• Camoufler le dénuement

       « Ce que je comprends par-dessus tout, c'est la conviction d'être invisible alors que la tour se voit à des kilomètres à la ronde et qu'on ne peut pas la rater.

     

    Le secteur dans lequel a été édifiée la tour Grenfell ressemble à tous ces quartiers que je connais comme ma poche : ces zones dites « défavorisées » où on nourrit une méfiance pathologique à l'égard des autorités et des personnes extérieures à la communauté, où les habitants sont convaincus qu'il ne sert à rien de participer au processus démocratique car ceux qui détiennent le pouvoir se contrefoutent des préoccupations de la « classe populaire ». » (p.16)

     

    « Lorsqu'on est menacé de toutes parts, difficile de s'exprimer, sinon par l'agressivité. Le ressenti est bridé, soit par les moqueries, soit par l'intimidation. Ainsi, grandir au sein d'un quartier défavorisé, ou considéré comme tel, c'est grandir asphyxié. L'individualité suffoque, les moyens d'exprimer sa singularité aussi. Ce qui explique pourquoi tout le monde ou presque parle et s'habille de la même manière. Choisir l'anticonformisme, c'est se dessiner une cible dans le dos.

     Gare à celui qui se démarque parce qu'il a plus de deux poches à son jean – culottée ! - ou plus de dix mots à son vocabulaire. » (p.49)

      

    Camoufler le dénuement

    « En dépit des zones arborées, des terrains de football et des aires de loisirs, la qualité du logement n'est pas la même de part et d'autre du fleuve : l'une des deux rives est beaucoup plus délabrée. Pas parce qu'on y loge une population plus modeste, contrairement à ce que l'on pourrait penser ; votre adresse ne dépend que du hasard, c'est la loterie quand la municipalité attribue les logements. Sans cesse on construit de nouvelles maisons, sans cesse on réhabilite les plus anciennes et on « revitalise » des zones entières.

     La plupart des habitants de Pollok, moi y compris, avaient beau être locataires dans le parc social, cela ne les empêchait pas de vivre comme si l'argent poussait sur les arbres. J'imagine que la honte qui rongeait pas mal de gens – et l'irrésistible envie de camoufler leur dénuement – expliquait la popularité jamais démentie du Pollok Centre. Là-bas, on pouvait se procurer la panoplie nécessaire pour donner le change : baskets neuves, joggings, chaînes, bagues, maillots de foot et crampons. Des articles et des accessoires aussi recherchés coûtaient un bras mais avoir l'air pauvre coûtait toujours beaucoup plus cher. » (p.60)

      

    (Fauchés. Vivre et mourir pauvre de Darren McGARVEY)

     

     

    « Voter comme tout le mondeLa liberté puissante d’être un garçon et non une proie »
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