• « - Anton, je dois te prévenir...

     

    - Quoi !? (...)

     

    - Une photo de toi circule sur les portables.

     

    Son sang s'était glacé. Il avait tout de suite compris.

     

    (…)

     

    Se laver des saletés. Des injures. Des insultes.

     

     

     

    Toutes les moqueries depuis la fin de la primaire lui étaient remontées à la gorge comme une nausée. Les réflexions lancées par les autres enfants comme un jeu.

     

    Les sempiternelles blagues douteuses :

     

    « Les roux, ça pue... T'as pris le soleil à travers une passoire ?... Poil de carotte... Fleur de brique... »

     

    Des phrases que les gamins ne jugeaient pas bien méchantes mais qui, répétées, provoquaient une overdose. Ras le bol. A l'âge de dix ans, il avait si souvent serré les poings. Couru jusque chez lui pour éclater en sanglots dans sa chambre. Pleurer en secret. Envie de mourir.

     

    Au collège, cela avait continué de plus belle. Les mêmes bêtises, les mêmes inepties, mais de plus en plus blessantes...

     

    « Roux égale carotteur. Fraudeur. Voleur... Sale roux, sale voleur...

     

    Les roux sont pleins de poux ! »

     

    Et puis un jour, il était en troisième, il avait découvert, tagué en orange vif sur le mur du garage :

     

    « ANTON LE ROUX EST UN POU ! »

     

    Il avait craqué. Il avait tout raconté à ses parents. Les sarcasmes, les sourires, les moqueries, les regards. Son enfer depuis toujours. Son père avait porté plainte à la police. Celle-ci ne s'était pas déplacée : dossier classé sans suite.

     

    Ses parents avaient été compréhensifs. Ils avaient opté pour une nouvelle vie. Pris cette douloureuse décision : quitter Villeurbanne. Anton était né dans cette ville, il y avait grandi. Mais partir était la seule solution.

     

    Paris. Nouvelle vie. » (p.8-9)

     

    Classé sans suite

     

    « Sa mère ne devait surtout pas le voir. Elle comprendrait tout de suite que quelque chose clochait. A l'école primaire, quand les moqueries de ses camarades étaient trop blessantes, pour pleurer en cachette dans sa chambre, il prétextait un mal de tête. Au collège aussi.

     

    « J'ai mal au crâne. » Même pas un prétexte. Des coups lui martelaient réellement la tête... enfonçant des clous... » (p.56)

     

     

     

    « Anton avait pété un plomb. Il avait eu tort, son geste était inexcusable et odieux, mais à présent, on en connaissait l'origine.

     

    - Pourquoi n'a-t-il rien dit ? Demanda la lieutenante.

     

    - Honte. Peur qu'on ne le croie pas. Crainte qu'on ne se moque davantage de lui.

     

    Karine se rappela l'entretien avec Mme Marchal quelques instants plus tôt. « La police n'a pas donné suite. »

     

    - Certitude qu'à nouveau, on ne le prendrait pas au sérieux, dit-elle.

     

    - C'est grave, quand même de telles photos, murmura encore Salomé. C'est passible de poursuites. » (p.97-98)

     

     

     

    (Mise à mort de Claire MAZARD)

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  • planches extraites du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

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  • « Après m'être fait passer pour « Corin » pendant quatre ans, je croyais que je ne me ferais jamais prendre. Personne ne va imaginer qu'un Gardien des Créatures puisse être une fille. » (p.11)

     

    « Je refuse de devenir un objet de curiosité dans quelque grand manoir. Je sais que la petite noblesse collectionne les Gardiens des Créatures pour les exhiber comme des tabatières en pierres précieuses. Mais une simple pièce de musée n'a aucun pouvoir, et sans pouvoir... eh bien, même au milieu de Cliffsend et de ses rochers, il y a toujours des corvées ménagères ; et des doses quotidiennes d'humiliation, on en trouve n'importe où ! » (p.14) 

     

    En quête d'identité

    « J'ai écrit plusieurs fois que j'appartenais au froid et à l'obscurité et à l'humidité. C'est à la fois vrai et faux. En réalité, j'appartiens à l'obscurité et à l'humidité de la mer. Avant, j'étais une fille qui est devenue un garçon qui est devenu un Gardien des Créatures. Maintenant, je suis de nouveau une fille, qui cherche le moyen de devenir une DemoisellePhoque. » (p.152)

     

    « La peau de phoque était béante sur mes hanches aux os pointus comme des couteaux. « Hier encore, tu étais convaincue que ta vraie vie, c'était d'être Gardien des Créatures », avait dit Finian. Était-ce vraiment ce que je voulais, après tout ?

    J'ai tiré la peau. Quel soulagement en constatant que j'arrivais à l'ôter sans difficulté. Aurais-je dû la laisser s'emparer de moi ? Comme Finian l'avait dit, il n'était pas forcément obligatoire de choisir entre elle et lui. Je pouvais toujours revenir. » (p.212)

     

    « Si je devenais une DemoisellePhoque, je resterais une DemoisellePhoque. La peau n'était plus une porte entre terre et eau que j'aurais pu passer dans les deux sens. » (p.214)

     

    « Je n'avais pas besoin de devenir une DemoisellePhoque pour vivre avec la mer. J'en faisais déjà partie, et le plus beau, c'est que je n'avais pas perdu un seul de mes mots.

    Ma mère était devenue folle quand sa peau de phoque avait été détruite. Elle avait définitivement tourné le dos à la mer. Elle n'avait jamais dû connaître ses pouvoirs, ni savoir que la mer lui était restée ouverte. Mais moi, je ne vais pas devenir folle ; je ferai de la mer ma deuxième maison. C'est en cela que nous sommes différentes. » (p.215)

     

    (Le gardien des créatures de Franny BILLINGSLEY)

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  • planche extraite du Nouveau Petit Larousse illustré (1938)

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  •  

    « Ce jour-là, j'ai compris pourquoi on n'allait jamais chez Baptiste et pourquoi Baptiste ne parlait jamais de Noël ni de ses anniversaires. Pourquoi tout avait l'air si mat et si opaque autour de lui, pourquoi il s'était soudain mis à parler sans s'arrêter un soir, alors qu'on traînait devant chez lui, après une fête où il avait trop bu : « Chez moi, je ne suis pas le même, vous ne me reconnaîtriez pas. De toute façon, ils ne savent pas qui je suis. (…)

     

    Chez moi, je ne suis pas le même

     

     

    Quand je le regardais, sans qu'il le sache, traverser la cour du lycée ou saluer un prof, il me venait à l'idée que Baptiste avait segmenté sa vie en territoires si imperméables qu'on ne savait jamais quand il était vraiment lui-même. Clandestin dans sa propre famille – cela faisait des années qu'il ne croyait plus à toutes ces conneries de Jéhovah, nous avait-il dit, mais il savait aussi qu'il était impossible d'en parler avec ses parents -, Baptiste avait des réflexes d'agent double. D'une cordialité inattaquable avec le monde extérieur, il ne livrait rien de lui-même, expert dans l'art de poser des questions et de détourner celles qu'on lui renvoyait – ce qui arrivait rarement, les gens ont une forte propension à aimer parler d'eux-mêmes. Je me demandais parfois si Baptiste ne contenait pas une bombe à retardement, qui exploserait un jour et ferait voler en éclats ses « Bonjour monsieur » et « Merci madame ». Après avoir subi une série de radios des mâchoires, Baptiste avait fini par entendre la dentiste lui dire qu'il serrait tout simplement trop les dents, au propre comme au figuré. » (p.100-101)

     

     

     

    (Pieds nus dans la nuit de Marjolaine JARRY)

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  • planche extraite du Grand Memento encyclopédique Larousse en 2 volumes (1936)

    planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

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  • « « Casser tous les os de ton corps.

     

    Tous les os de ton misérable corps. »

     

    Ces nuits-là, je me réveillais sans arrêt en entendant la voix de mon père juste au-dessus de moi. Je transpirais, mon cœur battait, non pas d'exaltation-à-la-Zarbie, mais d'angoisse. Je sentais ses doigts s'enfoncer dans mes bras, haïssant ma chair rebelle. J'avais dans la bouche le goût de ce spectacle honteux, comme de quelque chose de pourri et de noir. Et les yeux des autres qui regardaient fixement. Et mes propres yeux qui regardaient fixement.

     

    Ce n'était pas la première fois. Mais c'était la première fois que je recevais une correction devant des inconnus.

     

    « Reid, on ! Ne lui fais pas de mal, Reid...

     

    Ne te mêle pas de ça. Elle mérite une correction. Regarde-la... elle ne pleure même pas.

     

    Elle est terrorisée, Reid. Elle ne peut pas pleurer...

     

    Fous-moi la paix ! Ah, tu parles d'une mère ! Tu peux être fière de toi ! Tu as vu le résultat ? »

     

    Je me réveillais sans savoir si ces mots qui me revenaient dans la tête étaient un rêve ou un souvenir. Un horrible rêve. (…)

     

    « Ce n'est pas voulu, chéri. Elle n'a que deux ans. Elle ne sait pas raisonner ni penser. Elle ne peut pas s'empêcher de se salir si elle a peur. Elle ne le fait pas exprès. Elle n'a que deux ans... » Je fermai les yeux et m'endormis. » (p.125-126)

     

     

     

     

    « Mon père se met facilement en colère. Je pensais que c'était ma mère qui le provoquait, mais j'avais tort, j'en voulais à ma mère d'être maltraitée.

     

    Elle portait des écharpes, des manches longues pour cacher les marques sur sa peau. Mais je savais ce que c'était.

     

    Je crois que c'est parce que j'avais terriblement peur. C'était plus facile de la détester.

     

     

     

    Non, mam n'en a jamais parlé.

     

    Elle ne l'a jamais critiqué. Elle savait que Samantha et moi adorions notre père.

     

    Que nous l'aimions vraiment. Je l'aime toujours.

     

    Il est mon père, et il est Reid Pierson. C'est pour ça.

     

     

     

    Pourquoi ? Mam avait peur, je pense. Peur qu'il lui fasse plus de mal, et qu'il nous en fasse à Samantha et à moi. C'est ce qu'elle dit dans son journal, et je crois que c'est ce qui explique son attitude. » (p.285)

     

     

     

    « Oui. Quelquefois. Pour nous « corriger ».

     

    Je ne m'en souviens pas très bien. C'est assez vague, comme un mauvais rêve ou quelque chose qu'on a vu à la télévision il y a longtemps et qui s'est mélangé à la vie réelle.

     

    Des fessées, quand j'étais petite. Parce que je désobéissais, je suppose.

     

    Parfois des gifles, des coups, ou bien il me secouait très fort. Papa me prenait pas les épaules et il me secouait, secouait, secouait encore, comme s'il voulait me briser le cou.

     

    Oh, non ! Je croyais que c'était ma faute, que je le méritais.

     

    Je le crois toujours, d'une certaine façon.

     

    Il est difficile de changer ce que l'on ressent. Il est beaucoup plus facile de changer ce que l'on pense.

     

     

     

    Pourquoi ? Parce que papa nous aimait. Il nous aime.

     

    Il ne nous aurait pas corrigées, disait-il, s'il ne tenait pas à nous.

     

    C'est vrai, même maintenant. Je le comprends. Mais c'est une façon malsaine, erronée de voir les choses.

     

     

     

    Oui, je pourrais dire ça. Si je dois le jurer...

     

    Oui, mon père nous a « brutalisées », ma sœur et moi.

     

    (Elle n'en parlera probablement pas. Elle a peur. Et maintenant que mam a disparu, elle ne peut plus qu'aimer papa. Je ressens la même chose qu'elle. Mais il faut que je dépasse ce sentiment. Je ne peux pas le protéger plus longtemps.) » (p.286-287)

     

     

     

    (Zarbie les yeux verts de Joyce Carol OATES)

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  • planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

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  •  

    « On l'a dit à la grand-mère

     

    Qui l'a dit à son voisin

     

    Le voisin à la bouchère

     

    La bouchère à son gamin

     

    Son gamin qui tête folle

     

    N'a rien eu de plus urgent

     

    Que de le dire à l'école

     

    A son voisin Pierre-Jean

     

    Clémence Clémence

     

    A pris des vacances

     

    Clémence ne fait plus rien

     

    Clémence Clémence

     

    Est comme en enfance

     

    Clémence va bien

     

    Ça sembla d'abord étrange

     

    On s'interrogea un peu

     

    Sur ce qui parfois dérange

     

    La raison de certains vieux

     

    Si quelque mauvaise chute

     

    Avait pu l'handicaper

     

    Ou encore une dispute

     

    Avec ce brave Honoré

     

    Clémence Clémence...

     

    Puis on apprit par son gendre

     

    Qu'il ne s'était rien passé

     

    Mais simplement qu'à l'entendre

     

    Elle en avait fait assez

     

    Bien qu'ayant toutes ses jambes

     

    Elle reste en son fauteuil

     

    Un peu de malice flambe

     

    Parfois au bord de son œil

     

    Clémence Clémence...

     

    Honoré c'est bien dommage

     

    Doit tout faire à la maison

     

    La cuisine et le ménage

     

    Le linge et les commissions

     

    Quand il essaie de lui dire

     

    De coudre un bouton perdu

     

    Elle répond dans un sourire

     

    Va j'ai bien assez cousu

     

    Clémence Clémence ...

     

    C'est la maîtresse d'école

     

    Qui l'a dit au pharmacien

     

    Clémence est devenue folle

     

    Paraît qu'elle ne fait plus rien

     

    Mais selon l'apothicaire

     

    Dans l'histoire le plus fort

     

    N'est pas qu'elle ne veuille rien faire

     

    Mais n'en ait aucun remords

     

    Clémence Clémence ...

     

    Je suis de bon voisinage

     

    On me salue couramment

     

    Loin de moi l'idée peu sage

     

    D'inquiéter les brave gens

     

    Mais les grand-mères commencent

     

    De rire et parler tout bas

     

    La maladie de Clémence

     

    Pourrait bien s'étendre là

     

    Toutes les Clémence

     

    Prendraient des vacances

     

    Elles ne feraient plus rien

     

    Toutes les Clémence

     

    Comme en enfance

     

    Toutes les Clémence

     

    Prendraient des vacances

     

    Elles ne feraient plus rien

     

    Toutes les Clémence

     

    Comme en enfance

     

    Se reposeraient enfin

     

     

     

    Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1977)

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  • planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

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