• « Il est arrivé un après-midi chargé de livres et de photos, avec un grand rouleau sous le bras. Plus tard, il l’a déplié et accroché au tableau : c’était une carte de l’Afrique.

     - Bien, a-t-il commencé, nous avons maintenant quatre petits Africains dans notre classe, il serait peut-être temps que l’on parle un peu de l’Afrique. Ou plutôt qu’ils nous en parlent !

     C’est curieux, j’ai tout de suite senti que ça partait mal. D’abord, il ne semblait pas très sûr de lui avec sa carte de l’Afrique. (…)

     Ensuite, les « petits » Africains, ça tombait mal : ce sont les plus grands de la classe…

     - Voyons, Fatoumata, par exemple, d’où viens-tu ?

     - Des Charmilles, monsieur, a répondu Fatoumata, qui habite dans la cité.

     Toute la classe a rigolé. Sauf Fatoumata. Et Mamadou.

     - ça suffit, a fait le maître. On a déjà dit, il me semble, qu’on ne se moquait pas des erreurs des autres. Fatoumata, ne les écoute pas. Je ne te demande pas où tu habites, mais de quel pays tu viens.

     - Je suis française, monsieur.

     - Tu es française… Pourtant, a poursuivi le maître en regardant la carte comme pour chercher du secours, tes parents sont maliens, je crois.

     - Oui, mais comme mon père est né avant l’indépendance du Mali, quand c’était encore une colonie, et que moi je suis née en France, je suis française, a expliqué tranquillement Fatoumata.

     - Bon, a dit le maître, réalisant que ça lui faisait un Africain de moins pour sa leçon, tu connais quand même ton pays, enfin je veux dire celui de tes parents, le Mali, non ?

     - Non monsieur, a avoué Fatoumata comme si elle avait fait une bêtise, je n’y suis jamais allée.

     (…)

     - Bon, ce n’est pas grave, voyons : qui d’autre ? a-t-il demandé. Toi, Sony ?

     - Moi, m’sieur, mon père est zaïrois et ma mère angolaise, mais moi je suis né en Belgique. Je crois que mon père a demandé la nationalité . J’ai jamais été en Afrique non plus. » (p.34-36)

      

    Les préjugés

      

    «La vie des autres est parfois si compliquée qu’on préfère s’en tenir à ce qu’on pense savoir plutôt qu’essayer de comprendre. Comme le puzzle, quand on s’acharne à placer n’importe quelle pièce au lieu de chercher la bonne. On appelle ça avoir des « préjugés », nous a expliqué maman.

     « Tout le monde a des préjugés. Il faut faire très attention, c’est comme les microbes sur les mains : avant de manger il faut se laver les mains ? Eh bien, avant de parler avec quelqu'un qu'on ne connaît pas suffisamment, il faudrait se nettoyer le cerveau, pour éliminer tous les préjugés. Ce sont des parasites, des courts-circuits dans les neurones qui font réagir trop vite et empêchent de comprendre les autres !  C’est la peur ou la paresse qui donnent des préjugés : bien souvent, on préfère coller une étiquette sur les gens, (…) plutôt que les laisser s’exprimer et essayer de les comprendre. »» (p.80)

       

    « - Vous autres, les étudiants africains, on vous connaît, vous êtes tous pareils ! Vous venez en France soi-disant pour faire des études et vous vous arrangez toujours pour rester !

     L’employée de la préfecture, protégée derrière son guichet, regardait Clément dans les yeux. On était en septembre, il avait fait la queue depuis sept heure du matin pour s’entendre dire ça à quatre heures de l’après-midi. A chaque rentrée, les étudiants étrangers doivent faire renouveler leur carte de séjour en présentant une inscription pour la nouvelle année scolaire. Clément, qui souhaitait continuer ses études dans une école privée, demandait un délai pour trouver l’argent nécessaire. La guichetière ne voulait rien entendre, le ton monta. » (p.95)

      

     « - De quoi faire de sacrés voyages avec toutes les nationalités représentées, mais que des « sans-quelque chose », remarqua Patrice avec ironie, des « sans-papiers », des « sans-abri », des « sans-ressources ». Pourtant, ensemble, en réunissant le peu qui nous restait, on avait à peu près tout ce qu’il fallait ! Et quand il manquait quelque chose, on trouvait toujours quelqu’un dans l’usine qui avait ce qu’on cherchait.

     L’avantage, c’était que chacun rencontrait toujours quelqu’un de plus « sans » que lui ; ça lui évitait de trop penser à ses soucis. » (p.105)

         

    (Mamadou a disparu de Christian NEELS)

     

     

     

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  •  

    La fille qui vit sans

    « Pas d’amant,

     

    Pas d’enfant

     

    J’suis la fille qui vit sans

     

    La fille qui se suffit de sa vie.

     

    Autrefois j’avais des ambitions

     

    Un mec, un boulot, une maison

     

    J’me suis fait une raison

     

    J’me débrouille sans passion.

     

    Pas d’argent

     

    Pas de talent

     

    J’suis la fille qui vit sans

     

    La fille qui s’arrange

     

    De ce qui dérange.

     

    J’vis ma vie, sans entrain

     

    Aujourd’hui ressemble à demain

     

    Et demain ressemble à hier

     

    Mes jours sont tous frères.

     

    Pas d’amant

     

    Pas d’enfant

     

    J’suis la fille qui vit sans

     

    La fille’ qui s’ennuie

     

    Dans sa vie. » (p.52)

     

     

    (Le journal d’Aurore. Rien ne va plus ! de Marie DESPLECHIN)

     

     

     

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  • « Récapitulons : je nais avec un ptosis, ce qui est déjà pas mal. On peut ajouter à ceci des genoux cagneux, des cheveux filasse ni bruns ni blonds (mais ça, il paraît que c’est très tendance : les Américains appellent cette nuance le « brond »).

     Ensuite, je suis faite comme un mec, le léger détail du pénis mis à part. Les bons côtés ? Des hanches étroites et des mollets fins que même les travestis thaïlandais peuvent m’envier. Les mauvais ? Un cou de taureau et pas de seins.

     Quoi d’autre…

     Je joue de l’hélicon depuis mes neuf ans et j’adore ça. Je m’exerce tous les soirs, dans notre petite cave, pour ne gêner personne. Il faut être vraiment mélomane pour apprécier cet instrument… J’ai appris à jouer dans le noir, vu que la minuterie fait sauter la lumière toutes les quatre minutes.

     Je fabrique des modèles réduits de scènes ordinaires, en papier canson blanc, dans des boîtes à chaussures vides. J’en ai vingt-trois à ce jour. C’est assez encombrant, mais chacune représente un moment important de ma vie et je ne peux, de fait, en jeter aucune : ce serait comme broyer un souvenir. Les versions miniatures de moi ont toujours l’air plus solides et heureuses que la vraie.

     Je vénère Milan Kundera, dont je lirai et relirai probablement l’oeuvre complète jusqu’à ma mort. Je collectionne des trucs débiles comme les prospectus colorés que les marabouts sénégalais du quartier afro glissent parfois dans les boîtes aux lettres. Mon préféré reste celui qui promet le retour de l’être aimé en ces termes précis : « Il courra derrière vous comme un chien derrière son maître ».

     Moi, les démonstrations d’affection en public me mettent mal à l’aise. J’ai globalement horreur de tout ce qui est embarrassant : les comédies musicales françaises, le stéthoscope du docteur sur la poitrine, se sourire à soi-même dans la cabine du photomaton, réciter un poème mièvre devant toute la classe, marcher sans serviette du banc jusqu’au bassin de la piscine, être serrée contre des corps inconnus dans le bus bondé, devoir enlever ses baskets dans le vestiaire après deux heures d’athlétisme, l’infirmière scolaire quand elle demande si on a mal au ventre parce qu’on a vraiment mal au ventre ou parce qu’on a un contrôle de géo et que tout ce qu’on connaît de la Grèce, c’est Nikos Aliagas et la feta.

     Je ne supporte pas les mots « croûte », « flétan » et « conchier ». En revanche, j’éprouve un plaisir suspect à dire « plexus », « superfétatoire » ou encore « pyrolyse », et je m’efforce de les placer dès que je peux. J’ai peur des grains de beauté qui se transforment en cancer de la peau, alors je photographie les miens tous les mois pour observer leur évolution. Les gens qui ont des pellicules dans les sourcils me perturbent énormément mais, à l’inverse, j’adore ceux qui ont les oreilles asymétriques. J’aime les chaussures vernies, même si ça couine sur le lino, et les chemises d’homme – je porte d’ailleurs celles de papa presque tous les jours. Elles sont trop grandes, informes et je dois replier les manches au moins quatre fois, mais je m’y sens parfaitement à l’abri de tout ce qui m’angoisse : l’hostilité ambiante, le vent et la mode.

     

    Ce portrait resterait incomplet sans la description de ma chambre qui est, selon mon père, à l’image de ma cervelle. Pleine à ras bord d’un joyeux bordel hétéroclite, composé d’une accumulation périlleuse de poignées de porte rouillées, gommes rigolotes, biographies de John Lennon et montres à gousset qu’on-pourrait-croire-très-anciennes-mais-obtenues-en-fait-grâce-à-un-vieil-abonnement-aux-éditions-Atlas.

     Les rares pans de murs non occupés par des étagères déglinguées sont couverts d’affiches de Michael Sowa, un peintre allemand né en 1945. J’aime particulièrement celle de la volaille au collier de perles. Elle est très digne.

      

    Autoportrait d’une marginale

    Tout cela réuni suffit à expliquer une certaine impopularité au lycée, je suppose, comme des Lego de bizarrerie emboîtés les uns dans les autres.

     Papa dit que les choses évolueront un jour. Que les codes sociaux changent et que, si je reste immobile assez longtemps, je finirai bien par être tout à fait à la mode. Il croit fermement que dans vingt ans, toutes les ados dignes de ce nom pratiqueront des instruments à cuivre pesant douze kilos, garderont un œil constamment fermé pour avoir l’air désabusé et rêveront de s’appeler comme moi.

     Parce que oui, la cerise sur le pompon, c'est mon prénom. Et mon nom. Vania Strudel. Strudel - qu'on doit prononcer "chtroudel", si on veut être parfaitement académique. Un blase de protège-slip accolé à une pâtisserie autrichienne bourrative. Youpi. La moitié de mes chers camarades m'appelle Tampax et le reste opte pour Strud'balle.

    Adorable, n'est-ce pas ? » (p. 10-13)

      

    « - Ma chérie, le monde est plein de lâches qui disent ce qu’on leur dit de dire, font ce qu’on leur dit de faire et pensent aussi mal qu’on leur dit de penser. Et il y a quelques courageux, des optimistes trop rares, qui osent réfléchir." (p.108)

      

    « - T’es la plus belle personne de la terre, Vania Strudel. T’es drôle, t’es intelligente, t’es sensible et gentille. j’aime chacune de tes bizarreries. j’aime tous les machins en toi qui font que plein de gens ne t’aiment pas. j’aime que tu n’accordes aucune attention à tes habits ou ta coiffure… J’aime quand tu lis de trop près ou quand tu fronces les sourcils pour regarder un truc au loin. J’aime quand tu coupes tes aliments pour que tous les morceaux soient à peu près de la même taille, avant de commencer à manger. J’aime que tu utilises des mots vieillots, que tu milites contre les parcs à orques, que tu cuisines du pâtisson et d’autres légumes qu’on ferait mieux de vraiment oublier. J’aime quand tu me donnes le titre de la chanson que t’avais en tête à ton réveil, que je fais semblant de pas la connaître juste pour que tu me la chantes, très mal. J’aime le fait que t’arrêtes pas de glisser et de tomber, en hiver, et que tu t’enroules dans ton vieux cache-nez en laine. Le vert et rouge, avec les pompons blancs. J'aime que tu sois pleine d'impasses, de sens interdits, que t'aies des zones piétonnes en toi, où je ne peux pas me rendre avec mon bulldozer. J'aime ne pas tout connaître de toi et deviner que je vais aimer ce qui me reste à découvrir. J'aime être un personnage de tes scènes en papier, dans tes boîtes à chaussures. Mais j'aimerais encore plus qu'on les vive pour de vrai. Tous les deux. » (p.180)

      

    (La Fourmi Rouge d’Emilie CHAZERAND)

     

     

     

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  • «  Quand j’ai arrêté de picoler, je me suis dit : «  Comment tu vas tenir le coup ? » Alors je me suis répondu que j’avais qu’à faire comme si j’étais sur une île déserte, pas un bistrot à l’horizon, pas un marchand de vin, rien, comme si j’étais Robinson Crusoé. T’as un canif et un bout de ficelle et démerde-toi avec pour construire un monde. Epave parmi les épaves, je n’avais que ça pour m’en tirer. C’est de cette façon que je suis devenu artiste. Bien sûr, on ne le sais pas tout de suite, et puis, qu’est-ce que ça veut dire ?... J’avais juste envie de m’évader. Faut être un peu malheureux, sans doute. Il n’y a que les prisonniers qui s’évadent.

     - Alors ça se vend ?

     - Ben oui, ça m’étonne autant que toi.

     - Cher ?

     - ça veut dire quoi, cher ? Je suis hors de prix, comme un beau coucher de soleil, comme un bon moment passé avec un ami. On n’achète pas le bonheur et c’est tant mieux ! Qu’est-ce qu’il leur resterait, aux pauvres ?... La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie.

       

    Hors de prix

    Vincent ne comprend pas tout. Trop de mots, d’idées qui se bousculent dans sa tête comme des autos tamponneuses.

     - Quand même, tout ce pognon et tu vis là, dans ce…

     - Trou ?... comme une cloche ?... Ben oui, mais je suis chez moi et je m’y sens bien.

     Vaut mieux mourir dans sa peau que vivre dans celle d’un autre. » (p.72-73)

       

    (J’irai te voir de Pascal GARNIER)

     

     

     

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  • Comme toi et moi

    (Alice sourit de Jeanne WILLIS et Tony ROSS)

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  • « - C’est encore une de tes manigances ! a-t-elle dit, l’air furieux. Mais je ne suis pas dupe. Je sais très bien que tu es la cause de tout ça, tu m’as jeté le mauvais œil. C’est ta vengeance parce qu’on t’a fichue à l’eau. Sale sorcière. Autrefois tu aurais été brûlée.

     (…)

     - Pourquoi tu fais d’Adélaïde ton bouc émissaire, a dit Julie en haussant les épaules.

     (…)

     Je n’ai pas pu m’empêcher de dire que, pour le bûcher, on était sur la bonne voie, vu que j’avais déjà une chaussure en moins, calcinée par voie chimique. Je lui ai montré la ballerine amochée. Je voulais la faire rire, mais elle ne s’est pas laissé attendrir.

    Sorcière

     - Je sais que tu es une sorcière, Adélaïde. Ça se voit. Regarde-toi, ta tignasse, ton nez trop long, ta verrue. Elle a pris tout le monde à témoin : vous avez vu sa verrue ? Tu sais ce que ça veut dire, les verrues ?

     - Qu’est-ce que tu racontes, Inès, je n’ai pas de verrue, ai-je bredouillé. Les mots qu’elle employait, tignasse, verrue, ça n’avait pas l’air vrai. Et puis c’était plutôt vexant. J’ai beau être fière de mon nez aquilin, comme dit maman, et de mes cheveux frisés. J’ai beau savoir que les grains de beauté sont signe de spiritualité élevée et n’ont rien à voir avec les verrues, une insulte reste une insulte, et sorcière est un mot insultant.

     J’avais un genre de fou rire et un peu peur aussi. Je venais de comprendre qu’Inès était simplement stupide. Mon père dit toujours que les choses les plus horribles sur cette terre, les calamités les plus abominables, les pires crimes sont dus aux préjugés et à la bêtise. » (p.130 131)

       

    (Angleterre de Geneviève BRISAC)

     

     

     

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  • « - ça t’arracherait la bouche d’être sympa cinq minutes ?

     - Je ne dis pas ça contre toi. C’est moi. Ça ne me dit rien de sortir avec les filles.

     - QUOI ?

     - Pas la peine de hurler !

     Je vais enfin pouvoir me faire un copain, et pas un amoureux merdique avec lequel rompre lamentablement au retour des vacances. Un vrai copain sans aucun risque de drague, baisers foireux et prises de mains diverses.

     - Toi, je t’adore ! » (p.26)

      

    Les grands mots

    « - DEVINE ?

     - Arrête de hurler ! Je ne sais pas. Quoi ?

     - C’est au sujet d’Areski.

     (…)

     - Mais j’en sais rien, moi ! Il passe son temps à me crier dessus, il me raconte pas sa vie !

     - IL EST HOMOSEXUEL !

     - Ah non, je ne crois pas.

     Je sais qu’il n’est pas très attiré par les filles, plutôt par les garçons, mais c’est tout.

     - C’est bien ce que je te dis. Il est homosexuel.

     - Ouh là… Toujours les grands mots.

     Tout ça parce qu’il préfère un type à une gonzesse, alors là tout de suite, homosexuel, c’est quand même un peu exagéré, non ? A ce compte-là, moi aussi, je suis homosexuel.

     Depuis qu’elle veut être médecin, Samira met des grands mots partout. Plus personne n’est triste, tout le monde est dépressif. Plus personne n’est amoureux, tout le monde est homosexuel et ainsi de suite.

     - Tu le savais, toi ? Il te l’avait dit ? Avant de me le dire à moi !

     - Ne le prends pas mal. Je m’en fiche tellement que ça ne compte pas. » (p.115)

      

    (Le journal d’Aurore. Rien ne va plus ! de Marie DESPLECHIN)

     

     

     

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  • « C’est un tract, un odieux tract s’adressant à toutes les femmes, à toutes les filles d’Algérie.

     (…)

     Je lis et relis cet immonde tract de menace, car c’en est un. Et mes yeux ne parviennent pas à quitter trois lettres, trois lettres que j’ai trop vues, trop lues, trop entendues : GIA – Groupe islamique armé.

     La peur me paralyse des pieds à la tête.

     C’est donc vrai ! Le GIA existe. Les assassins du GIA, les poseurs de bombes, les violeurs de femmes, de jeunes filles sont à présent avec nous, à la maison !

     Je me demande qui, en Algérie, n’a pas entendu parler de ces barbares tant leurs crimes sont atroces et nombreux.

     Les islamistes du GIA ne supportent pas qu’on ne soit pas d’accord avec la république islamique qu’ils veulent imposer par les armes, dans la terreur et le sang. Ils veulent créer un pays régi par la charia (ensemble des lois, des normes islamiques contenues dans le Coran) : le voleur aura la main coupée, la femme adultère sera tuée à coups de pierres, etc. De plus, les intégristes islamistes veulent imposer le voile obligatoire pour toutes les Algériennes et interdire aux jeunes filles de faire du sport, de la musique et d’exercer certains métiers – ce qui n’est mentionné nulle part dans le Coran… Bref, ils souhaitent un retour au Moyen Age, un monde où les femmes leur seraient soumises. » (p.18-19)

      

    « - Ces criminels veulent tuer les femmes et les adolescentes qui ne portent pas le voile, mais tu as de la chance papa. Ils ne t’imposeront jamais rien à toi. Vous, les hommes, êtes libres. » (p.25)

       

    « - Le tract, Dakia, ce n’était pas de la blague ! Ces sauvages du GIA viennent de tuer une lycéenne qui avait refusé de porter le hidjab. Lorsqu’elle est sortie du lycée, un homme l’a tuée en lui tirant deux balles dans la tête ! Et ça s’est passé devant tout le monde, Dakia, dans la rue… sous les yeux de sa copine qui, elle, était voilée. Elle avait dix-sept ans, et elle s’appelait Katia. J’ai entendu tout cela à la radio au journal de 13 heures.

     Les paroles de Nassera sont accompagnées de pleurs, de frayeur, de cris, de rage…

     Pourquoi ces hommes en veulent-ils tant aux femmes et aux jeunes filles ? Qu’avons-nous fait pour être ainsi châtiées ? » (p.28)

     

    Pourquoi en veulent-ils aux femmes ?

      

    « - Demain, en allant à l’école, je veux savoir quoi faire. Dois-je porter un foulard ou rester à la maison en attendant que les choses se calment ?

     Ferme et décidée, Chafia déclare qu’elle ne se soumettra jamais aux ordres des terroristes.

     - Aujourd’hui, c’est le foulard, commence-t-elle. Demain, le FIS et ses groupes armés interdiront aux filles l’étude de l’architecture, en décrétant cette discipline réservée uniquement aux hommes, comme en Arabie Saoudite ou en Iran. Chez les Saoudiens, une femme n’a même pas le droit de conduire une voiture. Si elle sort de chez elle, elle doit toujours être accompagnée par un homme de sa famille. Et si elle circule seule, elle peut être interrogée, voire arrêtée par la police religieuse. Les femmes sont torturées, violées dans les commissariats. Et comme en Iran, elles ne peuvent ni sortir sans être voilées des pieds à la tête, ni faire du sport, ni exercer la médecine, la musique, la biologie, l’architecture et que sais-je encore. Les islamistes ont condamné les femmes au silence, à rester enfermées chez elles, à s’occuper des gosses et de leur mari ! Jamais je ne permettrai à ces terroristes de m’imposer une vie pareille. » (p.31-32)

      

    « Non ! Il n’est pas question

     de nous enfermer.

     C’est la rue qu’on veut nous interdire,

     Sous le soleil qu’on veut nous cacher

     Et sous le ciel qu’on veut nous voiler.

     Il faut que nous disions à ces assassins que,

     Quoi qu’ils fassent, nous ne baisserons

     pas les bras.

     Nous triompherons ! 

     (…)

     Les Algériennes ne sont pas asservies.

     Elles n’acceptent pas la défaite

     Et continuent la lutte

     Jusqu’à la victoire !» (p.39-40)

       

    « Encore une fois, les femmes vont manifester pour dénoncer le terrorisme, se mobiliser contre la barbarie intégriste et son horrible vision des femmes.

     Les intégristes veulent faire des Algériennes des esclaves qui les servent. Selon eux, un homme est, quoi qu’il arrive, toujours supérieur à une femme, et il a le pouvoir sur elle. Si bien que cet homme peut avoir quatre épouses et parfois plus.

     Beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants, opposés à leur conception des choses sont torturés, mutilés et tués. » (p.46)

       

    « Si l’on veut que les choses changent en Algérie, personne, tu m’entends ma chérie, personne ne les changera à notre place, nous les Algériennes et les Algériens. C’est pourquoi j’ai choisi de rester et de me battre. » (p.47)

      

    (Dakia, fille d’Alger de DAKIA)

     

     

     

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  • « - Tout à coup, Lola tend le doigt vers un banc installé sous un arbre. Elle se retourne brusquement vers moi :

     - Eh, Prune, c’est pas ton père là ?

     Mes yeux se posent au bout de sa main et je le vois. Assis sur le banc, son vélo-baudet couché dans l’herbe. Mon cœur bat trop fort dans ma poitrine. J’ai l’impression que mon sang se retire lentement de mon visage.

     Mon père est avachi, des écouteurs sur les oreilles, les mains posées sur les genoux. Il a l’air perdu.

     - Qu’est-ce qu’il fait avec tout ce barda ? lance Lola en riant. Il est devenu clodo ou quoi ?

     Mes trois copines s’esclaffent en chœur.

     J’ai envie de les mordre. Et surtout de courir vers mon père, de le prendre dans mes bras et de le serrer jusqu’à l’étouffer.

     Mais je ne bouge pas. Je baisse les yeux. Je veux parler mais les mots restent bloqués à l’intérieur. Et puis je secoue la tête avant d’affirmer :

     - Tu te trompes, Lola. Mon père est en tournée en Russie.

     J’ai lâché ces mots le plus naturellement possible ; si les petites pestes entendaient mon cœur tambouriner, elles sauraient tout de suite que je mens. 

     (…)

     Comment est-ce que j’ai pu faire une chose pareille ? Dire que ce n’était pas mon père ? Le trahir, le renier, d’un mouvement de tête. J’ai si mal d’avoir fait ça ! » (p.44-46)

       

    Est-ce que j’ai honte de mon père ?

    « - Comment tu peux être amie avec ces pestes ?

     (…)

     - On se connaît depuis qu’on est petites. Mais aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on ne vit pas sur la même planète. Moi, je suis métisse, maintenant. A moitié pauvre, à moitié riche. J’ai peur de le leur dire et qu’elles me jugent.

     - Si elles sont vraiment tes amies, elles ne te jugeront pas.

     Je regarde Diego.

     - Je peux te poser une question ?

     - Pose toujours !

     - Pourquoi tu fuis les autres au collège ?

     Il soupire.

     - Ah, ça ! C’est pour me protéger.

     - Te protéger ?

     - Oui. Imagine, je deviens ami avec un gars de la classe, il m’invite chez lui, donc logiquement je devrai l’inviter à mon tour. Et là, patatras !

     - Patatras quoi ?

     - Il verra nos meubles qui datent de la guerre, ma mère qui a des fringues des années soixante… » (p.52-53)

      

    (Mon père n’est pas un escargot d’Agnès de LESTRADE)

     

     

     

     

     

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  • « J’ai souri, ouvert les yeux, et là, je me suis souvenue de mon père. Mon père et Onimus. Ces messieurs… Non, finalement, la vie était une sacrée peau de vache, qui distribuait de méchants coups de griffe sans prévenir. Tu parles d’une situation, mon père en couple avec un autre homme, un prof à moi en plus. Je ne me serais jamais imaginé un truc pareil. Jamais.

     Et pourtant. J’ai repensé à la tête d’Onimus à chaque fois qu’il me voyait depuis la rentrée. C’était de la gêne, rien d’autre, Mina avait tout faux depuis le début. Ce n’est pas de moi qu’Onimus était amoureux !

     

    Mon père est homo

    Mon père est homo, mon père est homo, mon père est homo, mon père est… La phrase tournait en boucle dans mon esprit.

     Au bout d’un moment, j’en ai eu assez de cette ritournelle et j’ai prononcé à voix très haute, comme on intime un ordre :

     Bon, ça suffit maintenant !

     OK, mon père vivait en couple avec un autre homme, et alors ? » (p.161)

       

    (Scoops au lycée d’Agnès LAROCHE)

     

     

     

     

     

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