• Racisme anti-roux

    « Il accéléra le pas. Sa mère allait s'inquiéter. Elle avait trop souffert elle aussi. Et son père.

     

    Maintenant encore, malgré leur nouvelle vie, s'il avait quelques minutes de retard, elle imaginait le pire. Sur Internet, elle avait découvert qu'il existait des blogs, des clubs antiroux...

     

    Du coup, il n'avait pas parlé de cette première photo. L'angoisse de ses parents aurait décuplé la sienne.

     

    (…)

     

    La photo avait circulé sur tant de portables. Il ferma les yeux. Elle surgit aussitôt à son esprit : on y voyait son visage à tête de rat, avec une chevelure longue, envahissante, presque rouge, et deux incisives bien pointues le ridiculisant.

     

    En dessous, une phrase :

     

    « Pourquoi faire des expériences sur des rats quand on a des roux ? »

     

    La rage, la haine, le désespoir l'avaient envahi.

     

    Il avait serré les dents et préféré faire comme si de rien n'était. Subir les regards. Éviter les camarades. Raser les murs. Devenir invisible.

     

    Il n'avait pas le courage d'affronter. 

     

     

     

    Il faisait doux, c'était le printemps.

     

    En lui, le noir, l'hiver.

     

    Cette première photo l'avait anéanti, le hantait encore.

     

    Et les suivantes. Et les insultes, l'enfer.

     

    (…)

     

    Il s'était souvent senti traqué. Depuis cette première photo, il était prisonnier dans une ratière. (…)

     

     

     

    Il aurait dû réagir. Leur dire merde à tous. Tous ceux qui avaient reçu cette première photo. Tous ceux qui laissaient s'appesantir sur lui leur regard méprisant, moqueur... haineux ou hypocrite. Les regards compatissants non plus, il ne les supportait pas. » (p.12-13)

     

     

     

    « Mme Marchal, des larmes dans la voix, lui avait tout raconté. L'enfer de son fils à l'école primaire, puis au collège, à cause de la couleur de ses cheveux. Le déménagement de Villeurbanne...

     

    - Mon mari et moi, pensions qu'au lycée Anton n'avait plus de problème. Nous n'avons rien vu !

     

    Elle avait failli éclater en sanglots. Elle était partie après lui avoir remis la lettre.

     

    La vie faite à Anton par ses camarades portait un nom : harcèlement.

     

    Elle relut la lettre.

     

     

     

    « Je vous demande pardon.

     

    Je n'en pouvais plus.

     

    Je vous aime.

     

    Votre fils, Anton »

     

     

     

    (…)

     

    Racisme anti-roux

     

    - C'est pas vrai ! Murmura Salomé devant les quatre photos apparues sur l'ordinateur de Karine.

     

    « Pourquoi faire des expériences sur des rats quand on a des roux ?

     

    Au Moyen-âge, on exterminait les roux, animaux maléfiques.

     

    Tu ne vieilliras pas, tu rouilleras.

     

    Noyons le pou ! »

     

    - Les phrases sont terribles et la représentation d'Anton... Je reçois ça, moi... je pète un plomb, continua-t-elle. » (p.96-97)

     

     

     

    « - Et Hakim et Saïdou ? Demanda Salomé.

     

    L'interrogatoire des deux adolescents s'était avéré éprouvant aussi. Aucune remise en cause de leur part. Aucun regret. « A chacun d'en baver du racisme, non ? » Leur réaction avait fait une sacrée entaille dans l'enthousiasme de la jeune lieutenante.

     

    - Ils seront poursuivis pour harcèlement...

     

    - Ils risquent quoi ?

     

    - Je ne sais pas... Je ne suis pas juge...

     

    Salomé ne dit plus rien.

     

    Elle se souvint : en classe de seconde, une prof courageuse, avait fait étudier aux élèves, un court reportage d'un journaliste aux actualités nationales.

     

    Elle se rappelait le texte par cœur.

     

    « En Israël la Gay Pride est prévue le vendredi 10 novembre.

     

    Les juifs orthodoxes, les chrétiens et les musulmans s'unissent contre la Gay Pride. Et deux chanteurs connus : un juif et un musulman s'unissent un temps, le temps d'une chanson... contre la Gay Pride. »

     

    A cause de cet article, peut-être, elle avait tenu à intervenir dans la classe d'Anton.

     

    Le temps de quelques photos, trois adolescents, un garçon français de souche, un autre d'origine africaine, et un troisième d'origine maghrébine, qui ne s'aimaient pas, s'étaient entendus, s'étaient unis pour... mettre à mort un roux.

     

     

     

    L'unisson pour le rejet, la discrimination, le harcèlement. L'idée n'était pas seulement dérangeante, inquiétante, elle était terrifiante, atterrante. » (p.168-169)

     

     

     

    (Mise à mort de Claire MAZARD)

    « épis de bléArdoise »
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