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Par La Célestine le 27 Novembre 2017 à 11:09
Si ce n'est toi c'est donc ton frère
(d'après « Le loup et l'agneau, I 10 » de Jean de La Fontaine)
« Petit mouton noir et frisé
Qui voulait s'amuser
Par un soir un beau soir d'été
Marchait dans la cité
Petit mouton qui s'ennuyait
Donnait des coups de pieds
Dans une boite abandonnée,
Une boîte de cassoulet
Quel est son nom la belle affaire
Vous le connaissez bien
Si ce n'est lui c'était son frère
C'était quelqu'un des siens
Un loup qui fermait son café
Avec sa grosse clef
S'arrête en le voyant passer
Fallait plus rigoler
Ah c'est toi qui m'a réveillé
Ce dimanche dernier
Moi je vais t'apprendre à crier
Je vais te faire danser
Ne vous mettez pas en colère
Moi je n'y suis pour rien
Si ce n'est toi c'est donc ton frère
C'est donc quelqu'un des tiens
C'est sûrement toi qui a taggé
Les murs de mon café
Mais voyons vous me connaissez
Je ne sais pas dessiner
Ah ça tu me prends pour un dingue
Moi je vais te casser
Le loup s'emporte et puis le flingue
Et sans autre procès
Ou s'il ne l'a pas fait
le fera tout à l'heure
La raison du plus fort
est toujours la meilleure
Il y a trop longtemps qu'on le sait
Car après lui ce sera son frère
Ce sera quelqu'un des siens"
Anne SYLVESTRE chante... au bord de La Fontaine (1997)
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Par La Célestine le 15 Novembre 2017 à 17:56
« J'ai été dans tellement d'hôpitaux, j'en ai vus des
horreurs :
un gamin au visage à moitié fondu,
une femme au nez arraché, aux oreilles
pendantes
comme des tranches de bacon
C'est ça que les gens appellent moche.
Pas moi.
J'ai appris à être moins cruelle que ça.
Mais je sais ce que Tippi veut dire.
Les gens nous trouvent grotesques,
surtout de loin,
quand ils nous voient comme un seul être,
ces deux corps distincts
qui se confondent,
tout à coup
à la taille.
Mais si on nous prenait en photo, juste tête et épaules,
à partir de ces portraits,
la seule chose que les gens remarqueraient, ce serait
qu'on est
jumelles,
l'une - moi - les cheveux mi-longs,
l'autre - Tippi - un peu courts,
le nez retroussé toutes les deux,
sourcils exactement circonflexes.
C'est vrai qu'on est différentes.
Mais moches ?
Allez.
Me faites pas rigoler. »(p.48)
(Inséparables de Sarah CROSSAN)
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Par La Célestine le 28 Octobre 2017 à 16:06
L'histoire de Jeanne-Marie
"Certains de vous se la rappellent
Elle ne tranchait pas beaucoup
Au milieu des plus ou moins belles
Ne l'étant presque pas du tout
Sa laideur lui fut une chance
Lui laissa le temps d'exister
Quand poussa son intelligence
Elle était prête à récolter
Refrain
On a pu dire on a pu croire
De médisance en calomnie
On n'a pas oublié l'histoire
L'histoire de Jeanne-Marie
Sa sûreté de bonne élève
Lui valut des inimitiés
Elle économisait ses rêves
Elle les mettait de côté
Elle fauchait les excellences
Comme le paysan son blé
Mettant en grange sa science
Pour la faire un jour prospérer
De tout ce qu'on enseigne aux filles
Elle s'acquittait pour le mieux
Montrant pour les travaux d'aiguille
Un don presque miraculeux
Son linge était d'un blanc d'hermine
Repassé comme par magie
Que dire enfin de sa cuisine
Ça frisait la sorcellerie
Quand on eut pesé ses mérites
On pensa les vieilles surtout
Qu'il était grand temps qu'elle abrite
Quelques marmots dans ses dessous
Que tant de vertus ménagères
Devaient pas être à l'abandon
Et qu'elle oublierait ses chimères
Dans le lit d'un brave garçon
Tranquillement elle fit face
Et refusa tous les partis
Dites-leur de ma part qu'ils fassent
Par une autre chauffer leur lit
Ils m'offrent un sentiment tiède
Contre le travail de mes bras
Dieu sait que si j'étais moins laide
J'aurais pas besoin de tout ça
Ça me plairait pas d'être pute
Pas plus qu'entrer en religion
Non que l'ouvrage me rebute
Mais il y fait une raison
Et dites-le bien à vos hommes
Qu'ils ne viennent jamais frapper
De n'appartenir à personne
M'empêchera pas d'exister
Je ne veux pas la charité
On pourra dire on pourra croire
De médisance en calomnie
Elle est pas terminée l'histoire
L'histoire de Jeanne-Marie »
Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1977)
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Par La Célestine le 24 Octobre 2017 à 15:17
« Après m'être fait passer pour « Corin » pendant quatre ans, je croyais que je ne me ferais jamais prendre. Personne ne va imaginer qu'un Gardien des Créatures puisse être une fille. » (p.11)
« Je refuse de devenir un objet de curiosité dans quelque grand manoir. Je sais que la petite noblesse collectionne les Gardiens des Créatures pour les exhiber comme des tabatières en pierres précieuses. Mais une simple pièce de musée n'a aucun pouvoir, et sans pouvoir... eh bien, même au milieu de Cliffsend et de ses rochers, il y a toujours des corvées ménagères ; et des doses quotidiennes d'humiliation, on en trouve n'importe où ! » (p.14)
« J'ai écrit plusieurs fois que j'appartenais au froid et à l'obscurité et à l'humidité. C'est à la fois vrai et faux. En réalité, j'appartiens à l'obscurité et à l'humidité de la mer. Avant, j'étais une fille qui est devenue un garçon qui est devenu un Gardien des Créatures. Maintenant, je suis de nouveau une fille, qui cherche le moyen de devenir une DemoisellePhoque. » (p.152)
« La peau de phoque était béante sur mes hanches aux os pointus comme des couteaux. « Hier encore, tu étais convaincue que ta vraie vie, c'était d'être Gardien des Créatures », avait dit Finian. Était-ce vraiment ce que je voulais, après tout ?
J'ai tiré la peau. Quel soulagement en constatant que j'arrivais à l'ôter sans difficulté. Aurais-je dû la laisser s'emparer de moi ? Comme Finian l'avait dit, il n'était pas forcément obligatoire de choisir entre elle et lui. Je pouvais toujours revenir. » (p.212)
« Si je devenais une DemoisellePhoque, je resterais une DemoisellePhoque. La peau n'était plus une porte entre terre et eau que j'aurais pu passer dans les deux sens. » (p.214)
« Je n'avais pas besoin de devenir une DemoisellePhoque pour vivre avec la mer. J'en faisais déjà partie, et le plus beau, c'est que je n'avais pas perdu un seul de mes mots.
Ma mère était devenue folle quand sa peau de phoque avait été détruite. Elle avait définitivement tourné le dos à la mer. Elle n'avait jamais dû connaître ses pouvoirs, ni savoir que la mer lui était restée ouverte. Mais moi, je ne vais pas devenir folle ; je ferai de la mer ma deuxième maison. C'est en cela que nous sommes différentes. » (p.215)
(Le gardien des créatures de Franny BILLINGSLEY)
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Par La Célestine le 18 Octobre 2017 à 19:16
« On l'a dit à la grand-mère
Qui l'a dit à son voisin
Le voisin à la bouchère
La bouchère à son gamin
Son gamin qui tête folle
N'a rien eu de plus urgent
Que de le dire à l'école
A son voisin Pierre-Jean
Clémence Clémence
A pris des vacances
Clémence ne fait plus rien
Clémence Clémence
Est comme en enfance
Clémence va bien
Ça sembla d'abord étrange
On s'interrogea un peu
Sur ce qui parfois dérange
La raison de certains vieux
Si quelque mauvaise chute
Avait pu l'handicaper
Ou encore une dispute
Avec ce brave Honoré
Clémence Clémence...
Puis on apprit par son gendre
Qu'il ne s'était rien passé
Mais simplement qu'à l'entendre
Elle en avait fait assez
Bien qu'ayant toutes ses jambes
Elle reste en son fauteuil
Un peu de malice flambe
Parfois au bord de son œil
Clémence Clémence...
Honoré c'est bien dommage
Doit tout faire à la maison
La cuisine et le ménage
Le linge et les commissions
Quand il essaie de lui dire
De coudre un bouton perdu
Elle répond dans un sourire
Va j'ai bien assez cousu
Clémence Clémence ...
C'est la maîtresse d'école
Qui l'a dit au pharmacien
Clémence est devenue folle
Paraît qu'elle ne fait plus rien
Mais selon l'apothicaire
Dans l'histoire le plus fort
N'est pas qu'elle ne veuille rien faire
Mais n'en ait aucun remords
Clémence Clémence ...
Je suis de bon voisinage
On me salue couramment
Loin de moi l'idée peu sage
D'inquiéter les brave gens
Mais les grand-mères commencent
De rire et parler tout bas
La maladie de Clémence
Pourrait bien s'étendre là
Toutes les Clémence
Prendraient des vacances
Elles ne feraient plus rien
Toutes les Clémence
Comme en enfance
Toutes les Clémence
Prendraient des vacances
Elles ne feraient plus rien
Toutes les Clémence
Comme en enfance
Se reposeraient enfin
Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1977)
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Par La Célestine le 16 Octobre 2017 à 19:13
« Pédé. La pire insulte dans la cour de récréation, même s'il ne sait pas exactement ce que cela recouvre – deux hommes ensemble, mais qui font quoi ? Qui s'embrassent ? Qui s'aiment ? Qui s'aiment comment ?
Un jour, Tom et lui ont vu dans la rue un homme en pantalon de cuir et débardeur qui parlait fort dans son téléphone portable en faisant de grands gestes avec ses mains. Tom lui a glissé à l'oreille que c'était un pédé et ils ont gloussé tous les deux. Ils se sont même amusés à l'imiter, mais longtemps après, parce qu'ils ne savaient pas trop si c'était bien de faire ça.
Son père n'avait rien à voir avec cet homme-là. D'abord, il ne s'habillait pas comme ça. Gilles portait toujours des costumes, et le week-end, quand il ne travaillait pas, il mettait un jean et un tee-shirt. Pourquoi son grand-père avait-il dit ce mot-là, alors ? »(p.64-65)
« C'est fini, l'époque des petites classes où ils se disputaient dans la cour de récréation à coups de « Mon père il est plus fort que le tien, il a une plus grosse voiture, il gagne plus d'argent ! »
Au collège, ce qui compte, c'est qui on est, indépendamment de ses parents. On s'y fait respecter par ses seules qualités, ses seules prouesses, et on ricane dans le dos de ceux qui continuent de mettre en avant leur père ou leur mère. » (p.134)
« - En fait, ce qui m'embête, c'est que... les autres ne se posent pas de question, vous comprenez. C'est facile pour eux. Ils savent.
- Ils savent quoi, Théo ?
- Que c'est avec des filles qu'ils ont envie de sortir, évidemment !
- Et toi, tu ne sais pas ?
Théo s'était contracté, les mains crispées sur le rebord de la table.
« Non... Enfin, si. Je ne sais pas ! Comme mon père vit avec un homme maintenant et qu'avant il vivait avec ma mère, comment voulez-vous que je sache si je dois sortir avec une fille ou avec un garçon ? »
François s'était approché de Théo et l'avait pris par les épaules.
« Ce que j'entends dans ce que tu dis, Théo, c'est que tu n'as pas encore rencontré la personne qui te convient. Celle qui te fera dire : c'est elle et pas une autre. Celle qui te semblera une évidence. » (p.156-157)
« - Comment on peut en être sûr ? Regardez mon père. Il aimait ma mère, avant, et aujourd'hui, c'est un homme qu'il aime.
- C'est vrai, mais s'il vous a imposé, à vous comme à lui, autant de souffrance, c'était sans doute pour ne plus se mentir à lui-même. »
Théo était demeuré songeur, plongé dans les souvenirs de la séparation.
« Vous croyez qu'il y a des hommes qui sont homosexuels mais qui ne s'en rendent jamais compte ?
- Bien sûr qu'ils s'en rendent compte, mais ils préfèrent le nier, ne pas savoir. Pour toutes sortes de raisons. La pression sociale, le qu'en dira-t-on, bref, le regard des gens « normaux ». Cela dit, c'est en train de changer. » (p.157-158)
« Il n'y a pas de fatalité, Théo. Ce n'est pas parce que son père ou son frère est homosexuel qu'on l'est soi-même. L'attirance que l'on éprouve pour un être, lorsqu'elle est sincère, n'est pas dictée par la morale, la société, la mode ou que sais-je encore. Elle ne répond qu'à la loi du cœur. Alors, écoute ton cœur, Théo, c'est la meilleure chose que tu as à faire, car c'est lui qui te donnera la réponse à ta question. » (p.160)
(Ne le dis à personne de Josette CHICHEPORTICHE)
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Par La Célestine le 8 Octobre 2017 à 15:13
« Ils croient posséder et ils n'ont rien. Ils détruisent la Terre, oublient leurs enfants, oublient qu'un jour tout sera pourri par les fumées, les engrais, les gaz, les voitures, leurs centrales nucléaires, leurs déchets qu'ils cachent. Ils brisent, cassent, brûlent, sans savoir qu'ils scient la branche sur laquelle nous sommes tous assis.
Nous n'avons rien, rien d'autre que notre fois, notre savoir, nos corps et nos esprits. Nos vies ensemble sont liées à jamais, depuis toujours. La Terre a donné à chacun de nos pas des pans de la sagesse qui manque aux gadjé. Ils ne bougent pas, restent attachés à des bouts de Terre, jusqu'à croire que la propriété est un acte. Ils sont fous de leurs biens.
Nous avons collecté ces morceaux de l'humanité et nous devons les transporter toujours plus loin pour continuer à faire tourner la Terre. Ils ne savent pas que la Terre tourne parce que la marche de notre peuple la fait tourner. Nous, Gitans, Roms, Tsiganes, nous et aussi les nomades des déserts, les nomades de toutes races, de toute la Terre, nous donnons son mouvement circulaire au globe, par la force de nos pas.
Nos pas font rouler la Terre sur elle-même, nos pas font marcher leur monde à eux aussi.
Et ça non plus, ils ne le savent pas. Ils nous pensent inutiles, voleurs et fragiles ; nous sommes forts et nécessaires à leur survie.
Peut-être nous sommes-nous arrêtés depuis trop longtemps maintenant ? Peut-être est-ce pour cela que la Terre ne tourne plus rond ? » (p.26-27)
« Partir pour où ? Partir comment ?
L'appartement HLM, il n'en veut pas. Là, il est sûr de lui. Pas question de laisser le campement se défaire en appartements. Ils ne sont pas faits pour cette vie-là. La tribu doit se tenir. La tribu est une coquille qui protège l'oeuf qu'elle a en son centre. Sans coquille, l'oeuf s'étale, se dilue, se perd dans l'immensité et ne peut plus jamais donner naissance à rien ni personne. » (p.35-36)
« Où trouver des quittances ? Ils ne paient pas de facture EDF, c'est le bloc électrogène qui les fournit en lumière. Le certificat de naissance d'Aicha va être difficile à obtenir, elle est née en Roumanie. Et un garant... Qui voudrait se porter garant de Gitans ? Les frères ouvriers de l'usine de recyclage gagnent-ils assez pour être crédibles ? Tous ces papiers sont impossibles à trouver, certains n'existent même pas. Jaime commence à se demander si le maire ne s'est pas moqué d'eux. Si cette proposition d'appartement est vraiment sérieuse ou seulement une façade pour cacher un grand vide. » (p.46)
« Le lendemain, Jaime n'est pas étonné quand, à la mairie, il se confronte à un homme qui lui dit que tous ces papiers sont nécessaires. Que c'est la règle. Qu'il ne sera pas possible d'obtenir d'appartement s'ils ne veulent pas se soumettre à la loi du pays. Que c'est un effort que fait la mairie. Qu'ils doivent comprendre que cela ne les dispense pas de se comporter comme tout Français aurait à le faire. Que c'est toujours la même chose avec les gens du voyage, les étrangers, toujours la même chose.
Jaime reconnaît les mots fermés de ceux qui ne les acceptent pas, de ceux qui derrière leur discours cachent la haine qu'ils ont pour son peuple. Il en a rencontré beaucoup déjà. Il n'en a pas peur, il les méprise. » (p.47)
« Après, je ne sais rien de l'avenir. Ce n'est pas un temps qui nous préoccupe, nous les Roms. Le présent donne fort à faire déjà. » (p.72)
(Alors, partir ? de Julia BILLET)
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Par La Célestine le 4 Octobre 2017 à 19:11
« L'idée que c'était un comportement anormal m'a très tôt frappée, vers le CE2 ou le CM1. (Tu le sais quand on parle de toi dans ton dos, non?) Mais je m'en fichais. Ça me passait au-dessus. Soyons anormaux ! C'était mon credo. Jusqu'à ce que je déchante.
En quatrième, j'ai intégré l'équipe de street-hockey des Ashland Blackhawks. La ligue était organisée par un tas de gamins, bas du casque pour la plupart, qui cherchaient simplement une bonne raison de filer des coups à droite et à gauche. J'étais la seule fille (comme toujours, ainsi soit-il), alors on ne me frappait que rarement.
Le capitaine de l'équipe, qui faisait aussi office d'arbitre de ligue, était un punk d'une quinzaine d'années, appelé Bubba Shapiro. (…)
Un jour, un gars du nom de Chris York a raté l'entraînement, et Bubba a fait une annonce : « Bon, les gars, Chris a fait son coming out à l'école aujourd'hui, alors il va falloir continuer sans lui. »
J'ai levé la main pour demander : « Coming quoi ? »
Les bas du casque ont tous rigolé.
J'ai encore levé la main.
« Pardon, mais... quel est le rapport avec le hockey ? »
Bubba a levé les yeux au ciel avant de m'expliquer que les gays n'aimaient pas le sport.
Pour info, moi non plus je n'ai jamais vraiment aimé le sport. Je m'étais inscrite dans l'équipe parce que Papa avait dit que j'aurais besoin d'activités extrascolaires sur mon CV pour entrer à l'université. (…)
Cette association entre sport et identité sexuelle n'a cessé de me tarauder, jusqu'au soir où, tandis que Maman était en train de se maquiller, je lui ai demandé comment savoir si j'étais gay.
- Dis-moi, a-t-elle murmuré en terminant d'appliquer son mascara. Qu'est-ce que tu ressens quand tu vois Jack Dawson ?
J'ai rougi en souriant. Je suis sûre que mes yeux se sont mis à scintiller de manière inexplicable. ( …) Comme Titanic était interdit aux moins de treize ans, j'avais dû attendre jusqu'à (…) mon treizième anniversaire, à partir duquel Maman et moi l'avions regardé exclusivement à deux et en boucle. Nous l'avions vu vingt-neuf fois (exactement, pas approximativement). L'histoire et les effets spéciaux étaient certes de véritables prouesses, mais notre raison d'adorer ce film n'était pas un secret. Léo DiCaprio, qui incarnait le merveilleux Jack Dawson, était tout simplement trop craquant. (...)
Avec un grand sourire, Maman s'est tournée vers sa coiffeuse. Elle a saisi le tube noir avec l'anneau argenté brillant au milieu – c'était son rouge à lèvres préféré, celui qu'elle portait pour les occasions spéciales.
- Viens pas ici, Mary. Que je te montre deux, trois petits trucs.
Durant les vingt minutes qui ont suivi, j'ai eu droit à ma première et dernière séance de maquillage. Je n'ai aucune objection morale contre le maquillage, tu vois, mais c'est juste que... je me connais. Et le maquillage, ce n'est pas moi. Si on ajoute ça à mon comportement légèrement à cran, agressif et intraitable, je crois que j'aurais fait une lesbienne plutôt correcte. Sans vouloir cataloguer une portion de la population, évidemment. Je suis sûrs qu'il y a des tas de lesbiennes romantiques dans le monde qui engloutissent des bassines de crème glacée et qui sanglotent à la fin des comédies romantiques du début des années quatre-vingt-dix. Mais pour en revenir à moi, dans cette vieille voiture, je suis madame Winslet avec Léo, pas l'inverse. Ça a l'air bête, dit comme ça, mais je crois que comprendre qui on est – et qui on n'est pas – est la chose la plus importante de toutes les choses importantes. » (p.75-76)
(Mosquitoland de David ARNOLD)
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Par La Célestine le 28 Septembre 2017 à 19:00
A propos de Mae JEMISON :
« A la même époque, elle tombe dans le vortex des comics et de la science-fiction.
- Je dirais que je suis moitié Catwoman moitié Spock. -
Mais dans les romans qu'elle lit, les personnages intéressants ne sont jamais ni des filles ni des noirs. - Alors des filles noires, imaginez... -
A table, chez elle, ça parle de politique, de droits civiques, de Stokely Carmichael et de Malcolm X.
- Ne dis plus que tu es « de couleur », Mae. Tu es NOIRE. -
Sa mère lui apprend qu'elles sont belles comme elles sont et qu'elles porteront désormais avec fierté leurs cheveux naturels.
Mais son père lui apprend aussi qu'elle a un devoir d'excellence.
- En tant que fille noire, tu vas devoir être deux fois meilleur qu'un homme blanc pour arriver où tu veux. » (p.147)
(Culottées de Pénélope BAGIEU)
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Par La Célestine le 26 Septembre 2017 à 19:04
« Déjà une semaine qu'on faisait ça. Nous préparer tous les soirs. Nous asseoir aux terrasses des cafés, pour finalement rentrer bredouilles au camping avant minuit trente. Deux pauvres cendrillons de pacotille, incapables de se faire inviter à une soirée amusante. Incapables de taper dans l'oeil des beaux garçons. Voilà ce que nous étions, seules et un peu dégoûtées. Un peu cruches aussi, je m'en rends compte maintenant, à nous gâcher les soirées. On aurait mieux fait de rigoler toutes les deux, de jouer aux cartes, aux fléchettes, de nous balader sur la plage. Au lieu de ça, nous nous mettions en vitrine comme deux tartes aux fraises, attendant d'être croquées. » (p.9)
"Au lycée, Maman a dit que j'étais absente pour un petit examen médical. Un mot d'excuse. Un mensonge entendu. Ces choses-là ne se racontent pas. Elles font honte. Ma mère a honte, je le sens. Elle a ce petit sourire de travers qui fait semblant de pardonner. Moi, je ne veux pas qu'on me pardonne. Je veux qu'on accepte. Je veux qu'on dise que l'amour fait perdre la tête et que les cours d'éducation sexuelle devraient être accompagnés d'autre chose que d'un kit de prévention des risques. Capote-pilule-MST. Tu parles d'un triptyque ! C'est comme ça qu'on nous parle de la première fois. Rien sur les frissons, les émotions, rien sur la force des désirs. C'est comme si un marin se préparait au tour du monde sans tenir compte de la puissance du vent. Moi, j'ai glissé dans une tornade et personne ne m'avait prévenue d'un tel cataclysme. » (p.19)
« Le désir amoureux, comme la mer, n'était pas sans danger. Fascinant, hypnotique, rassurant vu de loin, mais parfois, comme la mer, il prenait des vies, brisait des corps et ravivait des manques. » (p.35-36)
« - Tu sais déjà ce que tu veux faire plus tard, Pia ? M'a demandé l'amie de ma mère.
J'ai eu envie de la mordre. De lui gueuler que je ne voulais pas être enceinte à quinze ans et faire des études longues, très longues. Parce que j'étais une bonne élève, parce que j'aimais étudier, parce que je n'avais pas envie de devenir mère à un âge où on ne veut surtout pas ressembler à la sienne. J'avais envie de lui hurler ma peur de l'avenir. Ce terrible avenir qui se cachait peut-être sous mon pull, tout cela parce que j'avais eu envie de faire l'amour avec un garçon et que je l'avais fait. » (p.60)
« Je ne suis pas une jeune fille rangée. J'ai grandi plus vite que prévu. Je suis tombée enceinte par accident et j'ai décidé d'avorter, parce que je ne veux pas être mère. Pas maintenant. Pas comme ça. C'est un choix, un droit, c'est la moindre des choses et pourtant ce n'est pas une moindre chose. Je hais ceux qui osent penser que les femmes font cela à la légère. Je n'oublierai jamais ce jour, je le sais. Je sais aussi que désormais, j'ai un corps. Un corps avec ses désirs, ses fougues, ses blessures, ses secrets. Un corps qui m'appartient. » (p.93)
(Trop tôt de Jo WITEK)
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