se doit de présenter une famille rassurante. Je compte pour toi parce que j’élève tes enfants. Je compte pour toi tant que je suis exactement celle que tu veux au millimètre près. Je compte pour toi comme une décoration au revers de ton costume. » (p.142)

       

    (L’atelier des miracles de Valérie TUONG CONG)

     

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  • « Dans quelle société se sent-on habilité à penser que les femmes sont là pour le plaisir du regard des hommes ? »

       

    « Le truc, c'est que tout notre environnement médiatique incite à regarder et à jauger des corps de femmes. Il en est saturé.

     Que ce soit au cinéma, dans la pub, l'univers de la BD, ou les jeux vidéo.

     Dans ces univers, les femmes sont non seulement représentées de manière hypersexualisée, mais en plus, bien souvent, elles n'ont ni rôle, ni dialogue, parfois même pas de prénom. En gros, elles sont juste là pour servir de caution 'nichons' »

      

    « Déjà, les spectateurs de genre et orientation sexuelle oubliés doivent s’adapter, soit en s’imaginant dans des rôles de peu de valeur, soit en renonçant à leur identité pour s’imaginer mâles et hétéros.

     Or nous nous construisons dès tout petits par les personnages auxquels nous nous identifions. C’est du coup problématique d’avoir à choisir entre la potiche et la norme du mec hétéro, si ce n’est pas notre identité. »

       

    Le regard masculin

    « Eh bien les chercheur-euse-s ont constaté que si nous regardons bien les hommes comme des êtres humains, les femmes en revanche étaient analysées de la même façon que des objets, et ce, quel que soit le genre de la personne qui les regarde »

       

    « Or, si on interagit avec une personne, à l'inverse, on se sert d'un objet. Et voir les femmes comme des objets pose des problèmes évidents de respect de leur consentement... »

       

    (Un autre regard d’EMMA)

     

     

     

    https://emmaclit.com/

     

     

     

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  • « - Je ne comprends pas. Pourquoi on m'aurait fait ça ? Sans jamais m'en parler ? A quoi ça sert ?

     - A rien, malheureusement. C'est une tradition ancestrale, coriace. J'imagine que, pour vos parents, la pratiquer devait relever de l'évidence. Qu'autour d'eux, toutes les femmes, depuis des générations…

     - Mais c'est délirant…

     Awa secouait la tête, furieuse :

     - ...que personne n'ait pensé à m'avertir qu'on avait coupé une partie de moi, POUR RIEN. » (p.30)

      

    « ...je sais, vous allez dire que je suis très soutenue. Mais moi j'ai l'impression d'avoir été court-circuitée, vous comprenez ? On avait décidé pour moi, ensuite on a résolu le truc sans moi. Tout a changé, et finalement rien n'a changé : on n'en parle plus. Cette fois-ci, je veux comprendre : ce qui se passe dans ma famille ; qui a pris les décisions ; qui a su, pourquoi ils ont voulu ou accepté qu'on nous mutile, comme vous dites. » (p.34)

      

    « - Je n'ai rien pris, annonça Awa d'une voix claire. J'aurais eu l'impression de tricher si je l'avais fait.

     Si je dois vivre avec une coupure en moi, je veux la ressentir, je veux l'intégrer, je veux… comment dire… je veux l'éprouver.

     L'endormir avec des médicaments, ce serait comme l'escamoter, comme prétendre que tout va bien en supprimant la sensation. Finalement, ça conforterait ce que vous venez de dénoncer : l'idée d'un sexe honteux. Je ne veux pas oublier mon sexe et la douleur qu'il renferme. Ce serait prolonger l'amputation. » (p.65)

     

    Par pure discrimination

     

    « Une opération, c'est une intervention sur le corps qui sert à faire du bien, à soigner. Une mutilation, c'est quand on abîme intentionnellement quelqu'un. On le blesse, on lui fait prendre des risques, parfois on le tue, et tout ça sans aucune raison médicale. Tu imagines ? Cent trente millions de filles à qui on a fait mal parce que c'étaient des filles. Par pure discrimination. » (p.80-81)

     

    « J’ai appris que j’étais excisée, qu’on avait enlevé une partie de mon sexe quand j’étais petite. Une coupure tellement douloureuse que je commence tout juste à en avoir quelques souvenirs, qui sont horribles, séquentiels, comme des flashs. J’ai rencontré une militante qui anime des groupes de parole : elle m’a dit que la société inflige ça aux femmes pour les contrôler. Elle fait le parallèle avec le bandage des pieds des Chinoises, jusqu’au siècle dernier : focaliser les femmes sur leur souffrance, régir leurs mouvements ou leur ôter toute possibilité de plaisir, les inféoder à leur rôle de matrice maternelle. » (p.101)

      

    « La psychologue, quand j’ai eu fini de tout parler, elle m’a expliqué ce qui t’était arrivé. Moi, j’étais prête pour la sensibilisation, j’étais d’accord pour l’accompagnement, le suivi, j’étais d’accord pour tout à condition que l’histoire ne se répète pas. C’est ça que je voulais te raconter : que c’est avec toi que j’ai appris. Je voulais que tu saches pourquoi toi et pas les autres. Que tu ne croies pas que je t’aimais moins. Que tu comprennes que j’étais ignorante avant que tu m’ouvres les yeux, avec ta tristesse et tes mouvements de recul dès qu’on t’approchait. » (p.227)

       

    (La tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux de Pauline PENOT et Sabine PANET)

     

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  • « J’étais évidemment beaucoup moins préoccupée que maman par ce handicap, mais je supportais très mal la façon dont les gens regardaient Ben. Ils l’observaient d’une manière appuyée, le regard horrifié, le visage figé, en détournant ensuite la tête comme s’ils n’avaient rien remarqué. Mais dès que j’avais le dos tourné, pour chercher un pot de confiture ou autre, je sentais leurs yeux fixés sur le pauvre petit Ben. Il est vrai qu’il s’en moquait, lui, tout occupé à attraper ses pieds pour se les fourrer dans la bouche, comme le font tous les bébés. Seulement voilà, ben avait deux ans. Avant de l’emmener faire des courses, je me sentais comme un gladiateur romain qui se ceint les reins pour affronter son adversaire. J’évitais la rue principale, je me dirigeais vers le boulevard le plus éloigné de l’école pour me donner l’illusion d’être à l’abri des regards. Mieux, je prenais les devants, prête à fustiger les mal-appris, ne fût-ce que symboliquement. Et je suis sûre que je souffrais plus que maman lors de ces expéditions. Les gens n’osaient rien lui dire, à elle. Mais comme je paraissais très jeune – on me donnait treize ans à peine alors que j’avais quatorze ans et demi – ils prenaient avec moi toutes sortes de libertés. Un jour, une femme m’a arrêtée en disant :

     - Vous permettez, mon, petit ?

     Et puis elle s’est penchée sur Ben en écarquillant les yeux, et a ajouté :

     - Qu’est-ce qu’il fait là, celui-là ? Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi vilain.

     Enfin elle m’a lancé un drôle de regard, comme si elle pensait que j’étais folle ou quelque chose comme ça. Les enfants me gênaient beaucoup moins. Ils disaient tout haut ce qu’ils pensaient, sans dissimuler leur curiosité, comme : « Regarde, maman ! Il a une drôle de tête, le bébé !» Mais je ne supportais pas les mères qui disaient « Chut ! » en entraînant leur progéniture. Pourquoi ne souriaient-elles pas et ne disaient-elles pas quelque chose de gentil comme : «Oui mais il a de jolis cheveux bouclés », ce qui était la vérité. » (p.38-39)

     

    « -Dis donc… Elles ne sont pas au courant, tes copines, pour Ben ?

     J’ai secoué la tête.

     - Elles ne l’étaient pas ; eh bien, elles ne vont pas tarder à l’être.

     Mme Chapman m’a donné une petite tape.

     - Bien ! tu dois m’en vouloir assez d’avoir vendu la mèche, mais tu vois, je ne te ferai pas d’excuses. Tu es un peu sotte, Anna. Tu ne peux pas garder une pareille chose secrète. Il est grand temps que tes copines sachent la vérité. Tu n’as pas honte de Benny, au moins ?

     - Bien sûr que non, dis-je, tout en sachant bien que je mentais. » (p.42-43)

      

    « - De quoi as-tu peur, alors ? dit-elle. De leur compassion ? Ne sois pas stupide, Anna. Nous avons tous besoin de compassion. Il faut seulement que tu apprennes à l’accepter. Il est quelquefois plus difficile d’être celui qui reçoit que celui qui donne. » (p.44)

      

    (Mon drôle de petit frère d’Elizabeth LAIRD)

     

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  • « Nous vivons encore à une époque où des personnages publics sortent de placards invisibles, bâtis en grande partie par un public animé d’un désir insatiable de connaître les détails les plus intimes de la vie privée des célébrités.

     Nous voulons tout savoir. Nous sommes submergés d’informations, alors nous trouvons cela légitime. Nous aimons aussi les taxinomies, les classifications, les définitions. Etes-vous un homme ou une femme ? Etes-vous démocrate ou républicain ? Etes-vous marié ou célibataire ? Etes-vous gay ou hétéro ? Nous sommes perdus lorsque nous ne connaissons pas les réponses à ces questions ou, pire, quand ces réponses ne tombent pas proprement dans une catégorie donnée.

     

    Catégoriser les gens

    Lorsque les personnages publics ne fournissent pas de preuves ostensibles de leur sexualité, notre désir de classification s’accroît. Bien des célébrités sont poursuivies par des « rumeurs d’homosexualité », parce que nous ne parvenons pas à les ranger dans une catégorie précise. Nous agissons comme si catégoriser ces gens allait avoir un impact sur nos vies, ou comme si créer ces catégories relevait de notre responsabilité, alors que la plupart du temps cette taxinomie n’aura aucune influence. (…) cette information ne satisfait qu’une seule chose : ma curiosité. » (p.235-236)

     

     

    (Bad Feminist de Roxane GAY)

     

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  • Migrants

     

    (Les nouvelles de la Jungle de Calais par Lisa MANDEL et Yasmine BOUAGGA)

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  • « Elle souffre d'anorexie mentale. Mentale, ça va avec le nom de la maladie, mais ça ne me plaît pas. Elle a la tête qu'il faut, à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle est très belle, très blonde, très douce, très têtue, très sensible. » (p.13)

     

    Anorexie mentale

     

    « Manger. Le verbe a fini par me répugner. Le verbe, la fonction, ce transit grotesque entre deux extrémités. Il m’arrive, pour ce seul motif, d’admirer des grévistes de la faim. Je les crois purifiés d’une souillure. Des médecins me disent que, passé les premiers manques, les pénitentes trouvent un charme trouble à leur état. Quelques saints y ont même découvert le chemin d’une béatification. Le corps s’allège, l’esprit entre en lévitation. Bulle après bulle, le mal-être s’envole. Ne reste plus que le misérable sac d’os dont parlait Malraux. » (p.15)

     

     

    (Lettres à l’absente de Patrick POIVRE D’ARVOR)

     

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  • « La tête de Versini lorsque je suis entrée dans la pièce. Il a pratiquement sursauté en me voyant. Autant vous dire que le premier que j’entends parler de paranoïa, je le plonge dans une marmite, je m’enfile un os dans le nez et je le dévore en ragoût. Eh oui, lorsque l’on s’appelle Prudence Mané, que l’on est titulaire d’un bac + 8 et partner dans un cabinet de conseil réputé, rien n’indique à priori que l’on est noire.

     

    Rien n’indique a priori…

     Je les connais si bien, ces regards détournés. Cette façon maladroite de masquer la surprise, car oh, bien entendu, une telle réaction est loin d'être politiquement correcte.

     Je les connais, je les prévois, je les attends, pourtant je ne m’y habitue pas. Je lutte, je m’accroche ; je sais bien que c’est moi que je punis en offrant le flanc à ces sombres pensées. En vain. Je plonge dans les miroirs tendus à loisir au long de mes journées. Je guette l’affront. Tu es noire, Prudence. Pour tous ces Blancs que tu croises, tu descends d’une lignée d’esclaves. Peu importent ta beauté, ton intelligence, ta rigueur, ton professionnalisme. Tu es noire, donc inférieure. Issue du règne sous-humain, quelque part entre animal et végétal. » (p.86)

     « - Mihajilovitch, c’est un nom d’origine slave, non ?

     - Et votre réflexion, elle serait pas d’origine tordue ? » (p.151)

      (Providence de Valérie TONG CUONG)

     

     

     

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