• Le sagouin

    "C’est ce que sa mère lui répète chaque jour : tu es vilain, sale et bête, un sagouin. Et qu’était-il encore ? qu’avait dit sa mère tout à l’heure ; ce mot qui avait été comme une pierre que papa eût reçue dans la poitrine. Il chercha et ne trouva que : régénéré. C’était un mot qui ressemblait à : régénéré."

    Le sagouin

    "M.Bordas ne veut plus s’occuper de lui. Il n’entrera plus jamais dans la chambre de Jean-Pierre. Jean-Pierre. Jean-Pierre Bordas. C’est drôle d’aimer un garçon qu’on n’a jamais vu, qu’on ne connaîtra jamais. « Et s’il m’avait vu, il m’aurait trouvé vilain, sale et bête. » C’est ce que sa mère lui répète chaque jour : « Tu es vilain, sale et bête. » Jean-Pierre Bordas ne saurait jamais que Guillaume de Cernès était vilain, sale et bête : un sagouin. »"

     

    "Galéas dévorait des yeux ce petit être trottinant, cette musaraigne blessée, échappée d'un piège et qui saignait ; son fils, pareil à lui, avec toute cette vie à vivre, et qui pourtant souffrait déjà, depuis des années. Mais la torture commençait à peine. Les bourreaux se renouvelleraient : ceux de l'enfance ne sont pas ceux de l'adolescence. Et il y en aurait d'autres encore pour l'âge mûr. Saurait-il s'engourdir, s'abrutir ? Aurait-il à se défendre, à tous les instants de sa vie, contre la femme, contre cette femme toujours là, contre cette figure de Gorgone salie de bile ?" (p.129)

    "Guillou... l’esprit qui couvait dans cette chair souffreteuse, ah ! que c’eût été merveilleux de l’aider à jaillir ! Peut-être était-ce pour ce travail que Robert Bordas était venu en ce monde. A l’Ecole Normale, un de leurs maîtres leur apprenait les étymologies : instituteur de institutor, celui qui établit, celui qui instruit, celui qui institue l’humanité dans l’homme ; quel beau mot ! D'autres Guillou se trouveraient sur sa route peut être. A cause l'enfant qu'il avait laissé mourir il ne refuserait rien de lui même, à ceux qui viendraient vers lui. Mais aucun d'eu ne serait ce petit garçon que monsieur Bordas avait recueilli un soir, et puis l'avait rejeté comme ces chiots perdus que nous ne réchauffons qu'un instant. Il l'avait rendu aux ténèbres qui le garderait à jamais." (p139)

    (Le sagouin de François Mauriac)

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