• Derrière la grille du collège

    « Le jour de la rentrée, je ne laisse rien au hasard. Mes affaires sont prêtes, mes discours, mes gestes. Je m'envisage une dernière fois dans le miroir de la salle de bains. Intestins durs, mains trempées, je parle à mon reflet, le grand huit ventousé au ventre. Dans la glace, j'aperçois ma peau blanche et les petites gerçures. Ce jour-là, je comprends que je dois grandir. Dans la voiture, je dis à Maman de ne pas descendre : affronter une foule anonyme, je m'en sens capable. Je prends mon sac à dos et je découvre la grille du collège, une grille imposante, couleur vert Empire. Face à la grille, je suis pris d'une vision. Derrière elle, les garçons se transforment. Ils devient des monstres courts sur pattes, aux joues mangées d'acné, aux lèvres marbrées, gorgées de sang, au visage poissé de puberté crétine et de mauvaise haleine.

     

    De l'autre côté, les garçons deviennent des adolescents.

    Derrière la grille du collège

     

    Pendant le collège, les garçons ricaneront sèchement. Ils s'acharneront. Ils me tourneront autour pendant les pauses et la cantine. Théo m'attrapera par derrière, Julien me remontera brutalement le slip et me frappera de coups de genou en criant, « Béquille ! » Il y aura des moments durs, des échappés en solitaire dans les toilettes, des regards en classe d'anglais, des messes basses, des moqueries publiques, des élections de délégués, des sorties à la piscine, des réprimandes en slip de bain, des virées en bus, des professeurs qui ne voient rien, qui se contentent de « chut » pour couper les mauvaises langues, des regards encore, plus perçants, des fous rires de types populaires, des insultes au vidage, et face à tout ça, mon manque d'oxygène.

     

    Cela va durer quatre ans. La famille parlera d'âge ingrat et d'apprentissage. Personne ici ne verra. Si c'est ça la suite, je préfère renoncer. Rester petit face au miroir. Ne plus jouer. Ne surtout pas franchir la grille. » (p.58-59)

     

     

     

    « Au collège, on m'appelle Marcelle. Les garçons surtout, mon voisin. Un grand garçon maigre, un peu niais. (…) Il m'attend le matin. Il me refile des surnoms et des coups derrière la tête. Dans la cour, ses copains et lui disent « ça va Marcelle, pourquoi tu fais la tête ma belle ? T'as oublié ton rouge à lèvres ? » On ajoute que je serais « jolie avec des couettes ». (…)

     

    Je voudrais comprendre cet acharnement. » (p.75)

     

     

     

    (Mauvais joueurs de Julien DUFRESNE-LAMY)

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