• Lettre d'adieu

     

    « - Ben m'a demandé de vous lire une lettre... sa dernière lettre.

     

    Une onde de choc silencieuse traversa l'auditoire. Personne n'était au courant de cette lettre d'adieu.

     

    - C'est, c'est... une sorte de poème, bafouilla Coppola,... nous savons tous à quel point Ben aimait les rimes...

     

     

     

    Au moins dans une guerre

     

    Il y a un ennemi

     

    Pour justifier devant une mère

     

    La perte d'une vie

     

     

     

    Mort de moi

     

    Et par peur de l'autre

     

    Qui dans mon malheur se vautre

     

    Sans foi ni loi

     

     

     

    Si différent de mes semblables

     

    Innocents ou coupables

     

    Ils donnent la vie ou la prennent

     

    Moi je sors de l'arène

     

     

     

    Il paraît qu'au moment de trépasser

     

    Le mourant voit sa vie défiler

     

    Dans mon cas, cela avait autant d'intérêt

     

    Que regarder de l'herbe pousser

     

    Voici toutefois un ou deux extraits

     

    Qui ne manqueront pas de vous intéresser

     

    Lettre d'adieu

     

     

     

    A ce moment, Coppola regarda en l'air, non sans une certaine hésitation. Quelqu'un appuya sur un vidéoprojecteur. Un faisceau lumineux pourfendit la salle comme le canon laser dans Lethal Assault et s'immobilisa face à l'écran qui se trouvait au-dessus du calice contenant les cendres. La mise en scène était parfaite. Tout se passait exactement comme prévu. Parmi les personnes présentes, il y eut un moment de doute auquel les images mirent rapidement fin.

     

    L'assemblée aperçut une salle de classe sur l'écran : c'était la classe de Ben. Deux garçons tiraient sur le pantalon de celui-ci tandis que tout le monde rigolait. La caméra fit alors un gros plan sur Ben. On pouvait lire la peur dans ses yeux. L'humiliation sur ses lèvres.

     

    (…)

     

    Coppola contemplait son œuvre avec satisfaction. C'était sans nul doute la première fois qu'un de ses films touchait un public aussi large. Vu les circonstances, il trouvait que ce n'était pas si mal filmé que ça. Même le son était de qualité acceptable. On entendait tout :

     

    «  - Dis, c'est vrai que les Martiens ont deux zobs ?

     

    - You want fuckie, fuckie, le Martien ? Ou you want suckie suckie ? »

     

    Les deux principaux intéressés se retrouvèrent tout à coup confrontés à leur image. Ils devinrent livides sous le feu des regards qui se tournèrent un à un dans leur direction. C'était comme une avalanche de reproches.

     

    Coppola se souvenait parfaitement de la scène. Il avait épargné à son drôle de camarade l'image avec le pantalon baissé. Dès que c'était devenu embarrassant, Coppola avait tourné sa caméra vers les spectateurs. Eux qui riaient. Eux qui chahutaient. Eux qui détournaient le regard parce qu'ils étaient gênés. Eux qui auraient voulu mettre fin à ce terrible spectacle mais qui ne disaient rien, ne faisaient rien. Eux qui étaient maintenant frappés par la main de Dieu.

     

    (…)

     

    Les dernières images défilèrent au ralenti et en boucle. Coppola brisa le silence :

     

    - C'est la dernière chose que Ben a écrite :

     

     

     

    Si jamais je ne parle

     

    Aujourd'hui mon silence hurle

     

     

     

    Tendez l'oreille

     

    Et entendez

     

    Ma blessure se réveille

     

    Écoutez :

     

     

     

    Nul besoin de pleurer pour souffrir

     

    Ni de parler pour avoir quelque chose à dire. » (p.104-107)

     

     

     

    (BenX de Nic BALTHAZAR)

     

     

     

     

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