• Comme une décoration

    « J’étais loin d’imaginer que Charles m’avait choisie sur des critères méticuleusement inscrits dans l’un de ses cahiers. Je faisais partie du plan. Mon physique, la blondeur, les yeux clairs, mon tempérament, discipliné et malléable, mon incapacité à me rebeller : j’étais précisément celle qu’il cherchait, la mère de famille lisse et sans surprise, ornant à la perfection un tableau familial qui ferait rêver ses électeurs – il me l’a même jeté à la figure, quelques années plus tard.

     Aujourd’hui encore, j’ignorais quel type de sentiments il éprouvait réellement à mon égard, et même s’il avait été ou était réellement capable de sentiments. Je crois que le simple fait d’avoir atteint son objectif - en l’occurrence, me posséder, ou plutôt me détenir – lui procurait une immense satisfaction, une jouissance même, qu’il renouvelait par jeu à intervalles réguliers, me blessant, m’amenant jusqu’au point de rupture, puis me rattrapant et s’excusant, déployant déclarations enflammées et engagements rarement tenus.

     L’amoureux s’était progressivement transformé en dictateur, mais qui pouvait s’en douter ? Il était si bon comédien.

     Mes parents l’adoraient. Il faisait parfaitement illusion en gendre idéal, dévoué, exemplaire, offrant généreusement voyages et cadeaux luxueux, travaillant sans compter tout en protégeant son clan.» (p.58)

      

    Comme une décoration

      

    « Tu es mon cancer, ai-je pensé. Tu as semé tes métastases avec adresse, tu m'as affaiblie d'année en année, mais Dieu sait comment, j'ai réchappé de tes attaques insidieuses, répétées, et aujourd'hui, quelque chose d'inespéré se produit, tu ne m'atteins plus, comme le prévoyait Jean, j'ai ôté ces lunettes que tu m'avais imposées, je vois le monde par moi-même, je te vois tel que tu es, un homme sans compassion, un type dévoré par l'ambition personnelle, un sale con qui m'a utilisée de toutes les manières possibles, mais qui n'a jamais aimé personne d'autre que lui-même. » (p.134)

       

    « Car il est là le malentendu. Comme une femme battue qui pardonne encore et encore, j’ai voulu croire toutes ces années que tu éprouvais pour moi des sentiments profonds. J’ai voulu croire que tu changerais. Quoi qu’en dise Jean, tu ne m’aimes pas mal, tu ne m’aimes pas. Je compte pour toi, oui, parce qu’un député de la droite très catholique se doit de présenter une famille rassurante. Je compte pour toi parce que j’élève tes enfants. Je compte pour toi tant que je suis exactement celle que tu veux au millimètre près. Je compte pour toi comme une décoration au revers de ton costume. » (p.142)

       

    (L’atelier des miracles de Valérie TUONG CONG)

     

    « Le regard masculin Ton apparence ne compte pas »
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