• Tous ceux qui se taisent

    « Il y a aussi tous ceux qui se taisent, qui ne s’occupent pas de moi. Ils jouent les gentils de la meute mais ils vont se lâcher le soir sur internet. Ceux qui s’amusent à faire des fakes, des montages photo de moi, juste pour rire, ceux qui inventent des jeux de mots avec mon prénom… J’ai même lu une blague sur ma grand-mère qui aurait couché avec les boches ! » (p.45)

     

     

     

    « - ÇA NE S’ARRÊTERA JAMAIS ! Maintenant qu’ils t’ont prise comme bouc émissaire, aucun ne voudra risquer de prendre ta place !

     

    (…) J’ai subi ça, dans mon ancien lycée. Ils m’ont pourri la vie, en classe, sur le web, même chez moi…

     

    Maintenant, je me suis endurcie, ils m’auront plus. Les élèves, les profs, le lycée, tout ça pour moi, ça n’existe pas. Je suis dans une bulle. Mais s’ils me cherchent une seule fois, ils me trouveront ! 

     

    - Des fois je me dis que je devrais en parler aux profs. Mais ça risque de me retomber dessus. Si je vais voir le directeur, tu crois qu’il le dirait à mes parents ?

     

    - Laisse tomber ! Il ne fera rien, le directeur, je peux te le dire ! Il te prendra pas une seconde au sérieux, ni la police. On te dira que ta photo, elle a rien de choquant, c’est tout ! Pour eux, on est des gosses. Les gosses, ça se bagarre, ça chahute, c’est normal !» (p.50-51)

     

    Tous ceux qui se taisent

     

    « Chaque matin, sortir dans la rue comme descendre dans l’arène. J’essaie de ne pas penser à ce qui m’attend pour ne pas faire marche arrière. Je serre mon carton à dessin sous mon bras, je lisse ma frange deux cents fois. Dans ma tête, je répète mon petit rituel, une prière pour je-ne-sais-pas-qui, que je dois dire à voix basse, dix fois en boucle sans me tromper, avant d’être arrivée au lycée : « Je vous en supplie, faites que tout se passe bien pour moi aujourd’hui. Faites que tout se passe bien pour moi aujourd’hui. Faites que tout se passe bien pour moi aujourd’hui... » Je ne sais pas pourquoi j’ai inventé ce truc, je n’y crois pas vraiment, mais je finis par avoir l’impression que si je me trompe d’un seul mot, il m’arrivera un malheur.

     

    (…)

     

    Mais quand la grande arche de la grille du lycée est en vue, je commence à avoir trop mal au bide pour rester concentrée. » (p.66-67)

     

     

     

    « - Tu as des problèmes ?

     

    Je hoche du menton pour dire oui. Comment lui dire ? Comment expliquer ? Je cherche mes mots sans les trouver. Je ne sais même plus ce que j’ai à raconter. Je me mets à renifler. Au milieu des hoquets qui montent, la seule chose qui me vient, c’est une phrase de bébé, toute conne, qui me fait presque honte :

     

    - Tout… tout… tout le monde m’embête au lycée !

     

    - Comment ça ? Mais qu’est-ce qui t’arrive, Pupuce ?

     

    Plus il a l’air inquiet, plus je m’effondre. j’essaie de raconter, les insultes, les moqueries, ma solitude forcée ? Je dis « on », « ils » ou « tous » pour ne pas donner de noms. Je lui dis presque tout mais je ne parle pas du baiser de Sofiane, je ne peux pas. Je dis juste que les garçons m’ont larguée, sans raison. Je tourne autour du pot, je mets longtemps à aborder l’histoire de la photo sur internet, des rumeurs… Quand j’y arrive enfin, Pops n’est plus horrifié mais en colère. Il contient sa respiration, sa voix vibre :

     

    - Mais c’est quoi cette photo ? C’est quelque chose de… compromettant ?

     

    - Non, c’est rien ! Juste une photo où je dors ! Après, y en a qui ont fait des montages, qui ont inventé des trucs…

     

    - Qui te l’a volée, cette photo ? Qui l’a mise en ligne ? (p.76-77)

     

     

     

    « - Ce qui lui arrive, il me semble que ça a un nom. C’est du harcèlement et c’est probablement puni par la loi. Alors il faut se calmer et prendre le temps de réfléchir. Si tu fais n’importe quoi, tu risques d’aggraver la situation. » (p.78)

     

     

     

    « Je n’arrive pas à le croire ! Maintenant qu’il sait que je ne suis pas morte ou suicidée, il ne se sent même plus concerné ! Alors, qu’est-ce qu’ils vont penser tous les autres, ceux qui n’ont jamais été mes amis , Que j’ai été trop loin, que j’abuse, que je le méritais ! Qu’il y avait une part de vérité dans tout ça ! Et moi, qu’est-ce que j’en sais vraiment ? » (p.86)

     

     

     

    (Ma réputation de Gaël AYMON)

     

     

     

    « Programmé pour autre choseNous, c'est qui ? »
    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :