• Frangines

       

    « Ce fut à l'école déjà

     Qu'on fit de nous des concurrentes

     On se regardait chien et chat

     On détestait les redoublantes

     Souffre-douleur ou bien fayotes

     On se poussait toujours plus haut

     On s'arrachait les bonnes notes

     On pleurait devant le tableau

     

     

     On aurait pu rester frangines

     ça nous aurait gagné du temps

     Au coude à coude j'imagine

     Qu'il n'aurait pas fallu longtemps

     Pour qu'on soit toutes aussi bonnes

     Malgré les pionnes

     Et les parents

     

      

    Ensuite en face des garçons

     Commença la grande offensive

     On se fabriquait des façons

     Des rendez-vous sur l'autre rive

     Et grandes bringues ou blanche-neige

     C'était à qui amènerait

     Tous les boutonneux du collège

     A l'accompagner sur le quai

     

      

    On aurait pu rester frangines

     ça nous aurait gagné du temps

     Bras dessus-dessous j'imagine

     Qu'on aurait de ces débutants

     Avant que la vie les assomme

     Pu faire des hommes

     Pas des enfants

     

      

    Un peu plus tard c'est la beauté

     Qu'on nous érigea en barrière

     On se retrouvait insultée

     Si on n'était pas la première

     Nos amitiés faisaient sourire

     Fallait nous crêper le chignon

     Et tout ce qu'on pouvait se dire

     N'était que fadaises ou chiffons

     

    Des concurrentes

      

    On aurait pu rester frangines

     ça nous aurait gagné du temps

     Main sur l'épaule j'imagine

     Qu'on aurait pu se regardant

     Voir qu'on étaient toutes assez belles

     Et même celles

     Qui ont pas le temps

     

     

     C'est tout pareil dans nos métiers

     On nous oppose et on nous monte

     En épingle pour mieux montrer

     Qu'on se trouve en dehors du compte

     Pour peu qu'on dépasse la tête

     On est toujours une exception

     Chacune sur notre planète

     Ce qu'on a pu tourner en rond

     

      

    Si on se retrouvait frangines

     On n'aurait pas perdu son temps

     Unissant nos voix j'imagine

     Qu'on en dirait vingt fois autant

     Et qu'on ferait changer les choses

     Et je suppose

     Aussi les gens

      

     

    Et qu'on ferait changer les choses

     Allez on ose

     Il est grand temps"

       

    Anne SYLVESTRE – J'ai de bonnes nouvelles (1978)

     

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  • « Eh oui, en 1928, Virginia Woolf pose déjà la question du genre :

     

    La question du genre

    peut-on être ni homme ni femme, ou homme et femme à la fois ? Sommes-nous attirés par telle chose parce qu’on est une femme ? Sensibles à telle autre parce qu’on est un homme ? Ou bien parce que notre éducation et la société tout entière nous font jouer le rôle qui convient à notre genre. » (p.108)

      

    (« Les 1001 vies d’Orlando » de Delphine PANIQUE in TOPO n°8)

     

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