• Sortir de son milieu d’origine

    « ...le rôle de celle qui, avec ses deux petits livres, avait tenté d'aider chaque femme à s'avouer ce que d'habitude elle ne savait pas se dire ? N'étaient-ce que des formules auxquelles il m'était commode de croire, alors qu'en réalité rient ne me distinguait des femmes de mon âge les plus traditionnelles. Malgré tout ce que je racontais, me laissais-je inventer par un homme au point que ses besoins prévalaient sur les miens et sur ceux de mes filles ? » (p.126)

     « Depuis l'enfance, je lui avais attribué trop de poids, et je m'en sentais maintenant comme libérée. Il était enfin évident qu'elle n'était pas ce que j'étais, et vice versa. Son avis ne m'était plus indispensable, j'avais le mien. Je me sentis forte, non plus victime de mes origines mais capable de les dominer, de leur donner forme et d'obtenir une rédemption pour moi, pour Lila et pour tout un chacun. Ce qui m'avait auparavant entraînée vers le bas était à présent matière pour aller vers le haut. » (p.296-297)

     

    Sortir de son milieu d’origine

      « Elle était également désappointée, je dois dire, lorsque je réduisais à des dimensions banales des personnes connues avec lesquelles j’avais été en contact.

     « En fait, ces gens ne sont pas ce qu’ils paraissent ! conclue-t-elle un matin.

     - Pas du tout. Souvent, ils sont bons dans leur travail. Mais à part ça, ils se comportent avec avidité, aiment faire mal, s’allient avec les forts pour harceler les faibles, forment des clans pour combattre d’autres clans, traitent les femmes comme des toutous qu’on promène et puis, dès qu’ils le peuvent, te balancent des obscénités et ont la main baladeuse, exactement comme chez nous, dans le bus. » (p.306)

      « Je me disais : Voilà ce que tu es devenue ! Pourquoi tu es retournée vivre ici, si tu n'as pas été capable de réagir devant ces deux connards ? Tu es trop comme il faut, tu veux faire ta bourgeoise soucieuse de démocratie qui se mêle à la plèbe, mais t'es ridicule ! ça fait longtemps que tu as perdu tout contact avec cette réalité, tu t'évanouis si tu sens la puanteur de la crasse, celle du vomi ou du sang ! » (p.353)

     « Je me dis que c'était peut-être une question de langue. Elle avait recours à l'italien comme à une barrière et je cherchais à la pousser vers le dialecte, notre langue de la franchise. Mais alors que son italien était traduit du dialecte, mon dialecte était de plus en plus traduit de l'italien, et nous parlions toutes deux une langue factice. » (p.418)

     « - Mais non, t’as pas mal, Lenù ! T’as inventé que tu devais boiter pour que ta mère ne meure pas totalement, et tu as fini par boiter pour de vrai. Et moi qui t’observe, je peux te dire que ça te fait du bien ! Les Solara ont pris ton bracelet et tu n’as rien dit, ça ne t’a pas contrariée, pas inquiétée. Sur le coup, j’ai cru que tu ne savais pas te rebeller, mais après j’ai compris que ce n’était pas ça. Tu vieillis bien. Tu te sens forte, tu as arrêté d’être une enfant, tu es devenue vraiment mère.

     (…)

     Même avoir mal, ça te fait du bien ! Il t’a suffi de boiter un chouia et hop, maintenant ta mère se tient tranquillement en toi. Sa jambe est contente que tu boites, et donc tu es contente toi aussi. Pas vrai ? » (p.426)

       

    (L’enfant perdue. L’amie prodigieuse, tome 4 d’Elena FERRANTE)

     

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