• Wilma ou Wilmer ?

    « J’étais très proche de mon père. Maman m’a donné le nom de Wilma d’après Wilma Rudolph, une sorte de reine du sprint des années 1960. Elle a juste eu le temps de me voir apprendre à marcher, puis courir, comme le font les enfants, avant de partir travailler dans la région d’Uppsala où elle s’est fait écraser par un bus. (…)

       

    Papa m’a tout de suite rebaptisée Wilmer et m’a élevée  comme le fils qu’il n’a jamais eu. Ça a très bien fonctionné. Ce n’est qu’en commençant l’école, quand les autres garçons ne voulaient pas de moi dans leur bande, que j’ai compris qu’il y avait une erreur quelque part. Mais comme papa m’avait déjà appris à tirer à la carabine et que j’avais un petit renard apprivoisé, les garçons ont vite changé d’avis.

     

     Les filles m’appelaient le Renard, à cause de la couleur de mes cheveux. Je m’entendais assez bien avec elles aussi, vraiment. Elles aimaient bien mon renard. Je pense que j’étais une enfant assez heureuse, mais durant l’adolescence, ça s’est corsé. Avec qui devais-je aller aux boums ? Mes meilleurs copains étaient des garçons, mais les filles savaient tant de choses que papa ne m’avait jamais apprises, des connaissances indispensables avant une boum. Elles savaient tout sur les suçons et les mouchoirs dans le soutien-gorge et comment utiliser le mascara. Fond de teint correcteur et gloss. (…)

     Puis je suis tombée amoureuse de mon meilleur copain, Jonas. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait et lui non plus. Je voulais être avec lui tout le temps et au début, il n’avait rien contre. Jusqu’à ce que j’essaie de l’embrasser un jour chez lui, ça m’a pris comme ça. Il a paniqué en me voyant là, devant lui, en train de tourner la tête dans tous les sens pour dévier le nez d’une façon adaptée à la situation. Il s’est précipité dans la cuisine préparer un chocolat instantané, puis il m’a dit qu’il valait mieux que je parte parce que son frère allait rentrer. (…) Alors je suis rentrée et rien ne fut plus jamais pareil entre nous. Notre amitié était devenue inconfortable et la dernière année au lycée, on se saluait à peine.

     

    Wilma ou Wilmer ?

    J’avais du mal à comprendre. Pourquoi était-ce si difficile pour moi de trouver quelqu’un, alors que ça paraissait si facile pour les autres ? Je savais que je n’étais pas belle comme les nanas dans Vecko-Revyn, et que mon menton n’était pas terrible, mais beaucoup de mes copains étaient plus laids que moi, et ils avaient plus de boutons. Ils se trouvaient des copines quand même, ou alors c’était juste ce qu’ils disaient pour frimer.

      

    Je ne pouvais pas en parler avec papa, il faisait hum et se raclait la gorge et il se fâchait presque contre moi quand le féminin prenait le dessus, comme quand j’ai eu mes premières règles. J’ai fait toute ma scolarité sans que personne ne m’ait jamais embrassée, mais j’étais admise aussi bien dans les bandes des garçons que dans celles des filles. Je les récompensais en étant joyeuse et en plaisantant tout le temps, je supportais tout, surveillais les sacs des filles et faisais le guet quand les garçons chapardaient. Je me sentais utile, ils avaient besoin de moi. » (p.124-126)

       

    (Ma vie de pingouin de Katarina MAZETTI)

     

     

     

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