• Dans la cour

     

    « En sixième, je n'avais pas de copains, en cinquième non plus. Quand j'ai redoublé, les nouveaux sont arrivés. Pour faire pareil, s'attaquer à moi parce que je me laissais tout le temps faire. Je ne répondais pas. Ils se regroupaient entre eux. Ils me cherchaient sur le physique, les fringues, les filles aussi. Moi, je n'avais pas de copine, alors j'étais encore plus un con pour eux. Dans ma tête, je les traitais de grands cons. Mais ça ne sortait pas. J'espérais tellement qu'ils m'oublient, me lâchent pour de bon.

     

    Dans la classe, pendant les cours, ça allait encore. Mais c'était à la récréation. Je voyais arriver les grands du collège, ceux de troisième. Souvent, je restais dans les couloirs ou dans une cage d'escalier, pour me cacher, j'attendais que ça passe. Les professeurs, eux, voulaient m'obliger à quitter mes cachettes.

     

    - Il faut aller dans la cour de récréation, il faut aller jouer... allez !

     

    Mais moi, je ne jouais pas dans cette cour, je me faisais frapper. Je répondais aux professeurs :

     

    - J'aime bien rester seul. Je réfléchis.

     

    Je n'ai jamais dit qu'ils m'embêtaient. Les grands m'avaient prévenu de me taire :

     

    - Sinon, demain, on va te faire encore plus mal.

     

    - On va te tabasser, on va te tuer...

     

    Ils se croyaient plus forts que tout le monde.

    Dans la cour

     

    L'année de quatrième a été pire que les autres. A la fin de ma deuxième cinquième, mes parents avaient décidé de me changer d'école. Ils m'ont mis au collège Saint-Pierre, à Lille, un établissement privé avec une classe de quatrième beaucoup plus ralentie. J'avais le même programme que les autres quatrièmes, mais en plus lent. Ça me convenait mieux, ma moyenne était bien meilleure. Malheureusement, les élèves étaient aussi embêtants avec moi. Pas ceux de ma classe, mais les élèves des autres classes de quatrième, les classes pas aménagées. Ils m'attaquaient dans la cour. C'était un collège-lycée, et les lycéens s'en prenaient aux collégiens. Ils faisaient un mur autour de moi. Ils se mettaient devant et de chaque côté, pour que je ne puisse pas m'échapper. Ils me traitaient de bon à rien. Ils disaient :

     

    - Bon à rien, tu sers à rien... T'as rien à foutre là, ça sert à rien, pour toi, d'être sur Terre... faut te barrer...

     

    Un jour, ils m'ont coincé contre le mur et m'ont cogné la tête. Un prof est intervenu mais les autres ont dit que j'étais tombé tout seul.

     

    - Non, c'est pas nous, c'est lui, il s'est fait mal tout seul, on n'y est pour rien.

     

    Moi j'ai dit que c'étaient eux qui m'avaient tapé. Mais il ne m'a pas cru. Il a cru les autres parce qu'ils étaient quatre ou cinq. Le prof, lui, était tout seul et, peut-être, il ne voulait pas d'ennuis. Les profs ont souvent peur qu'on leur crève un pneu. Après, pour eux, c'est trop de problèmes, alors ils laissent tomber. C'est pour ça aussi qu'on ne dit rien.

     

    Parce que ça ne sert à rien. » (p.39-41)

     

     

     

    (Condamné à me tuer de Jonathan DESTIN)

     

     

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