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Si le monde avait tourné rond
« Et soudain je compris comment Tulipe pouvait raconter mensonge sur mensonge et ne jamais se rendre compte que les autres trouvaient ses mensonges totalement absurdes. Elle était persuadée que c'était le monde qui ne tournait pas rond. Si le monde tournait rond, si les choses s'étaient passées comme il fallait, elle n'aurait jamais eu besoin de mentir, ni de voler, ni d'être méchante.
Si le monde avait tourné rond, elle aurait été une fille bien, une fille gentille - celle qu'elle était au fond d'elle-même avant que les choses ne tournent mal et ne la déforment. » (p.123)
« Tulipe me manquait terriblement et je les détestais tous. Pourquoi étaient-ils persuadés que c'était à moi de faire venir Tulipe, toujours à moi ? Ils savaient tous où la trouver. ils savaient tous qu'elle devait être assise avec ses affreux vêtements de tous les jours, en train d'écouter sa mère fredonner et son père la tarabuster, tandis qu'elle examinait le cadeau hideux et minable que sa mère s'était procuré en grappillant sur le peu d'argent qui restait une fois que M. Pierce avait acheté ses bouteilles. Eux étaient tous réunis autour du piano, sur leur trente et un, l'air altier et l'estomac plus que plein. Qu'est-ce qui empêchait l'un d'eux de remplir un panier et d'aller le lui porter ? Ou même de la ramener ? "Allez, viens Tulipe. Nous savons tous que tu n'es plus très copine avec Nathalie. Mais nous, nous t'aimons encore. Viens avec nous."
Mais non. C'était à moi de le faire. c'était à moi de m'occuper de Tulipe (mais prends garde qu'elle ne te fasse pas porter le chapeau). Sois gentille avec elle (mais fais attention de ne pas tomber sous son emprise). Va jouer avec la sorcière (mais ne te laisse pas ensorceler). » (p.150-151)
« - Non, dit-il au bout d'un moment, d'une voix calme. Ce n'était pas assez grave. Et j'ai bien peur que la vie ne soit un peu comme ça, Nathalie. Il faut que les choses soient bien pires que graves pour être considérées comme intolérables. Et jusqu'à ce qu'elles en arrivent là, les gens sont seuls.
J'étais écœurée. Complètement écœurée. » (p.178)
« A la limite, Tulipe était plus courageuse et plus gentille. Et puis les gens ne sont pas des forteresses. On peut aller voir à l'intérieur d'eux, si on veut.
Mais personne ne l'a fait. Personne n'a tendu la main à Tulipe. Personne n'a essayé d'établir un contact avec elle. Je les entends chuchoter et ça me rend malade.
(...)
Je ne pourrai plus jamais penser à Tulipe sans être triste pour elle.
Et sans me sentir coupable.
Oui, coupable. (p.196)
(Mon amitié avec Tulipe d'Anne FINE)
Tags : marginalité, maltraitance, harcèlement, solitude
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