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Je ne grandirai plus
« Je n'aurai plus jamais faim, me suis-je dit. Il était sept heures du soir et j'avais faim.
(…)
J'avais treize ans, et fini de grandir. On mange pour grandir. je ne grandirai plus, m'étais-je dit. Je ne mangerai plus que le minimum. Ce qu'il faut pour durer. Cela faisait comme un champ d'exploration immense, la découverte d'un territoire sauvage et secret. » (p.9)
« Je ne dis pas à Joëlle mes raisons. Je ne ferai pas de psychanalyse, parce que j'ai peur de ce qu'il y a dans ma tête, comme les autres filles de ma classe. Et aussi, parce que j'y tiens, c'est mon capital le plus précieux, comme dit mon grand-oncle, qui est communiste. » (p.14)
« C'était une nouvelle certitude (...) : je risquais de devenir folle, et le pire, me disais-je avec effroi, c'était la peur non pas principalement d'être folle, mais d'être folle et par conséquent de ne pas me rendre compte que j'étais folle. Et c'était une inquiétude assez légitime, car j'étais en train de devenir folle, de ne pas m'en rendre compte du tout. » (p.20)
« D'où vient tout ce mal dont on l'accuse ? Elle sait juste qu'elle n'a la paix dans son coeur qu'à ce prix : que le bébé soit gavée, et qu'elle, Nouk, ressente, dans son ventre, les crampes vertigineuses de la faim. » (p.67)
« Nouk est si mal guérie, elle ne pense qu'à la manière de faire vite repartir toute cette mauvaise graisse qu'on l'a obligée à accepter, ce déguisement de survie. » (p.95)
« Ils m'ont dit deux choses dont je me souviens. La première, c'est que, contrairement à ce que je pense, ce n'est pas très important, la beauté.
Que j'avais tort de penser trop à cela, être belle, ou être laide. Ils ont dit que j'étais bien assez belle pour ne pas me torturer avec ce faux problème. Je n'en ai pas cru un mot, mais certaines phrases s'impriment pour toujours et celle-ci en fait partie. C'était comme s'ils me disaient de moins me fatiguer. » (p.96)
(Petite de Geneviève BRISAC)
Tags : anorexie, TCA
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