• planches extraites du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

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  • «Ta maladie est un Golem qui, quoi qu'on fasse, avancera et détruira tout sur son passage.

     

    Le programme qui t'attend est aussi irréversible qu'atroce : tu vas perdre peu à peu la mémoire, oublier les mots les gestes les visages.

     

    Ton mal porte un nom barbare : Alzheimer. C'est le nom du psychiatre allemand, Aloïs Alzheimer, qui, le 26 novembre 1901, à l'asile de Francfort, a examiné une femme qui ne connaissait pas encore l'usage du Post-it mais présentait les mêmes bizarreries que toi.

     

    Une maladie de vieux, dit le Net.

     

    Toi, tu as seulement quarante-neuf ans. » (p.47)

     

    Aussi irréversible qu'atroce

     

    « C'est quoi ce bordel, ce désordre, ce foutoir, où les mères retombent en enfance alors que leurs enfants en sont à peine sortis ?

     

    Je te hais.

     

    Je hais le monde entier.

     

    Comment as-tu pu devenir une menace, toi qui étais le rempart, l'abri. » (p.63)

     

     

     

    «Maintenant tu prends des tas de médicaments. Ils font taire en toi la mauvaise la brutale sorcière. Ils laissent vivre l'enfant douce et inoffensive. »  (p.78)

     

     

     

    (Arrête de mourir d'Irène COHEN-JANCA)

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  •  

    planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

     

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  • « « Parle un peu. Juste un mot », demande Zoreh. Je ne réponds pas. Je ne peux pas lui dire que les mots ne passent pas, que je ne veux pas faire le moindre geste parce que j'économise mes forces pour le jour où je vais tuer le gros Didier et son copain Xavier qui se prend pour Rambo. 

     

    Il faut sortir maintenant. La cloche a dû sonner. Tout le monde range ses affaires. Devant ma table, à hauteur de mes yeux, se dresse en muraille le ventre du gros Didier qui regagne l'allée centrale. Sur son pull est brodé un énorme molosse avachi, ouvrant très grand sa gueule qui fait d'innombrables plis de chair rouge, d'où pointent des dents aiguës. Le molosse soutient sa tête d'une patte. Son autre patte est ouverte devant lui : une petite souris, terrifiée, s'en échappe.

     

    C'est ce qu'il a voulu faire avec moi. Lui, le molosse, laissant s'échapper quand ça lui chante la petite souris. Mais je ne suis pas une souris. Je ne suis pas non plus un singe. Je rassemble mes forces dans mon silence pour le tuer. Je le regarde qui ricane au-dessus de moi. » (p.16-17)

     

    Je rassemble mes forces dans mon silence

     

    « Aucun mot ne me vient pour répondre. Surtout, je n'ai pas la force d'ouvrir la bouche, de remuer les lèvres, de calculer une réponse dont le gros Didier ne puisse pas rire. » (p.22)

     

     

     

    « Je me tais. Je sais bien que je ne devrais pas ; que je devrais sortir du silence, que ça va mal tourner. Mais c'est comme sur l'autoroute : quand on s'est trompé de direction, impossible de faire demi-tour, il faut attendre la prochaine sortie. » (p.30)

     

     

     

    « Jamais il ne m'a battue et pourtant je sais qu'il pourrait le faire. Il m'ordonne de dire un mot, n'importe lequel. Il crie de plus en plus fort. Très vite, il est emporté par la colère. Il m'ordonne de baisser les paupières. Même si je dois faire toutes les économies d'énergie possibles et rassembler mes forces pour tuer le gros Didier, je ne veux pas céder en baissant les paupières. C'est un geste que je ne peux plus faire, maintenant. Il croit que je le provoque, que je me moque de lui. Il se trompe. Je le regarde simplement. » (p.37)

     

     

     

    « Tout le vendredi, je n'ai fait qu'une chose : observer le gros Didier. Mes antennes dressées en permanence captaient toutes ses paroles : des grossièretés, la plupart du temps, des insultes lancées à l'un ou à l'autre. En français, il a raconté une histoire qu'il avait entendue à la télé (il était bizarrement le seul à l'avoir entendue) : c'est un schizophrène qui tue et ne sait pas qu'il est un meurtrier, puisque c'est l'autre en lui qui tue. Il a parlé longtemps. On sentait qu'il avait beaucoup réfléchi à cette histoire. (…)

     

    Quand il s'est rassis, le gros Didier m'a regardée dans les yeux, avec tout le sentiment qu'on peut mettre dans un regard, comme s'il me demandait pardon. Je ne lui pardonnerai pas avant de l'avoir tué, c'est sûr. Je ne suis pas un singe, et je n'économise pas mes forces dans le silence pendant une semaine pour des prunes.» (p.54)

     

     

     

    « Dans le vestiaire, Zoreh me parle comme d'habitude. Elle m'a poussée dans un autre coin que celui où nous étions le jour où le gros Didier m'a déculottée. Elle fait avec naturel les demandes et les réponses. Elle me connaît tellement bien que ses réponses sont celles que j'aurais faites. Elle sent que j'ai besoin d'entendre des mots, qu'ils coulent sur moi parce qu'à l'intérieur, ceux que je retiens depuis si longtemps me font mal. Ils gonflent dans ma poitrine et dans ma gorge. C'est comme quand on a trop mangé et que la peau du ventre est tendue à craquer, mais en pire. Zoreh ne se doute peut-être pas que je vais tuer le gros Didier, mais elle sent que je vais exploser. » (p.65-66)

     

     

     

    (Je ne suis pas un singe de Virginie Lou)

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  • planche extraite du Grand Memento encyclopédique Larousse en 2 volumes (1936)

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  • « - Jamais mon connard de père ne ferait une chose pareille. Je suis sûre qu'il n'a jamais tenu de journal de toute façon.

     

    - Qu'est-ce que tu en sais ?

    Une tapette électronique

     

    - Il pense que c'est pour les femmes ou les tapettes, tu vois le niveau.

     

    - tu l'as prévenu que j'avais un blog, et que donc, je suis une tapette électronique ? » (p.76)

     

     

     

    (Blog de Jean-Philippe BLONDEL)

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  • planche extraite du Nouveau Petit Larousse illustré (1938)

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  • «J'ai essayé de détourner la conversation. Je sentais qu'elle prenait un tour qui allait m'être désagréable.

     

    - C'est parce que je me suis beaucoup occupé de sa mère.

     

    - Ou que sa mère s'est occupée de vous. Enfin, d'après ce qu'il dit.

     

    - Les relations humaines sont parfois à double sens.

     

    - Pendant un temps, vous avez été un objet de raillerie ici. Tous ces gens que vous voyez là, ils se tapaient sur les cuisses en entendant les histoires de Philippe qui fait des tartes aux pommes avec la mère de son copain.

     

    (…)

     

    - ça a changé progressivement. Vous êtes devenu une... comment dire ça, oui, une caution. Vous lui servez de caution. » (p.64-65)

     

     

    La mue

     

    «Je retrouve la peau de mes vingt ans. Comme si ma mue m'attendait, tapie au coin de ma ville natale ou dans le train. Comme si elle veillait et qu'elle attendait que je baisse la garde, pour attaquer encore. Je me rappelle Lucile qui travaillait pour moi il y a quelques années. C'était une grande fille mince et séduisante. Un jour, elle m'a montré ses photos d'adolescence. Quand on l'appelait la boulette ou le cochonnet. Elle serrait les dents tandis que j'observais la masse informe de chair sur les clichés, et que je tentais d'y retrouver les traits de ce qu'elle allait devenir. Elle a murmuré qu'ils étaient toujours là, la boulette, le cochonnet. Elle les combattait quotidiennement, pourtant il suffisait qu'elle n'y prenne pas garde, qu'elle soit bousculée dans le métro, qu'elle mette un peu trop de temps à sortir sa carte de crédit de son portefeuille, et la boulette, le cochonnet fondaient sur elle de nouveau. Empotée. Grasse. Laide. Bonne à rien. » (p.72-73)

     

     

     

    (06h41 de Jean-Philippe BLONDEL)

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  • planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

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  • « Au fil des jours, j'interrogeai ainsi les autres locataires mais ils n'avaient pas le caractère facile et les langues, décidément, ne se déliaient pas. En tout cas, on pensait des choses effroyables des habitants de la terrasse. Des histoires atroces circulaient sur leur compte. Qu'ils étaient drogués, cocaïnomanes ou morphinomanes, qu'ils portaient sur les oreilles un Walkman dont le volume était poussé à fond pour ne plus entendre les bruits du monde.

     

    D'autres disaient au contraire qu'ils étaient doux et inoffensifs comme des sauvages d'une île des mers du Sud.

     

    Un étudiant me jura qu'ils vivaient nus.

     

    Une ménagère m'assura qu'ils suçaient des cailloux en guise de repas et n'avaient même pas de réfrigérateur. » (p.19)

     

     

    Les habitants de la terrasse

     

     

    « Je comprenais, oui, je comprenais maintenant que sur la terrasse de l'immeuble, surplombant les quinze étages du bâtiment, vivait (si l'on peut appeler cela vivre) une famille éplorée, composée d'une gosse de quatorze ans que la mort de son père avait rendue anorexique, d'une femme que la mort de son mari avait rendue comme folle et d'un vieux monsieur que la mort de son fils avait rendu muet. » (p.21)

     

     

     

    « On pourrait faire imprimer des cartes de visite au nom de tous les habitants de l'immeuble et mettre sur chacune « Meurtrier ». C'est vrai que nous ne leur avons pas donné d'argent et c'est vrai aussi que nous ne les avons pas aidés. Nous avons réfléchi après. Ça arrive souvent de réfléchir après. Mais quand il a été trop tard, alors nous avons trouvé des tas de solutions. Moi, je me suis aperçu que j'avais plus d'argent que ce que je pensais et puis la mercière s'est aperçue qu'elle cherchait, depuis trois ans, une secrétaire un peu comptable pour le magasin. Et puis l'entrepreneur de jardins et espaces verts qui loue l'appartement 284 s'est aperçu qu'André jouait très bien de la cisaille et pourrait entretenir la cité des Mimosas pour trois ou quatre mille francs par mois, en plus de sa retraite. Mais on s'en est aperçu après, quand la grue de la dépanneuse a sorti de l'eau la voiture de Michel. Tu sais, on a tous assisté au spectacle et, au fur et à mesure que la voiture sortait de l'eau, c'est nos idées qui émergeaient peu à peu de la boue de notre crâne. Voilà pourquoi nous sommes des meurtriers. » (p.56-57)

     

     

     

    « Depuis que tu es allé déposer, Dieu sait pourquoi, un panier garni de je ne sais quoi sur la marche de l'escalier, André ne se tient plus de rage. Je le connais bien, tu sais, c'est une vraie brute quand on l'humilie. C'est un soldat, tu comprends ça ? Il a tout perdu en perdant son fils. Alors pour lui, crever, c'est rien. Et faire crever sa belle-fille et la petite Émilie, ça lui est égal. Il préférera les voir mourir de faim plutôt que de les laisser en bas, là où on se traîne, nous, là où on rampe, là où son fils est mort dans la vase. » (p.57-58)

     

     

     

    « J'étais un type complètement gâteux, séchant les cours pour aller escalader un immeuble et ravitailler une famille d'excentriques qui avaient refusé de se laisser humilier par la stupidité de la vie, par l'aveuglement des autres, par l'inexorabilité du chômage. » (p.63)

     

     

     

    « Monsieur André, ce n'est pas la guerre, ce n'est plus la guerre. Je ne suis pas un ennemi. Je ne suis pas un soldat. Je n'ai pas d'armes. Quand est-ce que vous comprendrez cela ? Le chômage, et la solitude et le suicide de votre fils, ce n'était pas un guet-apens, ce n'était pas une bataille non plus, c'était la vie, tout simplement, dans ce qu'elle a de plus moche. Mais ces problèmes-là, André, ne se résolvent pas à coups de carabine ou de grenade. Il faut être malin, un peu plus malin que vous ne l'êtes.

     

    André me gifla et je fus sonné comme un boxeur. J'étais de nouveau allé trop loin pour l'orgueil de ce vieil homme implacable. J'admettais mon erreur. » (p.100-101)

     

     

     

    (Le valet de carreau de Régine DETAMBEL)

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