• planche extraite du Nouveau Petit Larousse illustré (1938)

    Gymnastique

    planche extraite de l'Encyclopédie internationale Focus en 5 volumes (Bordas - 1968)

    Gymnastique


    planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •  

    «  De son plein gré, Solomon menait une vie solitaire, paisible et d'une banalité absolue, mais une existence sur laquelle il exerçait un contrôle absolu.

     

    Il n'avait pas pris cette décision à la légère. Avant de s'enfermer définitivement à la maison, il avait longtemps lutté contre la terreur que lui inspirait le monde extérieur. Mais un jour, comme s'il ne pouvait tout simplement pas en supporter davantage, il avait ôté ses vêtements puis, ne gardant que son caleçon, s'était assis au bord de la fontaine du collège. Là, sous les yeux de ses professeurs et de ses camarades, ébloui par le soleil matinal, il avait basculé lentement en arrière et disparu dans les eaux froides du bassin.

     

    (…)

     

    Sa première attaque de panique l'avait frappé alors qu'il n'avait que onze ans. Au cours des deux années suivantes, les crises s'étaient multipliées, passant d'une tous les trois ou quatre mois à une par mois, puis deux, puis... Au moment où il avait plongé délibérément dans la fontaine, il en comptait trois par jour. En clair, il vivait l'enfer.

     

    Après cet épisode, les choses étaient devenues beaucoup plus limpides : pour se soustraire à ces crises affreuses, il lui suffisait de ne pas entrer en contact avec ce qui les provoquait, à savoir le monde extérieur dans son intégralité. Depuis, il n'avait cessé de se demander pourquoi ses parents avaient tant de mal à comprendre sa décision. Ils refusaient d'admettre qu'il avait trouvé le remède à son mal et insistaient pour qu'il se confronte à toutes ces choses qui le terrorisaient. C'était comme exiger d'un patient atteint d'une grave maladie qu'il se prive de son traitement. » (p.10-11)

     

    Crises de panique

     

    «  Même s'il avait passé un bon moment, tout ce bavardage, tous ces efforts accomplis pour trouver des choses à dire et des questions à poser lui avaient flanqué la migraine.

     

    Dès qu'il eut fermé la porte derrière Lisa, il commença à manquer de souffle. Il prit appui contre un mur et essaya d'inspirer, espérant repousser l'horreur qui s'annonçait. En vain. En état d'hyperventilation, il s'engagea dans le couloir en titubant, regagna sa chambre et se jeta sur le lit. Il disparut sous la couette puis, en position foetale, ferma les yeux jusqu'à s'en faire mal aux paupières.

     

    La crise de panique fut brève mais intense. Immobile, Solomon écouta sa respiration reprendre peu à peu sa cadence normale. Comme la plupart de ceux qui souffraient de semblables attaques, il croyait chaque fois être victime d'un infarctus et avait la conviction que son cœur allait exploser. Parfois, il se surprenait à penser que ç'aurait été préférable. » (p.77-78)

     

     

     

    «  Solomon connaissait des bons et des mauvais jours, mais les premiers étaient plus nombreux que les seconds depuis qu'il connaissait Clark et Lisa. Cependant, certains jours, ils le trouvaient épuisé, vidé de toute énergie, et avaient l'impression qu'il se déplaçait au ralenti. C'était l'effet qu'avaient sur lui certaines crises. Elles l'anéantissaient, quelles que soient leur cause et leur durée. C'était un mal sournois et implacable qui, tel un virus ou un cancer, savait se faire discret pour tromper sa victime et frapper au moment où elle s'y attendait le moins.

     

    Seul lien commun entre ces crises, elles intervenaient lorsque des pensées obsessionnelles tournaient en boucle dans son esprit. Des images qui se répétaient, qu'il ne pouvait ni contrôler ni mettre sur pause. » (p.183)

     

     

     

    « Il y avait longtemps qu'il ne s'en était pas pris à lui-même. Un an, peut-être.

     

    La première fois, c'était le jour où il s'était laissé glisser dans l'eau de la fontaine, devant le collège. De retour à la maison, alors que ses parents tâchaient de l'apaiser du mieux qu'ils pouvaient, il s'était senti complètement perdu, tapant des pieds sur le carrelage du salon avant de se flanquer un coup de poing à la pommette. Alors, confus et rongé par la culpabilité, conscient de ce qu'il venait de faire subir à ses proches, il avait fondu en larmes.

     

    Ces épisodes de violence arrivaient sans prévenir. Son corps se mettait à trembler, comme pour chasser le tourbillon de pensées obsessionnelles qui le hantait, relâcher l'air accumulé dans ses poumons paralysés et dompter les trépidations de ce cœur affolé qui faisait battre le sang à ses temps. Chose étrange, se faire du mal lui apportait un soulagement immédiat. » (p.264-265)

     

    (Phobie douce de John Corey WHALEY)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire

  • planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •  

    « Outrée, Anaïs claqua rageusement la porte. Des larmes de colère embuèrent sa vision, et elle se laissa glisser contre le panneau de bois pour finir assise sur le sol. Des remarques pareilles, elle n'en avait plus entendu depuis son adolescence. A cet âge-là, les jeunes se montraient souvent cruels et désobligeants les uns envers les autres. Elle n'avait pas beaucoup changé depuis cette période, et les moqueries de ses camarades avaient marqué son cœur de cicatrices. Elle était cependant fière de leur avoir tenu tête et d'être restée fidèle à elle-même. » (p.19)

     

     

     

     

    « ça fait tellement longtemps que je n'ai plus entendu des remarques pareilles...

     

    Je me souviens encore à quel point mes camarades étaient cruels envers moi...

     

    Tu prends toute la place !

     

    Anaïs ! C'est pour quand le régime ?

     

    Attention ! Voilà Harry Potter XXL !

     

    Espèce de grosse !

     

    Hé ! C'est l'hippopotame binoclarde !

     

    T'es sûre que t'es une fille ?

     

    Tu veux encore manger ?!

     

    Leurs commentaires m'ont tellement marquée...

     

    Mais, je ne me suis plus laissé faire et j'ai même pu tenir tête à certains.

     

    Je ne suis que moi-même. J'en suis plutôt fière. »

     

     

     

    « - J'aurais pu tomber sur n'importe qui (…) mais il a fallu que ça soit un cas pareil !

     

    Anaïs lui tira la langue d'un air puéril, mais elle ne s'était pas vexée pour autant. Au contraire, elle avait plutôt tendance à voir ce genre de remarques comme un compliment. Elle aimait entendre dire qu'elle sortait du lot, qu'elle n'entrait pas dans le moule. Le fait que son côté déjanté soit mis en cause ne la gênait absolument pas. » (p.44)

     

     

     

    « Sa famille l'emprisonnait dans les clichés qu'elle avait elle-même fabriqués. » (p.124)

     

     

     

    (S.O.S. Geek ! De Tiffany SCHNEUWLY)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • planche extraite du Grand Memento encyclopédique Larousse en 2 volumes (1936)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •  

    « Son portable vibra.

     

    MMS.

     

    Il cliqua.

     

    Une photo apparut. Son sang se glaça.

     

    - Non, c'est pas vrai !

     

    En maillot ridicule, avec un bonnet de bain vert d'où dépassait une crinière flambant rouge, c'était censé être lui, là ? Épaules tombantes, torse blanc, jambes en baguettes chinoises, et le visage difforme, moche, aux yeux globuleux ?

     

    En dessous, en caractère gras : « Noyons Anton le pou ! »

     

    Il avala sa salive. Il était au bord de la nausée.

     

    Il lut le nom de l'expéditeur. Jérémy ! Il ne comprenait pas.

     

    Un SMS suivit : « Tu nous avais caché ça, le pou ! T'es trop naze en maillot ! Demain tous tes amis de Facebook te verront ! Et tous les amis de tes amis... et tous les amis des amis de tes amis... Signé : Jérémy. » (p.17)

     

     

     

    « Il recliqua dessus. Et le dégoût l'envahit de nouveau. « On » ne l'avait pas loupé. Plus que hideux, il était ridicule.

     

    (…)

     

    Il ferma les yeux. Il se rappelait très bien : à partir de là, il avait recommencé à se replier sur lui-même. A mentir à ses parents pour leur cacher ce qu'il vivait. Parfois, il avait si mal que tout son être le faisait souffrir. Mal au dos, mal aux épaules, nausées, vomissements.

     

    Ses notes avaient chuté.

     

    Aucun des camarades n'en avait parlé, mais tous savaient, forcément. Tous, sûr, avaient reçu la première, la deuxième et... 

     

     

     

    (…)

     

     

     

    Il serra les poings à se blesser. Cette fois, il n'allait pas se laisser humilier, subir en silence.

     

    « Demain, tous tes amis te verront ! »

     

    Demain !

     

    La photo ne devait pas être envoyée. Si elle était publiée sur Facebook, il n'oserait pas se présenter au lycée le surlendemain. Il ne pourrait plus jamais se présenter au lycée. Il ne pourrait pas regarder Marion en face.

     

    Il devait stopper cela.» (p.24-25)

     

     

    Tous savaient, forcément

     

     

    « - Les flics sont revenus dans le lycée. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je crois qu'il faut leur dire pour les photos sur les portables. Pour leur enquête, on ne peut plus le leur cacher.

     

    (…)

     

    - C'est une entrave au bon déroulement de l'enquête, vous savez, dit tout fort Hakim. C'est peut-être même de la complicité.

     

    - Et n'avoir rien dit depuis six mois, c'est quoi ? Avoir fait semblant de ne rien savoir, ne rien voir de l'état d'Anton, avoir reçu les photos et s'être tus, ce n'était pas de la complicité aussi ?» (p.92-93)

     

     

     

    « - Quelles photos ? demanda Salomé.

     

    Il y eut un long silence. Puis Noé répondit :

     

    - Écoutez, on vous a dit pour la dernière... les autres...

     

    L'omerta s'installait à nouveau.

     

    (…)

     

    - Des photos du même style, c'est-à-dire minables, et... vous n'avez rien dit ?

     

    Nouveau silence. Hakim murmura enfin :

     

    - Ce sont que des photos, truquées, c'est pas méchant.

     

    - Ce ne sont que des photos !!! Ce n'est pas méchant ! hurla Salomé.

     

    - Hé, faut être cool, moderne. Jérémy voulait s'amuser avec ces photos... Tous les élèves au lycée s'envoient des photos.

     

    - Le harcèlement et la persécution, vous connaissez ? Vous savez que ça peut détruire quelqu'un ?

     

    - Personne n'a rient dit parce qu'on est tous des lâches, cria Marion en se levant et en s'adressant à la classe tout entière. Tous de véritables cons ! »(p.94-95)

     

     

     

    « - Et les élèves, patron ? Toute la classe qui n'a rien dit ? C'est non-assistance à personne en danger...

     

    Oui, Salomé avait raison. Anton avait été victime, de son agresseur mais aussi de toute la classe. Personne ne l'avait aidé à sortir de son enfer. Des jeunes qui ne mesuraient pas la portée des nouvelles technologies, le pouvoir tueur des mots... » (p.99)

     

     

     

    « Ce qui était sûr : un jeune avait été victime de discrimination et de harcèlement de la part de ses camarades, victime aussi du silence des autres. Et à présent le harceleur était mort, et la vie du harcelé était bousillée. Le fait d'avoir provoqué la mort d'un jeune de son âge, un jeune de sa classe, qu'il connaissait, qu'il fréquentait, le hanterait toute son existence. Anton n'était pas un voyou. Dans son cri désespéré « Je ne me souviens pas », Karine avait deviné la culpabilité, qui déjà squattait son esprit, destructrice. Inconsciemment, pour ne pas devenir fou, il refusait de se souvenir. Elle avait préféré arrêter l'interrogatoire.

     

    - Merde, dit Salomé. C'est trop injuste. (…)

     

    Lui, il finit en prison, et ses camarades qui savaient et n'ont rien dit, eux, s'en sortent bien ! Ils sont responsables quand même ! Complices ! Si quelqu'un avait dit stop, Anton n'aurait peut-être pas... (Elle se reprit)... n'aurait certainement pas tué. C'est dégueulasse ! » (p.103-104)

     

     

     

    (Mise à mort de Claire MAZARD)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • planches extraites du Grand Memento encyclopédique Larousse en 2 volumes (1936)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •  

    « Vous comprenez,

     

    Tippi et moi, on n'est pas ce qu'on appelle normales -

     

    pas le genre qu'on rencontre touts les jours,

     

    ni même une seule fois

     

    dans sa vie.

     

     

     

    Toute personne un minimum bien élevée

     

    nous appelle "jumelles fusionnées",

     

    mais on nous a déjà donné d'autres noms aussi :

     

     

     

    monstres, mutantes,

     

    déformées, dénaturées,

     

    et même une fois démon à deux têtes :

     

    j'en ai tellement pleuré

     

    que j'ai eu les yeux gonflés pendant une semaine.

     

     

     

    Mais oui, on est différentes, comment le nier ?

     

     

     

    On est littéralement fusionnées

     

    à la hanche

     

    sang et squelette partagés. » (p.13-14)

     

     

     

    « Réalité

     

     

     

    Scotchée au casier de Tippi, une note :

     

    Vous feriez pas mieux

     

    de retourner au zoo ???

     

     

     

    Yasmeen attrape le bout de papier,

     

    le roule

     

    en boule bien serrée,

     

    et le balance

     

    dans le hall du lycée.

     

    « Connards ! Hurle-t-elle.

     

    C'est vous, les animaux ! » (p.91)

     

     

    Ils ont peur de nous

     

    « Yasmeen dit :

     

    « Ils ont peur de vous,

     

    comme ils ont peur de moi.

     

    On est différentes

     

    et c'est pas bon pour nous. 

     

     

     

    Tippi nous arrêt, sourcils froncés.

     

    « Pourquoi ils auraient peur de toi ? »

     

    demande-t-elle à Yasmeen,

     

    épines de défi dans la voix.

     

     

     

    Yasmeen se retourne.

     

    « J'ai le VIH », dit-elle, très simplement,

     

    et elle raccroche de petites mèches de cheveux

     

    derrière ses oreilles alourdies de bijoux.

     

    « Je pue la mort,

     

    l'espérance de vie raccourcie. Comme vous, les filles,

     

    apparemment. »

     

     

     

    On dit « Oui », à l'unisson,

     

    et on va en cours de géométrie pour bosser sur des problèmes

     

    bien moins compliqués

     

    que les nôtres.

     

     

     

    (…)

     

     

     

    « Mais comment ils le savent ? »

     

    demande Tippi

     

    à Yasmeen.

     

    (…)

     

     

     

    « C'est moi qui le leur ai dit.

     

    Je ne pensais pas que ça serait un problème, dit Yasmeen.

     

    Mais le truc c'est que

     

    c'est pas comme un cancer.

     

    Avec le VIH

     

    les gens pensent que t'es le seul responsable,

     

    vous voyez ?

     

    Ben moi

     

    je refuse de me justifier,

     

    d'expliquer

     

    comment je l'ai chopé.

     

     

     

    Qu'ils aillent

     

    se

     

    faire foutre. »» (p.92-93)

     

     

     

    « Yasmeen brise

     

    le silence.

     

    « Ma mère m'a donné le VIH.

     

    Elle ne savait pas. Elle m'a donné naissance et puis

     

    m'a allaitée, je n'avais aucune chance.

     

    J'ai pompé cette saloperie directement de son corps. » (p.198)

     

     

     

    « Si on était nées pendant un autre siècle

     

    on nous aurait pointées du doigt,

     

    on se serait demandé

     

    ce à quoi Maman avait bien pu penser

     

    pendant qu'on grandissait en elle.

     

    A l'époque ils auraient dit

     

    qu'elle avait regardé

     

    des images de démons ou lu des histoires sataniques

     

    étant enceinte,

     

    que ces images avaient filtré

     

    jusqu'à son ventre pour

     

    s'imprimer sur nos corps fragiles.

     

     

     

    A l'époque il y aurait eu

     

    une coupable,

     

    et cette coupable

     

    aurait été

     

    Maman » (p.199)

     

     

     

    (Inséparables de Sarah CROSSAN)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • planche extraite du Nouveau Petit Larousse illustré (1938)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  • « Le corps peut être bien portant, il se révèle, pourtant, incapable d’épauler un esprit défaillant. Un esprit qui sort de ses espaces convenus. S'affranchissant des usages ordinaires et bousculant les repères familiers, il refuse l'embrigadement et dessine sa propre maison dans son environnement singulier. Nouveaux espaces d'un nouveau monde qu'il faut apprendre à découvrir. Obéissant à des ressorts encore inconnus, cet esprit devenu insaisissable déroute et dérange. » (p.11)

     

     

     

    « Mais pourquoi n'a-t-il pas tiré la sonnette d'alarme ? Pas une seule fois il ne s'est plaint d'un trouble, n'a manifesté une angoisse. Pour la protéger, elle ? Ou pour se murer, lui, dans un déni absolu ? » (p.25)

     

     

     

    « Il n'a pas affronté la discorde que son heureux chaos a engendrée. Se peut-il que cette fuite du conflit soit aussi à l'origine de sa plongée ? S'est-il, au fur et à mesure qu'il revendiquait sa liberté, abreuvé à la fontaine de Léthé qui assure l'oubli et ainsi dispense de la culpabilité et du remords ? Il aurait en quelque sorte mis en place dès l'âge de quarante ans les mécanismes précurseurs de la maladie d'Alzheimer. Réfugié dans sa citadelle intérieure qui est devenue peu à peu une « forteresse vide ». (p.49)

     

    Un être dont la conscience est en perdition

     

    « Immergée malgré moi, sans préavis ni préparation, dans cette maladie, je me suis débattue à ma façon, frappée et encore aujourd'hui étonnée que l'on ne s'occupe que du symptôme sans se soucier ni de son origine ni de son sens.

     

    (…)

     

    J'ai l'intime conviction que seule une explication multicausale de la maladie est valable et que son traitement ne peut résulter que d'une approche pluridisciplinaire. » (p.51-52)

     

     

     

    « Je voyais le personnel s'irriter contre ces « résidents difficiles » qui posaient cent fois la même question, exprimaient des désirs irréalisables, réclamaient des attentions qu'on n'avait pas le temps de leur accorder. Ils erraient au milieu des fauteuils roulants et des tables de jeux, exilés sur une planète qui n'était pas la leur, privés de l'affection qu'ils revendiquaient. » (p.57)

     

     

     

    « Son atteinte est la pire de toutes les formes apparentées à la maladie d'Alzheimer, cessez de vous raconter des histoires... Oui, il peut exister une migration des fonctions cérébrales d'une région à une autre permettant une réorganisation, sinon une récupération, mais dans son cas c'est impossible, l'atteinte du cerveau est diffuse. Aujourd'hui la zone cognitive est détériorée, bientôt la motricité, la locomotion. Que ferez-vous de votre nomadisme ? Et vous ? Avez-vous pensé à vous ? S'il vous arrive le moindre pépin, que deviendrez-vous tous les deux ? Si vous voulez le protéger, trouvez-lui un placement adapté. C'est désormais la meilleure solution pour tous les deux... Renseignez-vous, il en existe dans la région... » (p.80)

     

     

     

    « Dès que je disparais de sa vue, il me cherche, m'appelle, cogne les portes qui m'isolent jusqu'à ce qu'elles s'ouvrent. Pour finir, il gagne toujours, et aujourd'hui j'ai encore craqué. Je n'aurais pas dû. Il nous reste si peu de temps. » (p.88)

     

     

     

    « Il paraît absurde qu'une chose aussi simple ait pu m'émerveiller. Et pourtant je le répète encore et encore, pour qu'une chose aussi simple ne soit jamais oubliée par quiconque rencontrera un être dont la conscience est en perdition. Que l'on n'oublie plus jamais de lui parler normalement, comme à un humain à part entière, sans décider à sa place des mots qu'il pourra comprendre, sans le priver des yeux qui le regardent, d'une voix qui lui parle. A lui. A elle. » (p.95)

     

     

     

    « L'Alzheimer raté, c'est lorsque le désir d'oubli ne suffit pas à abolir la souffrance réelle ou imaginaire. cit. André Chevance, Alzheimer et le désir d'oubli, Dunod, 2005. » (p.103)

     

     

     

    « Si les cris, les larmes sont une manifestation explicite de l'angoisse, que penser de ceux qui se taisent ? Parce qu'ils n'expriment rien, ne ressentent-ils rien ? Comment les comprendre quand ils offrent une surface lisse, l'impression d'être déjà ailleurs, dans un nouveau monde où l'angoisse ne régnerait plus ? Alors que dans celui où ils sont encore, chaque geste de la vie quotidienne peut la provoquer. » (p.104-105)

     

     

     

    « Les visiteurs entrent armés de courage avec un petit bouquet d'amour biodégradable, des chocolats qui ne seront pas mangés, des livres qui ne seront pas lus. Et pourtant c'est dans l'imminence de l'instant, dans la rencontre entre ceux du dehors et les exilés du dedans que surgit une étincelle d'humanité.

     

    Approchez-vous, ils ne sont pas contagieux. D'accord. Mais voici que surgit une nouvelle peur. « Qu'est-ce qu'on va leur dire ? » Peur primitive du vide. Ce vide qu'on leur attribue à cause de la parole absente, de la parole décousue, absurde ou inaccessible. Avec cette maladie de l'oubli, on n'arrête pas d'oublier l'essentiel : la conscience n'est qu'une partie émergée de notre activité mentale. Si elle est déficiente, cela suppose-t-il que tout le reste, cet énorme morceau de notre iceberg pensant et ressentant, a fondu avec le reste ? Le langage ne représente qu'une parcelle de nos capacités de communication. Notre incapacité à entrer en contact avec ces malades ne signifie pas forcément qu'ils n'ont plus de vie intérieure, de sentiments, de sensations. » (p.115-116)

     

     

     

    (Alzheimer mon amour de Cécile HUGUENIN)

    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire