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Apprendre à s'affirmer
« L'affaire avec Rudi dépasse la mesure !
Jamais Jack n'aurait dû agir ainsi. Mais j'ai toujours tout supporté sans rien dire !
« Viens ici, le Gaucher ! Plus vite que ça, mon gaillard », ou alors : « Mec, tire-toi, minable, ta tête me déplaît ! » Et quand il est particulièrement méchant : « Si mon père n'avait pas épousé ta mère, tu n'aurais jamais mis les pieds dans une maison aussi chouette avec un si grand jardin ! Allons, petit gars, ressaisis-toi ! » Un jour il m'a même dit quelque chose d'absolument ignoble : « Tire-toi, infirme ! » Uniquement parce que, il y a des années, je suis tombé dans l'escalier et que depuis ce temps-là je ne peux plus plier le bras droit. J'ai même beaucoup de peine à m'en servir. C'est pour ça qu'on m'a appelé le Gaucher. Mais je fais tout pour me rééduquer. Il sera bien étonné un jour, ce type ! » (p.9)
« Je regardais le va-et-vient des pigeons, qui n'avaient aucune peur de moi. Ils étaient presque tous blancs, sauf un, superbe. C'était un oiseau particulièrement beau, avec un plumage particulièrement rouge et une couronne de plumes sur sa mignonne petite tête. Il ressemblait à un Indien. Je découvris tout à coup que le pigeon avait une malformation : il penchait toujours un peu d'un côté en marchant, et, à vrai dire, claudiquait. En fait il avait dû avoir une fracture d'un côté, qui s'était cicatrisée.
Tandis que je le regardais, je remarquai qu'il se tenait assez à l'écart des autres. C'était frappant et pourtant inexplicable. Une certaine inquiétude s'empara de moi. Était-il simplement farouche' ? N'avait-il pas confiance dans les autres à cause de son plumage rouge ? Comme de nombreuses personnes qui ont les cheveux rouges et qui zézayent ? Ou bien se sentait-il trop frêle ? Il ne me paraissait pas en être ainsi. Avait-il peur, par hasard ? En effet il se blottissait dans les angles les plus éloignés. »p.14-15)
« A présent, je savais ! C'était à cause des autres ! Ils le faisaient fuir ! Peut-être parce qu'il était d'une autre couleur et qu'il avait une couronne de plumes. Ou peut-être parce qu'il boitait. Parce que c'était un infirme ?
Je reposai l'Indien sur son perchoir et reculai en rampant.
« Non, pensai-je, les autres pigeons lui donnent des coups de bec de tous côtés parce qu'il se laisse faire. »
Je comprenais maintenant ce que Jack voulait dire par trouillard et son père, Don, par poltron. J'étais en effet une poule mouillée. Je me recroquevillai dans les coins. Comme le pigeon indien exactement et, de la même façon, je m'écartais.
Que se passerait-il donc, par exemple, si celui-ci se mettait à rendre des coups de becs ? Car, tout compte fait, il n'était en aucun cas ni plus petit ni plus faible que les autres. Au contraire, je le trouvais même gros et trapu. Simplement, il se sentait inférieur, sans même savoir pourquoi. Tout comme moi ! Et quel était le résultat ? Les autres exploitaient cet avantage et nous étions tournés en dérision. » (p.18-19)
« Justement, tu dois faire exactement comme moi, lui conseillai-je. Lui administrer les mêmes remèdes qu'à Jack. Et arrêter de dire toujours oui et amen. Crois-moi, il te témoignera alors du respect comme Jack avec moi ! C'est comme ça que tu dois agir ! » (p.123)
(Mon frère Jack de Joachim HARTENSTEIN)
Tags : handicap, discrimination, harcèlement, différence, solitude, soumission, estime de soi
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