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Comment j'ai pu oser dire ça ?!
« Je tombe sur un article sur la prostitution masculine au Maroc. Et je pense à Camille.
J'ai été lamentable.
Je lui ai parlé avec la prétention de ceux qui se croient sages parce qu'ils disent tout haut le fond de leur pensée. Comme s'il suffisait d'être sincère pour être habilité à donner son avis. « Si j'avais un
gamin, ça me tuerait de savoir qu'il fait ce que tu fais... »
Comment j'ai pu oser dire ça ?!
Toujours à la ramener, mézigue et ma grande gueule, et mon air doctoral.
Il a vécu du lourd, du méchant, ce gamin. Je repense à la façon qu'il a eue de me dire : « Dans ma famille, on n'aime pas les pédés. »
Je suppose que ses parents ont eu honte de lui et qu'ils l'ont foutu à la porte, comme des clients déçus renvoient la marchandise.
Pas de ça chez nous, merci.
Chez ceux qui sont bornés, la bêtise est sans bornes.
Ils devraient voir son courage, aujourd'hui. Il en faut de la volonté pour supporter tous ces moments sordides, tout en gardant intactes sa détermination et son envie de réussir.
Il habiterait en Thaïlande ou dans les favelas, ce môme, on trouverait son parcours admirable, on ferait des reportages, ça tirerait des larmes. Là-bas, il serait une sorte de héros.
Ici, c'est seulement une pute à homos.
C'est un mec bien, Camille, ce n'est pas si fréquent. Non seulement il m'a sauvé la vie, mais il est allé témoigner au commissariat, au risque de se faire emmerder par les flics sur son emploi du temps et son emploi tout court. Il est venu prendre de mes nouvelles. Et moi...
Moi, je peux toujours critiquer les cons, dans leur équipe je jouerais avant-centre. » (p.114-115)
(Bon rétablissement de Marie-Sabine ROGER)
Tags : homosexualité, prostitution, jugement, discrimination, préjugés
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