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Non assistance
« Il fut harcelé par certains, poursuivi jusqu'à la cantine. M'étonnant devant deux professeurs que l'équipe agisse comme si elle ne voyait rien de ce qu'il vivait, l'un d'eux me dit : « Nous ne pouvons pas faire du social toute la journée. » Et mon fils fut placé, quelques jours plus tard, à côté de l'un de ses harceleurs par son professeur principal, monsieur Toscan.
Ce n'était pas une première, il avait déjà fait l'objet plus tôt dans l'année de ce type de traitement, placé tantôt à côté du cancre de la classe, sur la sellette depuis le premier conseil de classe pour des avertissements répétés de comportements, tantôt à côté d'un maître des insultes. Sur trente élèves, tous ceux qui partageaient le bureau du zébrillon étaient des bourreaux, jamais des élèves paisibles. Et à chaque fois qu'il demandait à changer ce plan de classe, expliquant les tensions et l'impossibilité pour lui de se concentrer dans ces conditions, monsieur Toscan balayait sa requête par des « on ne va pas tout modifier pour toi, ne fais pas le bébé, tu feras avec ». Lorsqu'il avait fait valoir qu'il voyait très mal à l'avant-dernier rang, portant des lunettes, le professeur avait renvoyé le duo (formé par Elijah et son camarade de table) au dernier rang ! Plus nous voulions signaler les anomalies, plus l'équipe s'échinait à aller dans le sens opposé, comme si l'objectif était de me dire : « On fera ce que l'on voudra, Madame, avec votre enfant. »
Les brimades ont continué. Puis le dernier conseil de classe s'annonçant, le professeur principal, monsieur Toscan, a demandé à me rencontrer. Je me rendis donc à cet entretien en pensant qu'il souhaitait peut-être faire son mea culpa pour cette année rocambolesque et l'attitude peu compréhensible de la quasi-totalité des enseignants (ma naïveté me perdra...). Que nenni ! L'objectif de cette rencontre était tout autre : atterrant et surprenant à la fois. Il me demanda avec impudence si nous avions envisagé un redoublement pour Elijah, qui lui serait bénéfique socialement, selon lui, car il ne voulait que son bien, me dit-il. Cela me donna l'impression dérangeante et écœurante que l'on se foutait allègrement de nous. » (p.117-118)
« Au magnétisme des jeux s'est rapidement ajouté celui de ses YouTubers/gamers fétiches, comme il me l'expliquait un jour où je voulais savoir ce qui le captivait tant dans ces séquences :
- Le collège, c'est l'enfer. On m'a frappé et insulté, on se moque de moi dans les couloirs, dans la cour ou au gymnase, on rigole tous les jours dans mon dos à la cantine, quand on ne crache pas sur mon plateau. Et les profs n'arrivent pas à faire stopper ça. Les jeux et l'informatique sont le seul endroit où je ne crains pas d'être agressé ou jugé par les autres, les vidéos que j'aime me donnent l'impression d'avoir des amis qui me parlent de leur vie. C'est mon seul moment de répit ! » (p.130)
(Les Tribulations d’un Petit Zèbre d’Alexandra REYNAUD)
Tags : harcèlement scolaire, déni, marginalité, complicité, souffrance
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