• Descente aux Enfers

     

    « - ça n'a pas trop d'importance, tente-t-il d'expliquer. Bastien m'a juste embêté une ou deux fois.

     

    - Embêté comment ? Insiste-t-elle.

     

    Valentin se sent de plus en plus accablé. La raison de ses retards répétés ne tient pas seulement à ses problèmes de crachats et de vélo crevé mais aussi à cette sensation qu'il éprouve chaque jour davantage. Et à la crainte que Bastien trouve bientôt une occasion nouvelle de le frapper. » (p.110)

     

     

     

    « Personne n'a compris ce qui a pris à Valentin d'aller trouver le principal (pas la C.P.E., le Grand Chef en personne !...) et de dénoncer la classe, alors que le « jeu des dominos », vous savez, n'était pas spécialement contre lui et qu'il en était même beaucoup moins victime que d'autres (…).

     

    je peux vous dire que, quand la punition nous est tombée dessus, ceux de la classe qui appréciaient encore un peu Valentin ou le prenaient en pitié, comme je l'avais fait tout au long du premier trimestre, eh ben même ceux-là, j'allais dire « lui ont déclaré la guerre », mais il ne s'agit pas de guerre... En fait, personne ne s'est plus intéressé à Valentin, il n'en valait pas la peine. On l'a... je cherche le mot.. ; « Ostracisé » ? Si vous voulez... Non, je ne connaissais pas ce mot, il n'est pas très beau, mais merci de me l'apprendre... Oui, c'est ça, on l'a rejeté... Pire, en fait : on l'a ignoré total, méprisé, rayé de la carte.. Oui, vous avez raison. Je reconnais que c'est terrible, comme situation, mais il l'avait bien cherché, non ?

     

    (…)

     

    Une question encore, si vous voulez, mais la dernière... Oui, il s'est bien « passé quelque chose » le jour de la punition... Je ne vais pas tourner autour du pot, on s'est un peu fait justice nous-même... Bastien vous l'aurait raconté s'il avait continué à venir... Non, bien sûr, pas toute la classe ! Dans ces occasions, il y a toujours des lâches qui fuient leurs responsabilités... Combien ? Je dirais que nous étions à peine une dizaine... Non, je ne vous donnerai pas les noms... Oui, je sais bien que vous n'êtes pas de la police, mais n'empêche, je n'ai pas envie de donner les noms... Un mot a circulé, genre : « On lui règle son compte ? » C'était comme un sondage, un vote. J'ai répondu : « Oui »...Et alors ? Je ne vois pas la contradiction... Au contraire, le fait d'être déléguée de classe me donnait toutes les raisons de ne pas laisser Valentin impuni ! Bastien a dû penser la même chose.

     

    Après, sur la façon dont on lui a réglé le compte, il y a eu beaucoup d'exagération. Il n'a pas saigné, que je sache, il n'a pas perdu un bras, ni un œil, ni même une dent... Et puis, les autres, les péteux qui n'ont pas participé, ils étaient quand même au courant... C'est pour dire... » (p.116-118)

     

     

     

    « - Relève-toi, Patapouf, lance Karim.

     

    - Tenez-le bien, ordonne Bastien.

     

    Il s'approche de Valentin fermement maintenu par Karim et Xavier et le frappe à la volée d'une gifle retentissante. Le sang reflue, et la marque blanche des doigts apparaît sur la joue de Valentin.

     

    Sous la violence du coup, et comme s'il l'avait lui-même reçu, Antoine a aspiré bruyamment sa salive et rentré la tête dans les épaules. Il refoule aussitôt cet élan d'empathie pour donner à Valentin un coup de pied aux fesses :

     

    - Avance, Gros-Cul...

     

    Et, réagissant à un reniflement, il ajoute :

     

    - C'est ça, chiale, tu pisseras moins.

     

    Ils ont peur d'agir comme ils agissent, mais l'excitation leur donne du courage. Alice avance en éclaireuse pour s'assurer que l'escalier est désert. Elle se retourne pour faire signe que tout va bien et surprend un éclat de haine dans le regard mouillé de larmes de Valentin.

     

    - Pas la peine de faire ta tête de victime. Tu l'as bien cherché, non ?

     

    Bastien ricane. » (p.123)

     

    Descente aux Enfers

     

    « - Aide-nous ! lui demande Bastien. Tiens-lui solidement les jambes.

     

    Alice obéit tandis que Bastien se penche sur Valentin pour lui défaire son pantalon. Valentin se débat. Alice n'a pas assez de force pour lui maintenir les deux pieds.

     

    - Bon dieu ! s'indigne Bastien à l'adresse de Karim occupé à ramasser son rouleau de scotch. Qu'est-ce que tu glandes ? Aide Alice !

     

    Karim s'empare du pied droit de Valentin toujours maintenu à terre par Antoine et Xavier. Bastien abaisse le pantalon jusqu'à mi-cuisses, puis le slip.

     

    Il se fait un silence de mort. Même Valentin cesse de se débattre et de grogner dans son bâillon.

     

    - On va te couper la nouille, déclare Bastien.

     

    - Et on va la mettre à cuire, enchaîne Karim mauvais comédien et semblant réciter une réplique que lui aurait soufflée son chef.

     

    Alice, mal à l'aise elle aussi, ose à peine regarder « la nouille » de Valentin.

     

    - ça va. On arrête maintenant.

     

    - Ma parole, s'écrie tout à coup Bastien, il a des poils ou quoi. Regardez, ils sont tout blonds. Si ça se trouve c'est une perruque, ricane-t-il encore en tirant sur le duvet pubien de Valentin qui se cambre de douleur.

     

    - C'est bon, ça suffit, il a compris, maintenant, insiste Alice. Je vous préviens, je lâche sa jambe.

     

    - Okay, dit Bastien. On arrête là.

     

    Ils libèrent Valentin. Bastien empêche Karim d'enlever le bâillon trop tôt :

     

    - En dernier seulement.

     

    Il défait les nœuds de tissu qui enserraient les bras de Valentin et remet l'essuie-mains en fonction.

     

    - Maintenant, le bâillon, ordonne-t-il à Karim.

     

    Libéré de l'adhésif, Valentin se penche en avant et crache des lambeaux de mouchoirs en papier avec des haut-le-coeur tout en remontant du mieux qu'il peut slip et pantalon avant de se précipiter dans le W.-C. le plus proche pour y vomir.

     

    - Tu n'oublieras pas de tirer la chasse et de laisser l'endroit aussi propre qu'il était en rentrant, lui ordonne Bastien.

     

    Et il ajoute à l'adresse d'Alice et de ses copains :

     

    - Fin de l'opération « Justice imminente ». Dispersion du commando ! » (p.126-128)

     

     

     

    «  Beaucoup de têtes se retournent, rigolardes. Ils savent tous. La nouvelle a dû circuler et ils s'en délectent. Il est le Salaud de l'histoire, celui qui les avait dénoncés, et les Gentils ont triomphé. Il est le Traître puni. Les mots de Bastien ont dû porter : « Justice imminente ». (p.130)

     

     

     

    « Ce qui s'est passé cette année-là, ce que notre classe a fait subir collectivement à Valentin est dégueulasse. Parce qu'on peut toujours accabler Bastien, et je suis la première à le faire, et affirmer que, sans lui, ce ne serait pas arrivé... Il n'empêche que... et c'est cette petite phrase que vous allez noter et surligner et souligner en rouge trois fois : TOUTE LA CLASSE SAVAIT ET PERSONNE N'A RIEN DIT. » (p.133)

     

     

     

    « - Autant entrer dans le vif du sujet, Monsieur Boubard, « absence » est un mot qui va comme un gant à Valentin, à notre grand désespoir...

     

    Franck Boubard a levé des sourcils perplexes.

     

    - Ne vous méprenez pas, a poursuivi Sophie Biolle, il ne s'agit pas d'absence effective, si je puis dire, encore qu'il y ait un problème de retard préoccupant, mais Valentin est en cours sans y être . Il passe son temps seul au fond de la classe. Il ne suit plus, il ne s'intéresse plus... Non par manque d'aptitude, de cela nous sommes certains, et je parle ici au nom de tous ses professeurs... Non, il a d'excellentes capacités, il l'a prouvé au premier trimestre, mais les choses se sont dégradées, et particulièrement ces dernières semaines où votre fils n'a plus aucune motivation... » (p.139)

     

     

     

    «  C'est fou comme on peut être capable de refuser une vérité qu'on a tous les jours devant les yeux, et comme on trouve en soi la capacité de s'en accommoder au point presque de la nier, de grandement la sous-estimer en tout cas.

     

    Notre premier réflexe a été d'en vouloir aux enseignants et à leur principal. Vous savez, c'est vieux comme le monde : quand le message est trop dur à avaler, on s'en prend au messager. Cela dit le collège a une lourde responsabilité dans cette histoire. Eux non plus n'ont pas su déceler ce que dissimulait le changement de comportement de Valentin, son repli. Mais comment pourrait-on leur jeter la pierre, alors que nous avons, nous les parents, fait preuve du même aveuglement ? » (p.155-156)

     

     

     

    «  Valentin sait qu'il ne tuera jamais Bastien d'un tir de carabine, de celles qui sont en vente libre aux États-Unis où, de temps en temps, un collégien devenu fou provoque un massacre.

     

    Ce n'est pas un massacre que veut provoquer Valentin. Une vie à supprimer. Une seule.

     

    « La mienne », songe-t-il aussitôt. Ce n'est pas qu'il veuille mourir, exactement ; mais être mort, ça oui, sûrement. Il en a envie. » (p.195-196)

     

     

     

    « L'idée de s'armer lui est venue la semaine dernière. Pour se protéger d'une menace proférée par Bastien, hors de la présence de Karim et de Xavier : « Un de ces jours, aujourd'hui ou demain, quand je l'aurai décidé... », accompagnée du geste du pouce tranchant la gorge.

     

    « M'insulter ne lui suffit plus, a compris Valentin, abîmer mes affaires, me frapper, prendre mon argent. Il veut vraiment me tuer. Il va le faire avant la fin de l'année scolaire. » (p.211-212)

     

     

     

    (Harcèlement de Guy JIMENES)

     

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