• Seul de son espèce

     

    « L'univers n'est pas fait pour les gens comme Roswell.

     

    Il se tient replié sur lui-même comme s'il regrettait quand il était fœtus. Il est maigre, tordu.

     

    Dès que je l'ai vu, il m'a fait penser à cet extra-terrestre de l'affaire Roswell, dont la soucoupe volante s'était soi-disant écrasée aux Etats-Unis dans les années quarante.

     

    J'aurais pu l'appeler E.T. et cela lui irait très bien aussi.

     

    Mais Roswell, c'est plus classe. » (p.26)

     

     

     

    « Dix fois par jour, elle lui demande :

     

    • T'as pas soif, l'imbécile ?

     

    Ou : le crétin, le gogol , l'ahuri. Neuneu ou Débilou dans les jours de tendresse.

     

    Roswell se marre, montre son verre, hoche la tête, et chuinte :

     

    • Ah sschi : assch' ouaf ! » (p.26)

     

     

     

    « Dans les yeux de Roswell, il y a de la confiance aveugle, sans limite. Quelque chose d'un tout petit gamin, et d'une bête aussi. D'un chien battu, voilà.

     

    Autant d'amour dans l'oeil, ça me gave : je me crois obligée de m'occuper de lui. C'est pas du tout de moi, cette façon de ne pas m'en foutre. Mon cœur, ce n'est pas un chenil.

     

    Mais le soir, il n'y a rien à faire, je ne pourrais pas le laisser dormir sans un dernier bisou sur sa barbe râpeuse. Sans ses « Hésschantille-hein ? » et sans ses « Oké-sschef ! ». (p.33)

     

     

     

     

     

    « Je crois bien que Roswell est seul de son espèce.

     

    Tout seul et séparé de nous par une vitre invisible. C'est un poisson rouge en bocal. Il nous voit, on le voit, ce n'est pas pour autant qu'on vit vraiment ensemble. » (p.38)

     

     

     

    « La première fois qu'on voit Roswell, il fout la trouille.

     

    Ça cause un choc, ses grosses dents jaunies en bazar dans sa bouche, et son corps mal foutu, tout caricaturé. On a le sentiment que c'est une grave erreur, une gaffe de la nature, un vrai n'importe quoi. On voudrait pouvoir le démonter, le détordre, le mettre à plat, et le reconstruire dans l'ordre. Le regarder, ça met salement mal à l'aise, on se sent trop normal. Enfin, c'est ce que j'ai pensé, moi, en le découvrant tassé sur le canapé, avec le petit fil de bave luisant qui coulait de sa bouche, sa laideur incroyable, son sourire de monstre et ses yeux de bébé. » (p.43)

     

     

     

    « Seulement, pour ceux qui sont comme Roswell, ceux qui sont réellement affreux, c'est plus compliqué, je crois bien. Il faudrait oublier ce qu'ils montrent, pour pouvoir découvrir ce qu'ils cachent. Très vite, il faudrait l'oublier. » (p.111)

     

     

     

    « Il est d'une laideur parfaite. Il y a rien en lui qui ne soit pas raté, déformé, effrayant, ridicule. Rien sauf son regard de chiot, d'une douceur pas racontable. Sauf son rire éclatant , plein de vie et d'humour. » (p.111)

     

     

     

    « Qui peut dire jusqu'où Roswell comprend vraiment les choses ? L'autre jour, au canal, il n'a même pas eu peur, quand on a vu les deux racailles. Je lui ai dit : « C'est un jeu. » Il a trouvé ça drôle.

     

    C'est vrai qu'il y a eu sa question, au retour, pour savoir s'il était un monstre. Et puis ?

     

    Est-ce-que ça signifie qu'il pense ? Qu'il en souffre ? Il rit tellement, pour rien, tout le temps. Son frère a peut-être raison, après tout : Roswell n'est peut-être bien qu'un simple perroquet, qui répète les mots sans comprendre les phrases.

     

    J'aimerais bien en être convaincue. » (p.151)

     

     

     

    « Un être aussi différent, aussi moche et difforme, comment ne pas être hypnotisé ? Impossible de ne pas poser les yeux sur lui, de faire comme si de rien n'était. Trop dur. Réagir comme si tout allait bien, comme s'il était normal, ce serait gommer Roswell de la surface de la Terre, nier le peu qu'il a : ce look pas racontable, qui fait de lui un être unique au monde. » (p.178)

     

     

     

    « Gérard, lui, il s'en fout complètement de se tenir « comme il faut ». Il est au-dessus de tout ça, bien plus haut que la stratosphère. Comment faire autrement, quand tu as la gueule en vrac et le reste en pagaille ? Quand tu baves pire qu'un boxer, que tu bouffes tellement les mots que personne n'y comprend rien ? Quand les gens qui te voient passer se retournent en chuchotant, pour te mater en douce, comme si tu étais un alien ou un monstre de foire ?

     

    C'est peut-être pour ça qu'il plaît tant au Mérou, Gérard. Même combat. Rien à carrer de rien. Hors gabarit, hors normes.

     

    Le jour où je l'ai vu pour la première fois, je me suis dit qu'avec sa tête, il devait avoir un QI de têtard. Mais non, il est intelligent, Gérard. Pas de chance pour lui. Malgré tout, il se marre et il aime la vie. » (p.265)

     

     

     

    (Vivement l'avenir de Marie-Sabine Roger)

    « Drogue du violLes rumeurs ne s'arrêtent jamais »
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