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Si ce n'est toi c'est donc ton frère
(d'après « Le loup et l'agneau, I 10 » de Jean de La Fontaine)
« Petit mouton noir et frisé
Qui voulait s'amuser
Par un soir un beau soir d'été
Marchait dans la cité
Petit mouton qui s'ennuyait
Donnait des coups de pieds
Dans une boite abandonnée,
Une boîte de cassoulet
Quel est son nom la belle affaire
Vous le connaissez bien
Si ce n'est lui c'était son frère
C'était quelqu'un des siens
Un loup qui fermait son café
Avec sa grosse clef
S'arrête en le voyant passer
Fallait plus rigoler
Ah c'est toi qui m'a réveillé
Ce dimanche dernier
Moi je vais t'apprendre à crier
Je vais te faire danser
Ne vous mettez pas en colère
Moi je n'y suis pour rien
Si ce n'est toi c'est donc ton frère
C'est donc quelqu'un des tiens
C'est sûrement toi qui a taggé
Les murs de mon café
Mais voyons vous me connaissez
Je ne sais pas dessiner
Ah ça tu me prends pour un dingue
Moi je vais te casser
Le loup s'emporte et puis le flingue
Et sans autre procès
Ou s'il ne l'a pas fait
le fera tout à l'heure
La raison du plus fort
est toujours la meilleure
Il y a trop longtemps qu'on le sait
Car après lui ce sera son frère
Ce sera quelqu'un des siens"
Anne SYLVESTRE chante... au bord de La Fontaine (1997)
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« J'avais seize ans, je n'en pouvais plus. De l'école, des autres.
Depuis des mois, ils me demandaient toujours plus d'argent. J'étais en troisième, au lycée Vertes-Feuilles, à Saint-André, près de Marquette. Ça ne s'arrêtait jamais. Ceux-là, en plus, ils étaient grands. Ils avaient au moins vingt ans. Je revenais du collège, il devait être midi et demi. Je n'étais plus très loin de chez moi, je venais de la place de la Mairie. Je ne les avais pas vus, je pense qu'ils étaient cachés derrière des voitures. Je les connaissais bien, si je les avais repérés avant, j'aurais pu m'enfuir. Mais là...
J'ai toujours eu peur de les voir. Qu'ils me réclament encore des sous. Quand ils se sont lancés sur moi, je me suis retourné pour courir, mais un des trois garçons a bloqué le passage. C'est une petite rue étroite, en longueur, avec des grands murs de brique de chaque côté. Comme un tunnel. J'ai voulu faire marche arrière et courir en sens inverse, mais un deuxième s'est mis à l'autre bout. Un derrière moi, un devant moi, quand je les ai vus faire ça, je me suis dit : qu'est-ce qui se passe ? J'ai eu très peur. C'était trop tard. S'il y avait eu des passants, j'aurais été content, j'aurais demandé de l'aide. S'il y avait eu la police ou quoi, j'aurais crié. Mais il n'y avait personne.
Ils ne m'ont pas cogné, ils m'ont juste mis l'arme sur la tête. Pour moi, c'était un vrai flingue, mais je n'ai pas trop fait gaffe. Quand ils me l'ont mis sur la tête, j'ai eu trop peur, j'ai pensé que c'était un vrai. Je ne sais toujours pas si c'était un vrai ou un faux. Je ne pouvais plus bouger, j'étais bloqué. Celui qui tenait l'arme, pour moi, c'était le chef. Il était un peu plus grand que moi. Ils avaient tous la même taille. Ils me fixaient.
Ils m'ont dit : « Demain, tu ramènes cent euros ou on te fait la peau. »
La veille, j'avais essayé de me défendre. J'avais pris un canif et j'en avais égratigné deux. C'était la première fois que je ne me laissais pas faire. Ils étaient partis en courant. Le soir, j'avais même pensé qu'ils avaient eu peur de moi et qu'ils ne reviendraient plus jamais me coincer. Mais là, j'ai vraiment cru qu'ils allaient me tuer. Les jours d'avant, ils m'avaient dit qu'ils avaient suivi mon père et qu'ils feraient du mal à ma famille. Je les croyais. J'aurais voulu aller à la police, mais j'avais peur qu'ils me le fassent payer très cher. Je pensais qu'ils allaient faire du mal à mes parents. Ils en étaient capables.
Je tremblais. Ils m'ont dit que je devais ramener l'argent le lendemain. Ils m'ont dit de retourner au collège l'après-midi, de ne rien dire à personne, de revenir demain avec le fric, sinon ils allaient tuer ma famille. » (p.11-13)
(Condamné à me tuer de Jonathan DESTIN)
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« Il n'était plus question de reculer. Il allait devoir le lui dire. Et ce serait la première fois qu’il prononcerait ces mots. Solomon était gay et en avait pris conscience depuis l’âge de douze ans. Oh, ça n’avait pas été bien compliqué : un jour, il avait tout bonnement constaté qu’il préférait les garçons. À cet âge-là, c’était aussi simple que ça. Il ne se préoccupait pas du jugement qu’on pouvait porter sur lui: vu qu’il n’avait aucune intention de quitter la maison, il n’aurait jamais à évoquer publiquement sa préférence. » (p.95)
« - Et ils sont au courant ? Je veux dire... que tu es gay ?
- Je ne veux pas les embêter avec ça. De toute façon, on ne peut pas dire que ça ait beaucoup d'influence sur notre existence.
- Mais c'est un aspect important de ta personnalité, non ?
- C'est vrai, mais je ne leur mens pas non plus.
- Quand est-ce que tu as su ?
- Quand j'avais douze ans. Du jour au lendemain, j'ai compris que j'étais différent de mes copains.
- Tu veux dire que tu as réalisé que tu préférais les garçons .
- C'est bien plus qu'une simple préférence. Plutôt une particularité, comme avoir les yeux bleus ou les cheveux bruns. Sauf que je ne pouvais pas l'identifier avant de comprendre de quoi il s'agissait.
- Au fond, c'est exactement comme être hétéro. Sauf que moi, je n'ai jamais eu besoin de me cacher ni de sortir du placard.
- Voilà, tu as tout compris. » (p.103-104)
« - Je suis tellement heureuse pour vous !
- Attends, ne t'emballe pas. Ce n'est pas aussi simple que ça. Il est hétéro.
- Ah, je vois. Je suppose que tous les garçons gays sont confrontés au même problème. Il n'est pas évident de savoir qui joue dans son équipe. Ce doit être épuisant.
- De toute façon, je ne veux pas faire de la peine à Lisa.
- Évidemment. Elle a été si gentille avec toi. Mais tu es sûr qu'il n'est pas... comment dire... intéressé par toi ?
- Oui, ça, j'en suis certain.
- Je ne sais pas trop quoi te répondre. Il me semble étrange qu'un garçon hétéro passe tout son temps avec un garçon gay... Oh, et puis non, qu'est-ce que je raconte ? C'est un préjugé parfaitement stupide !
- Merci d'avoir rectifié, dit Solomon en la gratifiant d'un sourire. » (p.234)
« - Je ne veux pas continuer à vous cacher qui je suis vraiment, même s'il ne s'agit que d'un détail. Parce que ce détail fait partie de moi.
- Mais de quoi tu parles à la fin ? demanda Valérie.
- En fait, je crois que vous le savez déjà.
Solomon n'avait pas toujours eu de la chance. Il souffrait d'anxiété pathologique, avait l'estomac fragile et il était tombé amoureux de son meilleur ami hétéro. Mais du côté parents, il avait gagné le gros lot. Il avait souvent imaginé leur réaction à l'instant où il leur révélerait enfin son secret. Ils l'assureraient que ça n'avait pas d'importance. Que ça ne changeait strictement rien. Qu'ils l'aimaient comme il était. Que rien ni personne n'y pourrait jamais rien changer.
Et c'est très exactement ce qu'ils firent. » (p.237)
« - Hier, quand je suis arrivé chez Solomon à l'improviste, il se baignait tout nu. Alors j'ai enlevé mes vêtements et j'ai sauté dans la piscine. J'ai pensé que ça pouvait être amusant.
- Il faut croire que tu te trompais.
- Ben, je croyais que ça ne le dérangerait pas. Tu sais bien que je ne suis pas pudique. Pendant toute la saison de water-polo, je porte des slips de bain moulants devant de parfaits inconnus.
- Mais il est gay, Clark. Tu ne peux pas enlever tes vêtements devant un garçon qui craque pour les garçons !
Tu es qui, toi, pour me faire la morale ? Ma grand-mère ? Sol est gay, c'est un fait, mais ça ne veut pas dire qu'il fantasme sur tous les mecs ! » (p.240-241)
(Phobie douce de John Corey WHALEY)
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« - Ben m'a demandé de vous lire une lettre... sa dernière lettre.
Une onde de choc silencieuse traversa l'auditoire. Personne n'était au courant de cette lettre d'adieu.
- C'est, c'est... une sorte de poème, bafouilla Coppola,... nous savons tous à quel point Ben aimait les rimes...
Au moins dans une guerre
Il y a un ennemi
Pour justifier devant une mère
La perte d'une vie
Mort de moi
Et par peur de l'autre
Qui dans mon malheur se vautre
Sans foi ni loi
Si différent de mes semblables
Innocents ou coupables
Ils donnent la vie ou la prennent
Moi je sors de l'arène
Il paraît qu'au moment de trépasser
Le mourant voit sa vie défiler
Dans mon cas, cela avait autant d'intérêt
Que regarder de l'herbe pousser
Voici toutefois un ou deux extraits
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A ce moment, Coppola regarda en l'air, non sans une certaine hésitation. Quelqu'un appuya sur un vidéoprojecteur. Un faisceau lumineux pourfendit la salle comme le canon laser dans Lethal Assault et s'immobilisa face à l'écran qui se trouvait au-dessus du calice contenant les cendres. La mise en scène était parfaite. Tout se passait exactement comme prévu. Parmi les personnes présentes, il y eut un moment de doute auquel les images mirent rapidement fin.
L'assemblée aperçut une salle de classe sur l'écran : c'était la classe de Ben. Deux garçons tiraient sur le pantalon de celui-ci tandis que tout le monde rigolait. La caméra fit alors un gros plan sur Ben. On pouvait lire la peur dans ses yeux. L'humiliation sur ses lèvres.
(…)
Coppola contemplait son œuvre avec satisfaction. C'était sans nul doute la première fois qu'un de ses films touchait un public aussi large. Vu les circonstances, il trouvait que ce n'était pas si mal filmé que ça. Même le son était de qualité acceptable. On entendait tout :
« - Dis, c'est vrai que les Martiens ont deux zobs ?
- You want fuckie, fuckie, le Martien ? Ou you want suckie suckie ? »
Les deux principaux intéressés se retrouvèrent tout à coup confrontés à leur image. Ils devinrent livides sous le feu des regards qui se tournèrent un à un dans leur direction. C'était comme une avalanche de reproches.
Coppola se souvenait parfaitement de la scène. Il avait épargné à son drôle de camarade l'image avec le pantalon baissé. Dès que c'était devenu embarrassant, Coppola avait tourné sa caméra vers les spectateurs. Eux qui riaient. Eux qui chahutaient. Eux qui détournaient le regard parce qu'ils étaient gênés. Eux qui auraient voulu mettre fin à ce terrible spectacle mais qui ne disaient rien, ne faisaient rien. Eux qui étaient maintenant frappés par la main de Dieu.
(…)
Les dernières images défilèrent au ralenti et en boucle. Coppola brisa le silence :
- C'est la dernière chose que Ben a écrite :
Si jamais je ne parle
Aujourd'hui mon silence hurle
Tendez l'oreille
Et entendez
Ma blessure se réveille
Écoutez :
Nul besoin de pleurer pour souffrir
Ni de parler pour avoir quelque chose à dire. » (p.104-107)
(BenX de Nic BALTHAZAR)
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