• « Cette femme, je te l'ai dit, je l'ai ramassée comme ça, à Sault un jour.

     

    Et c'est pas de la fine fleur, non, pas précisément, mais de la roulure d'un peu partout. Moi, pas vrai, j'étais pas difficile, dans mon métier et puis à mon âge, et puis, pour ce que je voulais en faire ! Enfin de toute façon, c'est comme ça. C'est des « Marie-couche-toi-là ».

     

    Et puis aussi, pour ce qui est des choses de la maison – ces femmes-là, d'ailleurs c'est toujours comme ça – elle vaut pas un pet de lapin. Tiens, moi j'aime la soupe de haricots secs avec quelques pommes de terre et des pommes d'amour, et un petit brin de basilic, et un petit rayon d'huile. C'est pas difficile. Elle l'a jamais réussie. C'est comme ça. C'est un peu chatte, tu sais ; ça se fourre au chaud dans les cendres de tout le monde, ça y roupille, mais pour le travail, ah oui, l'a toujours le temps.

     

    Et puis pour le sentiment, tiens, voilà encore une chose qu'on aime. ET ça coûte pas beaucoup les grands-mercis, et ça montre qu'on est bien élevé, et puis ça se doit. Eh bien, pour ces choses du sentiment, c'est du bois mort ou de la pierre. Tu peux te mettre à lui donner tout ce qu'elle veut, lui faire de bonnes manières, lui porter ci, lui porter ça, lui aplanir la vie du jour. Rien : comme du bois ; ça a pas plus de reconnaissance que la borne des routes.

     

    Tiens, j'ai eu un chien, moi, j'en avais plus de satisfaction. » (p.162-163)

     

     

    Ces femmes-là

     

     

    « D'abord, si elle est si mauvaise que ça, tu dois être bien content d'être débarrassé.

    - Oui, mais c'était ma femme, et je l'ai nourrie pendant deux ans. (...) 

    - Tu l'as nourrie ? Pendant deux ans ! C'est possible. Et toi, collègue, tu as un peu pensé que, comme ça, elle t'avait donné deux ans de sa vie à elle ?

    - Deux ans et, durant ces deux ans-là, tu as un peu pensé qu'elle se figurait sa vie finie et le reste des jours pareils à ceux qu'elle vivait avec toi ? (…) ça devait pas donner beaucoup de rire d'être avec toi.» (p.165-166)

     

     

     

    (Regain de Jean Giono)

     

     

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    En marge

     

    « Pour la première fois de ma vie, j'ai compris ce que c'était d'être "en marge", c'est-à-dire soit invisible, soit suspecte. Comme les SDF, les Roms, les travailleurs clandestins, les migrants... » (p.244)

     

     

     

    (Macha ou l'évasion de Jérôme Leroy)

     

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    « Depuis le retour de l'hôpital, Julien vit près de la fenêtre, comme une araignée de jardin entoilée dans un troisième étage.

     

    Sa chaise est un mirador.

     

    Grâce à une canne à bec et des poignées scellées dans le ciment des mures, Julien atteint les limites de son territoire : l'évier, l'armoire aux livres, le réfrigérateur, la chaîne hi-fi, le pot de chambre, parfois le lit divan quand la jambe porteuse résiste, un court instant, en dépit des ecchymoses et d'une œdème bleu . » (p.12)

     

    L'horizon de Julien

     

     

     

    « La foule se fend devant la chaise qui roule.

     

    Des silhouettes glissent.

     

    Des gens s'arrêtent ou ralentissent, épient, observent, parfois s'agglutinent.

     

    Nul ne devine que l'horizon de Julien est une mouvance de ventres et de derrières, avec, à l'étage, des têtes vues d'en bas et, au sous-sol, des amalgames indisciplinés de jambes et de souliers. » (p.17)

     

     

     

    « En dépit des promesses qui se veulent rassurantes, elle a peur, peur que la chaise à roues de son fils ne devienne sa prison. Sa prison à vie. » (p.21)

     

     

     

    « « Ta chaise c'est ta seconde peau ? » Demande tout à coup Julien.

     

    Jean-Marie hume l'ananas de son verre.

     

    « Sans fauteuil, tu n'es qu'un caillou. Il faut faire avec. »

     

    Il s'interrompt, précise :

     

    « Il me faudra faire avec jusqu'au bout. »

     

    Mais déjà il enchaîne, retrouvant sa gaieté :

     

    « Là n'est pas l'important ! Ce qui compte, c'est de choisir un domaine dans lequel on se sente compétent, quelque chose qui attire les gens, les épate au point d'en oublier ta roulante. » (p.68)

     

     

     

    (Le cœur andalou de Pierre Coran)

     

     

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