•  

    Si ce n'est toi c'est donc ton frère

     

    (d'après « Le loup et l'agneau, I 10 » de Jean de La Fontaine)

     

     

    Si ce n'est toi c'est donc ton frère

     

     

    « Petit mouton noir et frisé

     

    Qui voulait s'amuser

     

    Par un soir un beau soir d'été

     

    Marchait dans la cité

     

    Petit mouton qui s'ennuyait

     

    Donnait des coups de pieds

     

    Dans une boite abandonnée,

     

    Une boîte de cassoulet

     

     

     

    Quel est son nom la belle affaire

     

    Vous le connaissez bien

     

    Si ce n'est lui c'était son frère

     

    C'était quelqu'un des siens

     

     

     

    Un loup qui fermait son café

     

    Avec sa grosse clef

     

    S'arrête en le voyant passer

     

    Fallait plus rigoler

     

    Ah c'est toi qui m'a réveillé

     

    Ce dimanche dernier

     

    Moi je vais t'apprendre à crier

     

    Je vais te faire danser

     

     

     

    Ne vous mettez pas en colère

     

    Moi je n'y suis pour rien

     

    Si ce n'est toi c'est donc ton frère

     

    C'est donc quelqu'un des tiens

     

     

     

    C'est sûrement toi qui a taggé

     

    Les murs de mon café

     

    Mais voyons vous me connaissez

     

    Je ne sais pas dessiner

     

    Ah ça tu me prends pour un dingue

     

    Moi je vais te casser

     

    Le loup s'emporte et puis le flingue

     

    Et sans autre procès

     

     

     

    Ou s'il ne l'a pas fait

     

    le fera tout à l'heure

     

    La raison du plus fort

     

    est toujours la meilleure

     

    Il y a trop longtemps qu'on le sait

     

     

     

    Car après lui ce sera son frère

     

    Ce sera quelqu'un des siens"

     

     

     

    Anne SYLVESTRE chante... au bord de La Fontaine (1997)

     

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  •  

    « J'ai été dans tellement d'hôpitaux, j'en ai vus des

     

    horreurs :

     

    un gamin au visage à moitié fondu,

     

    une femme au nez arraché, aux oreilles

     

    pendantes

     

    comme des tranches de bacon

     

     

     

    C'est ça que les gens appellent moche.

     

     

     

    Pas moi.

     

     

     

    J'ai appris à être moins cruelle que ça.

     

     

     

    Mais je sais ce que Tippi veut dire.

     

     

     

    Les gens nous trouvent grotesques,

     

    surtout de loin,

     

    quand ils nous voient comme un seul être,

     

    ces deux corps distincts

     

    qui se confondent,

     

    tout à coup

     

    à la taille.

     

    Qu'est-ce que la mocheté ?

     

    Mais si on nous prenait en photo, juste tête et épaules,

     

    à partir de ces portraits,

     

    la seule chose que les gens remarqueraient, ce serait

     

    qu'on est

     

    jumelles,

     

    l'une - moi - les cheveux mi-longs,

     

    l'autre - Tippi - un peu courts,

     

    le nez retroussé toutes les deux,

     

    sourcils exactement circonflexes.

     

     

     

    C'est vrai qu'on est différentes.

     

     

     

    Mais moches ?

     

     

     

    Allez.

     

     

    Me faites pas rigoler. »(p.48)

     

     

     

    (Inséparables de Sarah CROSSAN)

     

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  •  

    L'histoire de Jeanne-Marie

     

     

     

    "Certains de vous se la rappellent

     

    Elle ne tranchait pas beaucoup

     

    Au milieu des plus ou moins belles

     

    Ne l'étant presque pas du tout

     

    Sa laideur lui fut une chance

     

    Lui laissa le temps d'exister

     

    Quand poussa son intelligence

     

    Elle était prête à récolter

     

     

     

    Refrain

     

    On a pu dire on a pu croire

     

    De médisance en calomnie

     

    On n'a pas oublié l'histoire

     

    L'histoire de Jeanne-Marie

     

     

     

    Sa sûreté de bonne élève

     

    Lui valut des inimitiés

     

    Elle économisait ses rêves

     

    Elle les mettait de côté

     

    Elle fauchait les excellences

     

    Comme le paysan son blé

     

    Mettant en grange sa science

     

    Pour la faire un jour prospérer

     

     

     

    De tout ce qu'on enseigne aux filles

     

    Elle s'acquittait pour le mieux

     

    Montrant pour les travaux d'aiguille

     

    Un don presque miraculeux

     

    Son linge était d'un blanc d'hermine

     

    Repassé comme par magie

     

    Que dire enfin de sa cuisine

     

    Ça frisait la sorcellerie

     

     

    Liberté d'être femme sans être épouse

     

    Quand on eut pesé ses mérites

     

    On pensa les vieilles surtout

     

    Qu'il était grand temps qu'elle abrite

     

    Quelques marmots dans ses dessous

     

    Que tant de vertus ménagères

     

    Devaient pas être à l'abandon

     

    Et qu'elle oublierait ses chimères

     

    Dans le lit d'un brave garçon

     

     

     

     

    Tranquillement elle fit face

     

    Et refusa tous les partis

     

    Dites-leur de ma part qu'ils fassent

     

    Par une autre chauffer leur lit

     

    Ils m'offrent un sentiment tiède

     

    Contre le travail de mes bras

     

    Dieu sait que si j'étais moins laide

     

    J'aurais pas besoin de tout ça

     

     

     

    Ça me plairait pas d'être pute

     

    Pas plus qu'entrer en religion

     

    Non que l'ouvrage me rebute

     

    Mais il y fait une raison

     

    Et dites-le bien à vos hommes

     

    Qu'ils ne viennent jamais frapper

     

    De n'appartenir à personne

     

    M'empêchera pas d'exister

     

    Je ne veux pas la charité

     

     

     

     

    On pourra dire on pourra croire

     

    De médisance en calomnie

     

    Elle est pas terminée l'histoire

     

    L'histoire de Jeanne-Marie »

     

     

     

    Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1977)

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  • « Après m'être fait passer pour « Corin » pendant quatre ans, je croyais que je ne me ferais jamais prendre. Personne ne va imaginer qu'un Gardien des Créatures puisse être une fille. » (p.11)

     

    « Je refuse de devenir un objet de curiosité dans quelque grand manoir. Je sais que la petite noblesse collectionne les Gardiens des Créatures pour les exhiber comme des tabatières en pierres précieuses. Mais une simple pièce de musée n'a aucun pouvoir, et sans pouvoir... eh bien, même au milieu de Cliffsend et de ses rochers, il y a toujours des corvées ménagères ; et des doses quotidiennes d'humiliation, on en trouve n'importe où ! » (p.14) 

     

    En quête d'identité

    « J'ai écrit plusieurs fois que j'appartenais au froid et à l'obscurité et à l'humidité. C'est à la fois vrai et faux. En réalité, j'appartiens à l'obscurité et à l'humidité de la mer. Avant, j'étais une fille qui est devenue un garçon qui est devenu un Gardien des Créatures. Maintenant, je suis de nouveau une fille, qui cherche le moyen de devenir une DemoisellePhoque. » (p.152)

     

    « La peau de phoque était béante sur mes hanches aux os pointus comme des couteaux. « Hier encore, tu étais convaincue que ta vraie vie, c'était d'être Gardien des Créatures », avait dit Finian. Était-ce vraiment ce que je voulais, après tout ?

    J'ai tiré la peau. Quel soulagement en constatant que j'arrivais à l'ôter sans difficulté. Aurais-je dû la laisser s'emparer de moi ? Comme Finian l'avait dit, il n'était pas forcément obligatoire de choisir entre elle et lui. Je pouvais toujours revenir. » (p.212)

     

    « Si je devenais une DemoisellePhoque, je resterais une DemoisellePhoque. La peau n'était plus une porte entre terre et eau que j'aurais pu passer dans les deux sens. » (p.214)

     

    « Je n'avais pas besoin de devenir une DemoisellePhoque pour vivre avec la mer. J'en faisais déjà partie, et le plus beau, c'est que je n'avais pas perdu un seul de mes mots.

    Ma mère était devenue folle quand sa peau de phoque avait été détruite. Elle avait définitivement tourné le dos à la mer. Elle n'avait jamais dû connaître ses pouvoirs, ni savoir que la mer lui était restée ouverte. Mais moi, je ne vais pas devenir folle ; je ferai de la mer ma deuxième maison. C'est en cela que nous sommes différentes. » (p.215)

     

    (Le gardien des créatures de Franny BILLINGSLEY)

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  •  

    « On l'a dit à la grand-mère

     

    Qui l'a dit à son voisin

     

    Le voisin à la bouchère

     

    La bouchère à son gamin

     

    Son gamin qui tête folle

     

    N'a rien eu de plus urgent

     

    Que de le dire à l'école

     

    A son voisin Pierre-Jean

     

    Clémence Clémence

     

    A pris des vacances

     

    Clémence ne fait plus rien

     

    Clémence Clémence

     

    Est comme en enfance

     

    Clémence va bien

     

    Ça sembla d'abord étrange

     

    On s'interrogea un peu

     

    Sur ce qui parfois dérange

     

    La raison de certains vieux

     

    Si quelque mauvaise chute

     

    Avait pu l'handicaper

     

    Ou encore une dispute

     

    Avec ce brave Honoré

     

    Clémence Clémence...

     

    Puis on apprit par son gendre

     

    Qu'il ne s'était rien passé

     

    Mais simplement qu'à l'entendre

     

    Elle en avait fait assez

     

    Bien qu'ayant toutes ses jambes

     

    Elle reste en son fauteuil

     

    Un peu de malice flambe

     

    Parfois au bord de son œil

     

    Clémence Clémence...

     

    Honoré c'est bien dommage

     

    Doit tout faire à la maison

     

    La cuisine et le ménage

     

    Le linge et les commissions

     

    Quand il essaie de lui dire

     

    De coudre un bouton perdu

     

    Elle répond dans un sourire

     

    Va j'ai bien assez cousu

     

    Clémence Clémence ...

     

    C'est la maîtresse d'école

     

    Qui l'a dit au pharmacien

     

    Clémence est devenue folle

     

    Paraît qu'elle ne fait plus rien

     

    Mais selon l'apothicaire

     

    Dans l'histoire le plus fort

     

    N'est pas qu'elle ne veuille rien faire

     

    Mais n'en ait aucun remords

     

    Clémence Clémence ...

     

    Je suis de bon voisinage

     

    On me salue couramment

     

    Loin de moi l'idée peu sage

     

    D'inquiéter les brave gens

     

    Mais les grand-mères commencent

     

    De rire et parler tout bas

     

    La maladie de Clémence

     

    Pourrait bien s'étendre là

     

    Toutes les Clémence

     

    Prendraient des vacances

     

    Elles ne feraient plus rien

     

    Toutes les Clémence

     

    Comme en enfance

     

    Toutes les Clémence

     

    Prendraient des vacances

     

    Elles ne feraient plus rien

     

    Toutes les Clémence

     

    Comme en enfance

     

    Se reposeraient enfin

     

     

     

    Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1977)

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  • « Pédé. La pire insulte dans la cour de récréation, même s'il ne sait pas exactement ce que cela recouvre – deux hommes ensemble, mais qui font quoi ? Qui s'embrassent ? Qui s'aiment ? Qui s'aiment comment ?

     

    Un jour, Tom et lui ont vu dans la rue un homme en pantalon de cuir et débardeur qui parlait fort dans son téléphone portable en faisant de grands gestes avec ses mains. Tom lui a glissé à l'oreille que c'était un pédé et ils ont gloussé tous les deux. Ils se sont même amusés à l'imiter, mais longtemps après, parce qu'ils ne savaient pas trop si c'était bien de faire ça.

     

    Son père n'avait rien à voir avec cet homme-là. D'abord, il ne s'habillait pas comme ça. Gilles portait toujours des costumes, et le week-end, quand il ne travaillait pas, il mettait un jean et un tee-shirt. Pourquoi son grand-père avait-il dit ce mot-là, alors ? »(p.64-65)

     

     

    « C'est fini, l'époque des petites classes où ils se disputaient dans la cour de récréation à coups de « Mon père il est plus fort que le tien, il a une plus grosse voiture, il gagne plus d'argent ! »

     

    Au collège, ce qui compte, c'est qui on est, indépendamment de ses parents. On s'y fait respecter par ses seules qualités, ses seules prouesses, et on ricane dans le dos de ceux qui continuent de mettre en avant leur père ou leur mère. » (p.134)

     

     

     

    « - En fait, ce qui m'embête, c'est que... les autres ne se posent pas de question, vous comprenez. C'est facile pour eux. Ils savent.

     

    - Ils savent quoi, Théo ?

     

    - Que c'est avec des filles qu'ils ont envie de sortir, évidemment !

     

    - Et toi, tu ne sais pas ?

     

    Théo s'était contracté, les mains crispées sur le rebord de la table.

     

    « Non... Enfin, si. Je ne sais pas ! Comme mon père vit avec un homme maintenant et qu'avant il vivait avec ma mère, comment voulez-vous que je sache si je dois sortir avec une fille ou avec un garçon ? »

     

    François s'était approché de Théo et l'avait pris par les épaules.

     

    « Ce que j'entends dans ce que tu dis, Théo, c'est que tu n'as pas encore rencontré la personne qui te convient. Celle qui te fera dire : c'est elle et pas une autre. Celle qui te semblera une évidence. » (p.156-157)

     

     

     

    « - Comment on peut en être sûr ? Regardez mon père. Il aimait ma mère, avant, et aujourd'hui, c'est un homme qu'il aime.

     

    - C'est vrai, mais s'il vous a imposé, à vous comme à lui, autant de souffrance, c'était sans doute pour ne plus se mentir à lui-même. »

     

    Théo était demeuré songeur, plongé dans les souvenirs de la séparation.

     

    « Vous croyez qu'il y a des hommes qui sont homosexuels mais qui ne s'en rendent jamais compte ?

     

    - Bien sûr qu'ils s'en rendent compte, mais ils préfèrent le nier, ne pas savoir. Pour toutes sortes de raisons. La pression sociale, le qu'en dira-t-on, bref, le regard des gens « normaux ». Cela dit, c'est en train de changer. » (p.157-158)

     

     

     

    « Il n'y a pas de fatalité, Théo. Ce n'est pas parce que son père ou son frère est homosexuel qu'on l'est soi-même. L'attirance que l'on éprouve pour un être, lorsqu'elle est sincère, n'est pas dictée par la morale, la société, la mode ou que sais-je encore. Elle ne répond qu'à la loi du cœur. Alors, écoute ton cœur, Théo, c'est la meilleure chose que tu as à faire, car c'est lui qui te donnera la réponse à ta question. » (p.160)

     

     

     

    (Ne le dis à personne de Josette CHICHEPORTICHE)

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  • « Ils croient posséder et ils n'ont rien. Ils détruisent la Terre, oublient leurs enfants, oublient qu'un jour tout sera pourri par les fumées, les engrais, les gaz, les voitures, leurs centrales nucléaires, leurs déchets qu'ils cachent. Ils brisent, cassent, brûlent, sans savoir qu'ils scient la branche sur laquelle nous sommes tous assis.

     

    Nous n'avons rien, rien d'autre que notre fois, notre savoir, nos corps et nos esprits. Nos vies ensemble sont liées à jamais, depuis toujours. La Terre a donné à chacun de nos pas des pans de la sagesse qui manque aux gadjé. Ils ne bougent pas, restent attachés à des bouts de Terre, jusqu'à croire que la propriété est un acte. Ils sont fous de leurs biens.

     

    Nous avons collecté ces morceaux de l'humanité et nous devons les transporter toujours plus loin pour continuer à faire tourner la Terre. Ils ne savent pas que la Terre tourne parce que la marche de notre peuple la fait tourner. Nous, Gitans, Roms, Tsiganes, nous et aussi les nomades des déserts, les nomades de toutes races, de toute la Terre, nous donnons son mouvement circulaire au globe, par la force de nos pas.

     

    Nos pas font rouler la Terre sur elle-même, nos pas font marcher leur monde à eux aussi.

     

    Et ça non plus, ils ne le savent pas. Ils nous pensent inutiles, voleurs et fragiles ; nous sommes forts et nécessaires à leur survie.

     

    Peut-être nous sommes-nous arrêtés depuis trop longtemps maintenant ? Peut-être est-ce pour cela que la Terre ne tourne plus rond ? » (p.26-27)

     

    La Terre ne tourne plus rond

     

    « Partir pour où ? Partir comment ?

     

    L'appartement HLM, il n'en veut pas. Là, il est sûr de lui. Pas question de laisser le campement se défaire en appartements. Ils ne sont pas faits pour cette vie-là. La tribu doit se tenir. La tribu est une coquille qui protège l'oeuf qu'elle a en son centre. Sans coquille, l'oeuf s'étale, se dilue, se perd dans l'immensité et ne peut plus jamais donner naissance à rien ni personne. » (p.35-36)

     

     

     

    « Où trouver des quittances ? Ils ne paient pas de facture EDF, c'est le bloc électrogène qui les fournit en lumière. Le certificat de naissance d'Aicha va être difficile à obtenir, elle est née en Roumanie. Et un garant... Qui voudrait se porter garant de Gitans ? Les frères ouvriers de l'usine de recyclage gagnent-ils assez pour être crédibles ? Tous ces papiers sont impossibles à trouver, certains n'existent même pas. Jaime commence à se demander si le maire ne s'est pas moqué d'eux. Si cette proposition d'appartement est vraiment sérieuse ou seulement une façade pour cacher un grand vide. » (p.46)

     

     

     

    « Le lendemain, Jaime n'est pas étonné quand, à la mairie, il se confronte à un homme qui lui dit que tous ces papiers sont nécessaires. Que c'est la règle. Qu'il ne sera pas possible d'obtenir d'appartement s'ils ne veulent pas se soumettre à la loi du pays. Que c'est un effort que fait la mairie. Qu'ils doivent comprendre que cela ne les dispense pas de se comporter comme tout Français aurait à le faire. Que c'est toujours la même chose avec les gens du voyage, les étrangers, toujours la même chose.

     

    Jaime reconnaît les mots fermés de ceux qui ne les acceptent pas, de ceux qui derrière leur discours cachent la haine qu'ils ont pour son peuple. Il en a rencontré beaucoup déjà. Il n'en a pas peur, il les méprise. » (p.47)

     

     

     

    « Après, je ne sais rien de l'avenir. Ce n'est pas un temps qui nous préoccupe, nous les Roms. Le présent donne fort à faire déjà. » (p.72)

     

     

     

    (Alors, partir ? de Julia BILLET)

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  • « L'idée que c'était un comportement anormal m'a très tôt frappée, vers le CE2 ou le CM1. (Tu le sais quand on parle de toi dans ton dos, non?) Mais je m'en fichais. Ça me passait au-dessus. Soyons anormaux ! C'était mon credo. Jusqu'à ce que je déchante.

     

    En quatrième, j'ai intégré l'équipe de street-hockey des Ashland Blackhawks. La ligue était organisée par un tas de gamins, bas du casque pour la plupart, qui cherchaient simplement une bonne raison de filer des coups à droite et à gauche. J'étais la seule fille (comme toujours, ainsi soit-il), alors on ne me frappait que rarement.

     

    Le capitaine de l'équipe, qui faisait aussi office d'arbitre de ligue, était un punk d'une quinzaine d'années, appelé Bubba Shapiro. (…)

     

    Un jour, un gars du nom de Chris York a raté l'entraînement, et Bubba a fait une annonce : « Bon, les gars, Chris a fait son coming out à l'école aujourd'hui, alors il va falloir continuer sans lui. »

     

    J'ai levé la main pour demander : « Coming quoi ? »

     

    Les bas du casque ont tous rigolé.

     

    J'ai encore levé la main.

     

    « Pardon, mais... quel est le rapport avec le hockey ? »

     

    Bubba a levé les yeux au ciel avant de m'expliquer que les gays n'aimaient pas le sport.

    Comment savoir si je suis gay

     

    Pour info, moi non plus je n'ai jamais vraiment aimé le sport. Je m'étais inscrite dans l'équipe parce que Papa avait dit que j'aurais besoin d'activités extrascolaires sur mon CV pour entrer à l'université. (…)

     

    Cette association entre sport et identité sexuelle n'a cessé de me tarauder, jusqu'au soir où, tandis que Maman était en train de se maquiller, je lui ai demandé comment savoir si j'étais gay.

     

    - Dis-moi, a-t-elle murmuré en terminant d'appliquer son mascara. Qu'est-ce que tu ressens quand tu vois Jack Dawson ?

     

    J'ai rougi en souriant. Je suis sûre que mes yeux se sont mis à scintiller de manière inexplicable. ( …) Comme Titanic était interdit aux moins de treize ans, j'avais dû attendre jusqu'à (…) mon treizième anniversaire, à partir duquel Maman et moi l'avions regardé exclusivement à deux et en boucle. Nous l'avions vu vingt-neuf fois (exactement, pas approximativement). L'histoire et les effets spéciaux étaient certes de véritables prouesses, mais notre raison d'adorer ce film n'était pas un secret. Léo DiCaprio, qui incarnait le merveilleux Jack Dawson, était tout simplement trop craquant. (...)

     

    Avec un grand sourire, Maman s'est tournée vers sa coiffeuse. Elle a saisi le tube noir avec l'anneau argenté brillant au milieu – c'était son rouge à lèvres préféré, celui qu'elle portait pour les occasions spéciales.

     

    - Viens pas ici, Mary. Que je te montre deux, trois petits trucs.

     

    Durant les vingt minutes qui ont suivi, j'ai eu droit à ma première et dernière séance de maquillage. Je n'ai aucune objection morale contre le maquillage, tu vois, mais c'est juste que... je me connais. Et le maquillage, ce n'est pas moi. Si on ajoute ça à mon comportement légèrement à cran, agressif et intraitable, je crois que j'aurais fait une lesbienne plutôt correcte. Sans vouloir cataloguer une portion de la population, évidemment. Je suis sûrs qu'il y a des tas de lesbiennes romantiques dans le monde qui engloutissent des bassines de crème glacée et qui sanglotent à la fin des comédies romantiques du début des années quatre-vingt-dix. Mais pour en revenir à moi, dans cette vieille voiture, je suis madame Winslet avec Léo, pas l'inverse. Ça a l'air bête, dit comme ça, mais je crois que comprendre qui on est – et qui on n'est pas – est la chose la plus importante de toutes les choses importantes. » (p.75-76)

     

     

     

    (Mosquitoland de David ARNOLD)

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  • A propos de Mae JEMISON :

     

    « A la même époque, elle tombe dans le vortex des comics et de la science-fiction.

     

    - Je dirais que je suis moitié Catwoman moitié Spock. -

     

    Mais dans les romans qu'elle lit, les personnages intéressants ne sont jamais ni des filles ni des noirs. - Alors des filles noires, imaginez... -

     

     

    En tant que fille noire...

      

    A table, chez elle, ça parle de politique, de droits civiques, de Stokely Carmichael et de Malcolm X.

     

    - Ne dis plus que tu es « de couleur », Mae. Tu es NOIRE. -

     

    Sa mère lui apprend qu'elles sont belles comme elles sont et qu'elles porteront désormais avec fierté leurs cheveux naturels.

     

    Mais son père lui apprend aussi qu'elle a un devoir d'excellence.

     

    - En tant que fille noire, tu vas devoir être deux fois meilleur qu'un homme blanc pour arriver où tu veux. » (p.147)

     

     

     

    (Culottées de Pénélope BAGIEU)

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    « Déjà une semaine qu'on faisait ça. Nous préparer tous les soirs. Nous asseoir aux terrasses des cafés, pour finalement rentrer bredouilles au camping avant minuit trente. Deux pauvres cendrillons de pacotille, incapables de se faire inviter à une soirée amusante. Incapables de taper dans l'oeil des beaux garçons. Voilà ce que nous étions, seules et un peu dégoûtées. Un peu cruches aussi, je m'en rends compte maintenant, à nous gâcher les soirées. On aurait mieux fait de rigoler toutes les deux, de jouer aux cartes, aux fléchettes, de nous balader sur la plage. Au lieu de ça, nous nous mettions en vitrine comme deux tartes aux fraises, attendant d'être croquées. » (p.9)

     

    L'amour fait perdre la tête

     

    "Au lycée, Maman a dit que j'étais absente pour un petit examen médical. Un mot d'excuse. Un mensonge entendu. Ces choses-là ne se racontent pas. Elles font honte. Ma mère a honte, je le sens. Elle a ce petit sourire de travers qui fait semblant de pardonner. Moi, je ne veux pas qu'on me pardonne. Je veux qu'on accepte. Je veux qu'on dise que l'amour fait perdre la tête et que les cours d'éducation sexuelle devraient être accompagnés d'autre chose que d'un kit de prévention des risques. Capote-pilule-MST. Tu parles d'un triptyque ! C'est comme ça qu'on nous parle de la première fois. Rien sur les frissons, les émotions, rien sur la force des désirs. C'est comme si un marin se préparait au tour du monde sans tenir compte de la puissance du vent. Moi, j'ai glissé dans une tornade et personne ne m'avait prévenue d'un tel cataclysme. » (p.19)

     

     

     

    « Le désir amoureux, comme la mer, n'était pas sans danger. Fascinant, hypnotique, rassurant vu de loin, mais parfois, comme la mer, il prenait des vies, brisait des corps et ravivait des manques. » (p.35-36)

     

     

     

    « - Tu sais déjà ce que tu veux faire plus tard, Pia ? M'a demandé l'amie de ma mère.

     

    J'ai eu envie de la mordre. De lui gueuler que je ne voulais pas être enceinte à quinze ans et faire des études longues, très longues. Parce que j'étais une bonne élève, parce que j'aimais étudier, parce que je n'avais pas envie de devenir mère à un âge où on ne veut surtout pas ressembler à la sienne. J'avais envie de lui hurler ma peur de l'avenir. Ce terrible avenir qui se cachait peut-être sous mon pull, tout cela parce que j'avais eu envie de faire l'amour avec un garçon et que je l'avais fait. » (p.60)

     

     

     

    « Je ne suis pas une jeune fille rangée. J'ai grandi plus vite que prévu. Je suis tombée enceinte par accident et j'ai décidé d'avorter, parce que je ne veux pas être mère. Pas maintenant. Pas comme ça. C'est un choix, un droit, c'est la moindre des choses et pourtant ce n'est pas une moindre chose. Je hais ceux qui osent penser que les femmes font cela à la légère. Je n'oublierai jamais ce jour, je le sais. Je sais aussi que désormais, j'ai un corps. Un corps avec ses désirs, ses fougues, ses blessures, ses secrets. Un corps qui m'appartient. » (p.93)

     

     

     

    (Trop tôt de Jo WITEK)

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