• Les conséquences d'une rumeur

    "Pendant toute ma scolarité, si j'avais dû attendre d'être choisie pour faire partie d'une équipe, j'aurais attendu sur la touche comme les autres laissées-pour-compte. Les grosses, les bigleuses, les filles mal "coordonnées", les asthmatiques qui soufflaient comme des locomotives dès qu'elles couraient plus de quelques mètres." (p.18)

     

    "Matt Donaghy n'avait pas été arrêté par la police de Rocky River.
    Matt Donaghy n'avait pas été menotté, conduit de force par la porte de derrière du lycée jusqu'à un véhicule de police, et emmené au commissariat pour y être inculpé d'un crime.
    Personne n'avait été témoin d'une telle scène. Mais on en parlerait comme si elle avait eu lieu. Elle serait racontée, partagée, discutée comme un film qui n'avait pas été vu par tout le monde, mais que quelques-uns avaient vu, ou prétendaient avoir vu, et elles serait commentée avec tant de délectation, d'appréhension et d'enthousiasme que, très vite, il semblerait que quasiment tout le lycée de Rocky River y avait assisté, et avait son opinion sur le sujet." (p.46)

     

    Les conséquences d'une rumeur

    "- Je me ferais du souci, monsieur, si j'étais à votre place. On pourrait vous accuser d'avoir exclu Matt Donaghy sans raison valable, et de l'avoir diffamé.
    Le visage terreux de Parrish s'assombrit encore un peu plus.
    - Personne n'a diffamé ce garçon. Son nom n'a pas été divulgué. Nous avons été très prudents.
    - Mais tout le monde est au courant, monsieur. C'est un secret de polichinelle." (p.96)

     

    "Merci, Ursula. Je... ça me touche beaucoup. Tu es la seule personne qui m'ait appelé, Ursula, ajouta-t-il sur une impulsion. Je suis un paria, on dirait... c'est bien le mot ? Un genre de lépreux. Un pestiféré." (p.90)
    "Matt envoya un e-mail à M.Weinberg :

    Lundi/Quarantaine/Isolement cellulaire

    Monsieur Weinberg,
    Je suis une sorte de lépreux, on dirait ? Personne ne peut "communiquer" avec moi ? Parce qu'on penserait que c'est une "conspiration" ?
    QUE DISENT LES GENS ?

    Matt "Terroriste" Donaghy" (p.107)

     

    "Quand il avait ouvert son casier dans le couloir bruyant des premières, il avait regardé autour de lui avec un sourire timide, et attendu qu'on s'aperçoive de sa présence ... Skeet, Neal, Carl, Russ et d'autres s'étaient montrés amicaux, d'accord. En apparence. Les élèves qui avaient les casiers voisins du sien, et qui étaient assis à côté de lui en classe. Mais ils étaient gênés. Ils ne savaient pas quoi dire. Russ, qui n'était jamais à court de mots, bégayait : "C'était vraiment bizarre, hein ? ... Ca a dû te faire ... bizarre." Même Mr Weinberg [le professeur d'anglais], dissimulant son embarras sous des plaisanteries, avait changé. Et quand Matt avait fini par rencontrer Stacey [sa petite amie], après les cours, elle courait à la répétition de la chorale et lui avait dit, le visage empourpré. "Oh ! Matt ! Je t'appellerai ... bientôt !"

    Elle n'avait jamais appelé, bien entendu.

    On aurait dit que Matt avait sur le corps une plaie invisible pour lui, mais visible pour les autres, horrible, à vif. Quand ils le regardaient, ils ne voyaient plus qu'elle. Ils ne voyaient plus Matt Donaghy." (p.131)

     

    "Ursula Riggs est cool parce que : 1) Tu te fiches pas mal d'eux. Leurs yeux menteurs et leurs masques souriants. 2) Tu es toi. Tout le monde respecte ça." (p.139)

     

    "Je voulais te dire aussi, je déjeune presque toujours tout seul, maintenant. la table des laissés-pour-compte" à côté des poubelles. C'est plus facile comme ça." (p.204)

     

    "J'entends souvent mes parents parler de moi. Comme si j'étais devenu une maladie qu'ils avaient attrapée, dans le genre lèpre." (p.209)

     

    "Parce que ce qu'on m'a fait n'était pas un "crime". Cela ne peut être jugé que par un tribunal civil. Là, on peut exiger de l'argent pour avoir été traité comme de la merde.
    On continue peut-être à se sentir comme de la merde. Mais on a droit à un "dédommagement". (p.210)

     

    "Ursula l'encourageait à retourner au club théâtre et à écrire une nouvelle pièce, une comédie "sur la façon dont les marginaux se débrouillent. Une fois qu'ils ont décidé que, bon,  ils ne sont pas comme les autres, et après ?" (p.260)


    (Nulle et Grande Gueule de Joyce Carol Oates)

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