• La Terre ne tourne plus rond

    « Ils croient posséder et ils n'ont rien. Ils détruisent la Terre, oublient leurs enfants, oublient qu'un jour tout sera pourri par les fumées, les engrais, les gaz, les voitures, leurs centrales nucléaires, leurs déchets qu'ils cachent. Ils brisent, cassent, brûlent, sans savoir qu'ils scient la branche sur laquelle nous sommes tous assis.

     

    Nous n'avons rien, rien d'autre que notre fois, notre savoir, nos corps et nos esprits. Nos vies ensemble sont liées à jamais, depuis toujours. La Terre a donné à chacun de nos pas des pans de la sagesse qui manque aux gadjé. Ils ne bougent pas, restent attachés à des bouts de Terre, jusqu'à croire que la propriété est un acte. Ils sont fous de leurs biens.

     

    Nous avons collecté ces morceaux de l'humanité et nous devons les transporter toujours plus loin pour continuer à faire tourner la Terre. Ils ne savent pas que la Terre tourne parce que la marche de notre peuple la fait tourner. Nous, Gitans, Roms, Tsiganes, nous et aussi les nomades des déserts, les nomades de toutes races, de toute la Terre, nous donnons son mouvement circulaire au globe, par la force de nos pas.

     

    Nos pas font rouler la Terre sur elle-même, nos pas font marcher leur monde à eux aussi.

     

    Et ça non plus, ils ne le savent pas. Ils nous pensent inutiles, voleurs et fragiles ; nous sommes forts et nécessaires à leur survie.

     

    Peut-être nous sommes-nous arrêtés depuis trop longtemps maintenant ? Peut-être est-ce pour cela que la Terre ne tourne plus rond ? » (p.26-27)

     

    La Terre ne tourne plus rond

     

    « Partir pour où ? Partir comment ?

     

    L'appartement HLM, il n'en veut pas. Là, il est sûr de lui. Pas question de laisser le campement se défaire en appartements. Ils ne sont pas faits pour cette vie-là. La tribu doit se tenir. La tribu est une coquille qui protège l'oeuf qu'elle a en son centre. Sans coquille, l'oeuf s'étale, se dilue, se perd dans l'immensité et ne peut plus jamais donner naissance à rien ni personne. » (p.35-36)

     

     

     

    « Où trouver des quittances ? Ils ne paient pas de facture EDF, c'est le bloc électrogène qui les fournit en lumière. Le certificat de naissance d'Aicha va être difficile à obtenir, elle est née en Roumanie. Et un garant... Qui voudrait se porter garant de Gitans ? Les frères ouvriers de l'usine de recyclage gagnent-ils assez pour être crédibles ? Tous ces papiers sont impossibles à trouver, certains n'existent même pas. Jaime commence à se demander si le maire ne s'est pas moqué d'eux. Si cette proposition d'appartement est vraiment sérieuse ou seulement une façade pour cacher un grand vide. » (p.46)

     

     

     

    « Le lendemain, Jaime n'est pas étonné quand, à la mairie, il se confronte à un homme qui lui dit que tous ces papiers sont nécessaires. Que c'est la règle. Qu'il ne sera pas possible d'obtenir d'appartement s'ils ne veulent pas se soumettre à la loi du pays. Que c'est un effort que fait la mairie. Qu'ils doivent comprendre que cela ne les dispense pas de se comporter comme tout Français aurait à le faire. Que c'est toujours la même chose avec les gens du voyage, les étrangers, toujours la même chose.

     

    Jaime reconnaît les mots fermés de ceux qui ne les acceptent pas, de ceux qui derrière leur discours cachent la haine qu'ils ont pour son peuple. Il en a rencontré beaucoup déjà. Il n'en a pas peur, il les méprise. » (p.47)

     

     

     

    « Après, je ne sais rien de l'avenir. Ce n'est pas un temps qui nous préoccupe, nous les Roms. Le présent donne fort à faire déjà. » (p.72)

     

     

     

    (Alors, partir ? de Julia BILLET)

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