• La politique de l'identité

     « Les femmes, la communauté LGBTQI, les minorités ethniques et religieuses et les handicapés livrent bataille depuis des décennies pour être représentés comme ils le méritent dans l'éducation, l'art et les médias. Ils ont dû se mobiliser parce que la « culture mainstream » ne brossait pas d'eux un portrait juste et propageait des caricatures entretenues par un petit nombre. Ces débats autour de l'exclusion culturelle s'orientent de plus en plus souvent vers d'autres territoires : l'identité, la perception de notre propre personne et la relation que nous entretenons avec notre propre culture sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi certains peuvent se sentir relégués au second plan. A l'instar de la pauvreté, l'interprétation de l'identité dans laquelle on se reconnaît diffère selon les individus. Deux personnes peuvent être strictement identiques en termes de racines, de nationalité, de religion, de genre et d'orientation sexuelle, et estimer ne pas avoir le moindre point commun ; elles trouveraient même insultant qu'on les compare. » (p.207-208)

      

    « Il n'est pas inhabituel que ceux qui se sentent ignorés par la culture grand public mettent les contre-vérités qu'elle propage sur le compte de l'ignorance ou du pouvoir de nuisance de la classe dominante. Les hommes, par exemple, les Blancs, les valides, les hétérosexuels, les Anglais ou les Américains. Chacun voyant midi à sa porte, cela ne surprendra personne que je défende la théorie selon laquelle les inégalités sociales restent la première ligne de fracture d'une société. C'est même une plaie ouverte. Qu'il s'agisse de placer sa confiance dans un médecin, d'être évalué par un enseignant, interrogé par un travailleur social ou un juge pour enfants, menotté par un policier et conseillé par un avocat avant d'entrer dans une salle de tribunal, la catégorie sociale, c'est le problème autour duquel tout le monde tourne sans oser s'y attaquer de front. » (p.208-209)

      

    « Le sujet sensible à gauche, c'est celui de l'  « identité politique ».

     On appelle ainsi un ensemble de théories importées des États-Unis qui portent en réalité plusieurs noms. Par exemple, l'  « intersectionnalité » étudie l'influence que les discriminations (fondées sur le genre, l'appartenance ethnique, l'orientation sexuelle, la religion ou le handicap, entre autres facteurs) ont sur les individus et les groupes sociaux ; c'est l'une des branches de la « justice sociale ». La justice sociale devait initialement enrichir la traditionnelle analyse de classe en faisant tomber certains murs idéologiques et en reflétant la diversité à l'oeuvre au sein de la société moderne. Au fil du temps, elle a remplacé la dialectique marxiste, jugée trop limitée et trop rigide . » (p.255-256)

     

    La politique de l'identité

     

    « Ceux qui croient que la politique de l'identité est la garantie de débats respectueux choisissent de fermer les yeux sur ses aspects les moins glorieux. Ses partisans ont tendance à mettre toute critique sur le dos d'hommes blancs misogynes, « en rogne » et hargneux, qui ne supportent pas de voir leurs prérogatives rognées. La voix de ces militants couvre celle des femmes, des gens de couleur, des personnes queer, gays et transsexuelles à qui l'intersectionnalité est censée donner la parole. Chacune de leurs interventions débute par un démontage en règle de leur interlocuteur, discréditant par avance les opinions contradictoires. Les généralisations sont élevées au rang d'art ; tous les maux de la société sont mis sur le dos des « mâles blancs hétéro », quelle que soit leur catégorie sociale, car ils incarnent le pouvoir et les privilèges. Si l'intersectionnalité était systématiquement appliquée, on obtiendrait un tableau plus complet des dynamiques à l'oeuvre dans notre société multiculturelle – y compris sur les discriminations, les idées préconçues et les violences au sein des minorités elles-mêmes. Les grands tabous, ou les sujets qui fâchent, ce sont le racisme au cœur de la communauté LGBT, l'homophobie parmi les Afroi-Américains, le débat autour de la transidentité dans les cercles féministes, la soumission des femmes dans les communautés musulmanes, la violence domestique chez les couples lesbiens et les mères qui négligent ou battent leurs enfants.

     

    Au lieu de dénoncer la situation privilégiée du mâle blanc, l'intersectionnalité devrait nous expliquer à quel titre des étudiants issus de familles aisées et inscrits dans des universités prestigieuses essayent de nous dicter notre façon de voir, s'approprient notre expérience et prétendent parler en notre nom tout en nous excluant du débat. Quand des contradictions ou des anomalies sont mises en évidence dans leur discours, ils se réfugient derrière le mépris et la diffamation pour étouffer toute critique. » (p.259-260)

     

    « L'intersectionnalité, dans sa forme actuelle, ne met pas en péril les privilèges ; au contraire, elle contribue au fractionnement de la société, elle crée des factions politiques rivales et affaiblit ce que redoutent vraiment les puissants : une classe ouvrière structurée, éduquée et solidaire. » (p.263)

      

    (Fauchés. Vivre et mourir pauvre de Darren McGARVEY)

       

     

    « La liberté puissante d’être un garçon et non une proie« Bien trop habitués à pouvoir faire ce qu’ils voulaient avec nous » »
    Partager via GmailGoogle Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags : , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :