• La seule enfant noire

    « J’arrive au collège à onze ans, et c’est comme si le ciel se couvrait subitement. Je suis la seule enfant noire de l’école. On me donne des surnoms, on plaisante parfois sur mon passage, mais principalement on m’ignore. Je ne suis plus Princesse Prudence, je ne suis pas non plus une collégienne comme une autre, je suis le chaînon bizarre de ma classe. Les autres filles sont habillées avec des robes qui coûtent le prix d’un vélo. Elles se maquillent entre deux cours et s’invitent à des fêtes auxquelles je ne suis jamais conviée. Elles ont des histoires d’amour compliquées qu’elles détaillent sans complexe. Elles partent deux par deux à la sortie des cours. Je reste seule. Je le vois bien, je ne suis pas à la hauteur.

       

    La seule enfant noire

    Un matin, l’une d’elles vient me voir à la récréation.

     - Prudence, il faut qu’on parle.

     - Oui ?

     C’est la plus populaire de l’école. La plus délurée. Elle s’appelle Laurie, porte des pantalons larges et des serre-tête en strass. C’est la reine de la classe, une personne importante. A moi, elle adresse rarement la parole. Je suis trop différente pour intégrer son groupe. Indéchiffrable. « Avec sa coupe à la Jackson Five, ça le fera jamais » : elle a lâché ça en riant un jour où j’étais juste à côté d’elle. L’avantage quand on ne compte pour personne, c’est qu’on passe inaperçu partout et qu’on entend un tas de trucs qui ne nous sont pas destinés.» (p.45)

       

    (Providence de Valérie TONG CUONG)

     

     

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