• Partager des photos volées

     

    « L’ordi met une plombe à s’allumer. Je dois faire vite ! Dans un quart d’heure, ma mère sera rentrée. Pas la peine de faire des recherches, la photo de moi, endormie sur le lit, apparaît partout ! Sur les blogs, les réseaux, tout le lycée l’a partagée, tous mes « amis » la font tourner ! Je lis sans arriver à y croire les commentaires d’élèves de ma classe et de gens que je ne connais même pas : « Matez ce que Sofiane vient de partager ! Il l’a niquée ! », « Pourquoi Laura s’est fait larguer comme une merde ? La réponse en image ! », « La pute ! Elle l’a bien cherché », « Elle a la bouche ouverte ! Elle dort pas, elle gémit ! »

     

    Je n’arrive pas à comprendre. Je me trouve moche sur cette photo, mais c’est un gros plan banal : juste mon visage contre un oreiller, mon épaule nue au-dessus de la couette. La bretelle de mon top en coton a un peu glissé sur mon bras mais on voit bien que je suis habillée. Je n’ai rien fait de mal. » (p.40)

     

     

     

    « Jo me met son smartphone sous le nez. Sa voix est tendue :

     

    - Regarde ce que j’ai trouvé !

     

    Je me penche sur le téléphone.

     

    - En faisant une recherche avec ton nom, j’tombe sur ça !

     

    Toujours cette photo de moi, mais au milieu de dizaines d’autres. Une liste interminable de portraits amateurs de filles de mon âge défile sur l’écran. Jo souligne du doigt la bannière du site. C’est un site porno !

     

    - Attends ! C’est quoi ce délire ?

     

    Je lui prends le portable des mains. Je me sens trop gênée de regarder ce truc avec elle. Le site permet à des internautes de partager les photos volées de « chaudasses » qu’ils connaissent : leurs voisines, leurs sœurs, leurs cousines… Un clic pour dénoncer celles qui sont susceptibles d’être des putes ! Rien de choquant sur ces photos, pas de scènes de sexe, rien ! Mais les commentaires des visiteurs me donnent envie de vomir. Un vrai torrent d’obscénités ! Et, sous ma photo, mes vrais nom et prénom sont indiqués !

     

    (…)

     

    - Qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce que je vais faire, bordel ? Même si je changeais de lycée, ou de pays, il y aura toujours quelqu’un pour trouver ça sur le net ! » (p.67-68)

     

     

     

    « Alors, où aller ? Au lycée, dans la rue, partout je me demanderai si chaque élève, chaque prof, chaque inconnu n’a pas vu ma photo sur internet, lu les commentaires dégueu. Je voudrais juste disparaître, devenir aussi pure, inaccessible et insensible que mon Abel en marbre, endormi pour toujours.

     

    Je ne vois qu’un endroit où me réfugier, mais il faut encore trouver la force d’aller jusque-là. » (p.74)

     

    Partager des photos volées

     

    « - Voilà ! Je vais vous demander à chacun de relire la déclaration. Si tout vous semble exact, vous devrez signer, ici et ici.

     

    Le policier dépose la liasse de papiers en face de moi. Je relis une dernière fois cette histoire qui ne m’appartient même plus. (…) Je laisse mes parents relire après moi. (…)

     

    Je jette un œil au petit carnet que ma mère a noirci de notes pendant l’entretien. La liste des mots qu’elle a soulignés est beaucoup plus effrayante que le décor : harcèlement, insultes répétées, injure publique, diffamation, sexting, amende de 12 000 €, peine de prison… Le dossier comporte toutes les preuves que nous avons pu assembler avec le policier : le texto de Sofiane que j’ai eu la bonne idée de ne pas supprimer, des captures d’écran sur les blogs, sur le site porno, sur Facebook (…). ça m’a fait froid dans le dos de voir comment ils pouvaient tout savoir de ce que les gens font sur le net. En trois clics, le flic fouillait la page perso de Sofiane censée être supprimée ! Il identifiait les ordinateurs d’où chaque commentaire avait été publié. Comme si rien ne pouvait être effacé de la toile. » (p.87-88)

     

     

     

    « - C’est pas moi, Laura ! T’as pas compris ? Ils ont mon portable. Ils ont publié ta photo sur ma page à ma place ! Et plein d’autres trucs ! Quand j’ai vu qu’ils allaient pourrir tout le monde autour de moi, j’ai fermé mon compte, j’ai essayé de tout bloquer mais c’était trop tard. Ils m’ont foutu la honte. Farès te connaissait. Je suis sûr que c’est lui qui a eu l’idée pour la photo et les rumeurs. Ils savaient tout sur moi : les numéros de mes potes, mes codes d’accès, mes profils… Ils m’ont dit : si t’ouvres ta gueule, si tu cherches à nous doubler, on balancera sur Facebook ton historique avec tous les sites que tu fréquentes dessus, si tu vois ce qu’on veut dire ! On l’enverra à tes parents ! » (p.94)

     

     

     

    (Ma réputation de Gaël AYMON)

     

     

    « Un mot, ça ne meurt pasPersonne n'aime les roux »
    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :