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« - On doit trouver les moyens d'agir ! décrète l'ancienne receveuse d'un ton chargé de révolte. Ces quatre dernières années, nous avons démontré que nous valions autant que les hommes et on ne nous a accordé aucune reconnaissance, d'aucune sorte ! On ne peut pas se soumettre à une telle injustice ! Tu acceptes de vivre comme avant, toi ?
- Non, concède Agnès. Mais que pouvons-nous faire ?
- Il paraît que les députés débattent d'une proposition de loi pour nous accorder le droit de vote, chuchote Renée. Ils essaieront sûrement d'enterrer le projet en prétendant que les femmes, par nature, n'aspirent à rien d'autre que de s'occuper de leur famille et de leur maison. Le club organise une réunion la semaine prochaine pour discuter de la manière de les pousser à prendre la bonne décision. Il paraît que Madeleine Pelletier viendra tout exprès de Paris pour y assister, tu te rends compte ? » (p.72)
« -Les hommes ont voulu la guerre et nous l'avons endurée pendant quatre ans. Ils nous ont sacrifiées à leur jeu mortel, exigeant que nous soyons là pour les pleurer, les panser, les réconforter. Et nous avons été là. Nous avons permis, par nos sacrifices consentis et silencieux, que notre pays ne s'effondre pas. Mais que font les hommes, aujourd'hui ?
(...)
Au lieu de nous reconnaître enfin comme leurs égales dans le sacrifice, les hommes nous renvoient à nos foyers. Ils nous demandent de nous soumettre à leur volonté, comme nous l'avons toujours fait, et de réparer l'immense massacre dont ils sont responsables en enfantant très vite de nouveaux soldats, la chair à canon de leurs futures guerres. Il est grand temps que cela cesse, mesdames! Il est temps qu'on cesse de décider à notre place et que nous choisissions, ce que nous, nous voulons.
Il est temps que la Française puissent voter ! » (p.86-87)
« Voter, c'est exister ! scande-t-elle, aussitôt imitée par Renée. Voter, c'est exister ! » (p.90)
« Ce sont les hommes qui ont défini les règles que nous suivons aveuglément. Il est absurde de nous plier à un code de conduite que nous n'avons pas choisi ! Si nous ne dépassons pas nos peurs, nous ne changerons rien à notre situation et les hommes continueront à décider pour nous ! » (p.97)
(Celle qui voulait conduire le tram de Catherine CUENCA)
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« J’y ai réfléchi un bon moment, en silence, et ensuite j’ai jeté un coup d’oeil à Sam.
- Il l’a violée, c’est ça ?
Elle a juste hoché la tête. Impossible de dire si elle était triste ou si elle était juste au courant de plus de choses que moi.
- On devrait le dire à quelqu’un, tu crois pas ?
Cette fois, Sam a juste fait non de la tête. Ensuite elle m’a expliqué tout ce qu’il fallait faire de compliqué pour pouvoir prouver ce genre de chose, surtout au lycée, quand ça se passe entre un garçon et une fille qui sont amoureux et bien vus des autres. » (p.46)
« Je ne vais pas dire qui. Je ne vais pas dire quand. Je vais juste dire que ma tante Helen a été « agressée sexuellement ». Je déteste cette expression. La personne qui a fait ça était très proche d’elle. C’était pas son père. Elle a fini par le dire à son père. Il l’a pas crue à cause de qui c’était : un ami de la famille. ç’a rien arrangé, loin de là. Ma grand-mère a jamais rien dit non plus. Et cet homme, il a continué de leur rendre visite. » (p.109)
(Le monde de Charlie de Stephen CHBOSKY)
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« Chaque personne est un cas d'espèce, et il est capital de toujours garder cela en tête afin de considérer chacun dans le respect de sa singularité. Il ne s'agit pas d'un surdoué, ou d'une précoce, mais avant tout d'un être humain. Qu'il soit doué d'une intelligence hors de la norme ne fait pas moins de lui un individu à part entière.
Ni meilleur ni moins bon du fait de cette particularité, il ne doit surtout pas être envisagé par le seul prisme de cette spécificité et réduit à cette précocité. Mais la pire injure consiste encore à la nier, à la contester ou à la retourner contre lui. La gageure consiste à trouver le juste milieu. » (p.44-45)
« Elijah, de son côté, avait immédiatement détecté l’hostilité de la directrice. Particulièrement sagace, il la sentait malveillante et était persuadé qu’elle ne bougerait pas le petit doigt pour lui rendre la vie moins pénible. (…)
Aussi avait-il ouvertement choisi de se mettre en retrait en refusant inflexiblement de jouer le jeu : snobant les fameux ateliers, faisant un pas de côté dès qu’il s’agissait de la vie de la classe, répugnant à faire semblant d’être heureux. Il ne voyait pas l’intérêt d’être regardé encore plus différemment par les autres élèves, et comme il ne trouvait aucun soutien du côté de l’enseignante, il essayait autant que faire se peut de ne pas sortir du lot.
Au prix d’une lente agonie, je le voyais s’éteindre, se mettre en veille dès qu’il entrait dans la cour de l’établissement. Il attendait avec abattement que les heures passent et que sonne l’heure de la délivrance. A la maison, dans la voiture, il était naturel, et dépensait en classe une énergie considérable à cacher méthodiquement qui il était, persuadé qu’il valait mieux se faire petit. Il me dit un soir :
- A l’école, j’essaie d’être monsieur Tout-le-Monde.
Et je tremblais en anticipant le jour où il ne pourrait plus se détacher de ce faux-self [concept développé par Donald Winnicott = c’est une construction de personnalité de façade dont l’individu s’habille pour être conforme aux attentes d’un environnement et se fondre dans la masse]. » (p.34)
« Dans l’imagerie d’Epinal, un surdoué est en fait un prodige, une entité rare et supérieurement intelligente, brillante en tous domaines. Il est un être infaillible qui ne connaît pas l’échec, la réussite vient à lui presque comme par magie. Nulle place dans ce croquis pour l’hyperémotivité et pour l’affect, seul l’intellect froid et pragmatique y trouve sa place.
Ces figures réductrices adoptées par automatisme constituent une terrible injustice à l’encontre de ces personnes décalées, qui n’ont pas choisies de l’être. Enfants comme adultes, elles souffrent de ces incompréhensions quotidiennes et répétées, de ces jugements rapides mais aussi dénués d’empathie et d’humanité. Comment pourrait-il en être autrement quand les intéressés se sentent en totale contradiction avec cette description sans complaisance dans laquelle ils ne se reconnaissent pas un instant ?! Se trouvant moyens en tout, pour ne pas dire nuls dans d’innombrables domaines, et culpabilisant aussi de faire mentir ce haut QI censé déterminer un aussi haut niveau de performance, en parfaite proportionnalité. Ils se lamentent en croyant être passés à côté de leurs ambitions d’enfant et avoir renoncé à leurs rêves. Ils ont continuellement l’impression d’être un extra-terrestre oublié sur Terre par leur vaisseau, avec presque l’envie de ne plus bouger jusqu’à ce que ce dernier s’en rende compte et revienne fissa les chercher, ne comprenant pas vraiment le sens du monde qui les entoure et n’arrivant pas forcément à y trouver une place.
On les perçoit comme imbus de leur personne, pédants, usant délibérément de mots complexes dans le but de rabaisser et d’humilier les autres avec un plaisir malsain. Alors qu’ils passent leur temps à se remettre en question, à se déprécier et à douter, de tout, et plus encore d’eux-mêmes, à tenter de comprendre tous ces codes qui leur font tellement défaut, et à analyser encore et encore, de façon quasi obsessionnelle, des échanges ayant pris une tournure qu’ils n’avaient pas vu venir et qui les ont fait se sentir plus anormaux encore.
« Qu’ai-je bien pu dire pour me faire rabrouer de la sorte ? » ; « Qu’attend-on de moi ? » Voilà les questions incessantes que se posent de nombreux enfants et adultes intellectuellement doués en situation sociale courante, tout en croisant les doigts pour ne pas reproduire la faute tant redoutée, celle qu’ils n’ont toujours pas pu identifier. Ce décalage perpétuel, cette incapacité à être entièrement présent dans une conversation, dans un échange (qui, s’il n’a pas une certaine profondeur, n’aura à leurs yeux qu’un très faible attrait), sans se poser alors mille questions, est éreintant, mais aussi incommensurablement énergivore pour celui qui ne peut faire autrement, parce que c’est sa nature et qu’il ne peut s’en détacher. » (p.77-79)
(Les Tribulations d’un Petit Zèbre d’Alexandra REYNAUD)
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« Je ne sais pas pourquoi ils sont comme ça. (…) On est polis chez nous. On ne se fait pas remarquer, on ne fait pas de scandale. Les profs, eux, ne disent rien. Dans la cour, il y a des surveillants, mais ils ne font rien non plus. Ils ne l'avoueront pas, mais ils avaient autant peur que moi. Ils auraient pu faire quelque chose à l'intérieur de l'établissement, ils avaient le droit d'intervenir, mais ils ne l'ont jamais fait. Dans mon cas, ils ne me croyaient pas. Et ils avaient la trouille. En récréation, il faudrait presque un gardien. Quelqu'un qui surveille vraiment, qui n'ait pas peur, qui voie quand les élèves coincent un autre élève contre un mur. Parce que ça se passe toujours de la même manière. Ils savent bien faire ça. Ils se mettent en rond comme s'ils jouaient, et celui qui est coincé se prend des coups partout. On lui prend son argent, on le « traite » sur ses baskets , parce qu'elles sont nulles, on l'insulte sur sa race. S'il a un gros nez, s'il est trop petit, c'est pareil.
J'aurais beaucoup mieux travaillé si on m'avait laissé dans mon coin sans m'embêter. Parce que ma vie à l'école, ça n'a été que des insultes et des menaces. Je m'en veux tellement de ne pas avoir réussi à en parler. Mais je suis décidé maintenant. J'ai dix-huit ans, j'ai grandi. Je suis allé porter plainte à la police. (…)
Le psychologue qui me suit m'a bien aidé à comprendre pourquoi ils s'en sont pris à moi. Il m'a dit que j'ai été une victime parce que j'avais tout pour ça : je ne me bagarre pas, je suis trop gentil, je n'étais pas bon à l'école, j'étais gros, et je ne parlais pas. Je me laissais prendre mon argent sans résister. C'était facile pour eux. Et moi, pendant ce temps, je pensais au suicide.
Ce que je voudrais, c'est que ça ne recommence pas pour les autres . Pour ceux qui vont à l'école aujourd'hui. Quand on est harcelé, ça rend fou de ne pas savoir ce qu'il faut faire. Sur notre site internet, on a mis des conseils si ça arrive : parler à sa famille, au proviseur, et même à la police. Il faut essayer de ne pas avoir peur. Parfois, le harcèlement, c'est comme la guerre. Si non a envie de mourir, comme j'ai fait, il faut parler. Ce livre, il est pour que les parents fassent plus attention aux enfants. Il est aussi pour que les profs identifient mieux ceux qui se font « traiter ». Les profs ne doivent plus avoir peur de punir les élèves violents. Le directeur doit directement parler aux parents des agresseurs pour les menacer d'exclusion. Ces jeunes-là n'ont rien à faire au collège, ils ne veulent même pas travailler.
Si un élève veut mourir comme je l'ai fait, il faut qu'il écoute ce que je dis. Ça ne sert à rien de mourir. Quand on meurt, c'est les autres qui gagnent. Et puis les autres, je veux qu'ils aillent en prison, qu'ils restent longtemps enfermés. » (p.129-132)
(Condamné à me tuer de Jonathan DESTIN)
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Le p'tit sac à dos
« L'était pas bien grand
L'était pas bien gros
Et toujours courant
Jamais au repos
Sourire aux oreilles
Et loin d'être idiot
Sitôt le réveil
Il portait faraud
Un p'tit sac à dos
Un p'tit sac fidèle
Et bien comme il faut
Avec des bretelles
Des poches à gogo
Ce qu'il y rangeait
On n' savait pas trop
Parait qu'il gardait
Même pour faire dodo
Son p'tit sac à dos
Si on v'nait lui dire
Pose ton ballot
Ça le faisait rire
C'était rigolo
J' peux danser la gigue
Et le fandango
Jamais j' me fatigue
C'est pas un fardeau
Mon p'tit sac à dos"
Qu'as-tu là-dedans?
Est-ce ton magot?
De l'or des diamants
Un Eldorado
Il répondait Chut
Dites plus un mot
C'est mon parachute
Mon attrape-nigaud
Mon p'tit sac à dos
Un soir de décembre
Il y eut un complot
On vint dans sa chambre
Avec des ciseaux
On trouva discrète
Cachée aux badauds
Fragile et secrète
Comme incognito
La bosse de son dos
Il dit C'est ma mère
Qui m' fit ce cadeau
Pour m'avoir fait naître
'Vec un bout de trop
Y mit son amour
Pour me tenir chaud
Depuis j'ai toujours
Qu'il vente ou fasse beau
Mon p'tit sac à dos
Tour à tour j'y range
La neige en cristaux
Des parfums d'orange
Et des chants d'oiseaux
Des rêves de fleurs
De bruits de ruisseaux
Pour porter bonheur
Touchez dans mon dos
Mon p'tit sac à dos
Pour porter bonheur
Touchez dans mon dos
Mon p'tit sac à dos »
Anne SYLVESTRE – Juste une femme (2013)
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