• « Je ne me sens en rien arrière-arrière-petit-fils d'esclaves ou issu d'un village du fin fond de la brousse. J'ai appris l'histoire de France à l'école, comme tous mes camarades et pour un peu, si on ne me le rappelait pas régulièrement, j'oublierais que je suis noir.

     

    Mon cousin Alain est très choqué quand je lui affirme cela : il estime pour sa part que nous sommes porteurs de l'histoire de nos aïeux, que la couleur de notre peau nous oblige à nous battre, à combattre les inégalités et à redonner leur fierté à nos disparus.

     

    Je veux bien le croire, mais mon problème à moi c'est que je ne me sens pas noir, je suis juste un gars de seize ans qui habite une banlieue, amoureux d'une fille qui ne semble pas le voir, un gars de seize ans en première qui rêve d'être un jour un grand journaliste. Que ce soit bien clair, je ne veux pas être un journaliste noir. Je veux juste être un journaliste. Un bon journaliste.

     

    Je ne suis pas sûr qu'un lycéen blanc se considère avant tout comme blanc. Il se considère comme un lycéen, non ? Je ne suis pas sûr que ce même lycéen dont l'arrière-grand-père est mort à la guerre de quatorze, dans les tranchées, se sente au quotidien porteur de cette horreur et porte-drapeau de cette injustice devant le peuple humain.

     

    Eh bien, je suis comme lui, désolé que l'histoire soit si cruelle et plein de rêves pour mon avenir. » (p.18-19)

     

     

    Je ne me sens pas noir

     

     

    « Dans ton pays, si on traite quelqu'un de nègre, on est taxé de raciste, mais quand on l'appelle black, on est dans le coup, dans le mouv' comme disent les chanteurs aujourd'hui. Moi qui suis noire comme Solex, ça me fait bien rire ; black ça évite le mot noir, et le noir, tout le monde sait, ce n'est jamais bien propre. (…) Alors que black, ça fait américain, basketteur, sapeur, chanteur... c'est classe, propre, riche. Mais quand tu y penses, black, ça veut juste dire noir. » (p.125)

     

     

     

    (Petites histoires de quartiers de Julia Billet)

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  •  

    « Il s'inquiétait de toujours vous plaire, plus exactement de ne pas vous déplaire. Vous étiez, comment dire, son idéal. » (p.58)

     

     

     

    « David avait une personnalité attachante mais une faiblesse : la crainte de ne pas correspondre à ce que les autres attendaient de lui. Vos parents le poussaient à étudier le droit, pas question pour lui de les décevoir. » (p.65-66)

     

     

     

    « Parce que nous nous ressemblions tous les deux. Je suis une fille d'origine maghrébine. Difficile pour une fille arabe de disposer de sa vie. Ma famille, mon père surtout, veut que j'épouse un musulman. Moi, je ne veux pas et je dois me battre. Inimaginable pour lui que je vive avec un Français. L'incompréhension, l'intolérance inconsciente parfois de ceux qui vous aiment sont lourdes à porter. Et il est difficile de se confier à ceux qui vous connaissent depuis longtemps. » (p.67)

     

     

     

    « C'est tellement plus simple, ajoute-t-elle. Tellement banal. Mais il n'arrivait pas à en parler avec vous, avec vos parents. Un blocage. Il craignait votre jugement, votre regard parce que justement vous ne le voyiez pas tel qu'il était, vous vous étiez créé une image de lui qui n'était pas la sienne. Ça le minait, je crois. » (p.68)

     

     

     

    Disposer de sa vie

     

     

    « L'école de Gély. La cour de récréation.

     

    Ça crie, ça court, ça rit... Un de tes copains en jouant, David, te bouscule brutalement. Tu tombes. Genou ensanglanté. Tu as mal, tu pleures.

     

    • La mauviette ! Commence à crier Raphaël Paréja.

    • Le bébé ! Renchérit Jacquy Saumade.

    • Le pédé ! Le pédé !

    • Le pédé ! Tous reprennent en choeur.

     

    Six ans, tes copains comprenaient-ils seulement ce qu'ils disaient ?

     

    Je m'approche pour prendre ta défense. Très fort, je déclare :

     

    • Je vous interdis. Mon frère n'est pas un pédé !

     

    Non, ce jour-là, David, je n'ai pas pris ta défense. Dans mon intonation, transpirait trop le refus inconscient, bête et catégorique que mon frère plus tard puisse être homosexuel.

     

     

     

    « Avec cette p'tite gueule, mon David, sûr, tu vas les faire toutes craquer... » Ma phrase.

     

    « Quand nous aurons des petits-enfants de David. » Phrase des parents.

     

    (…) Je regarde mon image dans le rétroviseur. Ai-je l'air si intolérant ? Avais-tu vraiment peur de moi . » (p.69-70)

     

     

     

    (Le cahier rouge de Claire Mazard)

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  •  

    « Surtout je pris conscience de ce que je pouvais réellement représenter pour elle : un faire-valoir. Je n'avais jamais été pour elle qu'un handicapé. Elle me fréquentait pour s'attirer la sympathie des gens. J'étais sa « bonne réputation ».

     

    Et j'en eus rapidement la certitude quand elle commença à me parler de l'élection de Miss Annecy. Elle souhaitait mon témoignage durant la cérémonie. Elle eut même l'audace, et la bêtise surtout, de me dire que ce serait une bonne pub pour elle de montrer qu'elle n'avait pas peur de ma différence.

     

    Ce sentiment de trahison me fit sans doute plus mal que toutes mes douleurs physiques passées. » (p.21-22)

    Condescendance

     

     

     

    « Être dans un fauteuil roulant, c'est s'adapter à un nouveau point de vue. Plus rien n'est à votre hauteur. Il devient impossible d'effectuer certains gestes essentiels de la vie courante. Retirer de l'argent à un distributeur tient de l'ascension de l'Everest. Plus question de participer à une ola pendant un match de foot ni de se pencher par-dessus l'épaule d'un curieux pour regarder un accident...

     

    On se retrouve à la taille d'un enfant. Et la condescendance avec laquelle certaines personnes vous traitent tend à confirmer que vous en êtes redevenu un, comme si vos capacités mentales avaient fondu d'un coup. » (p.49)

     

     

     

    (Pensée assise de Mathieu Robin)

     

     

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  •  

    « Chemin faisant, j'aperçus un groupe d'une dizaine de garçons qui en cernaient un autre, plus petit, qu'ils brimaient. Je n'en connaissais aucun.

    - Tiens, petit lâche, prends ça ! Dit le plus grand en lui donnant quelques coups de pieds. Ça t'apprendra à te sauver.

    - Bien sûr, on voulait te causer gentiment un peu, voilà tout, enchaînait un autre.

     

    Tous éclatèrent de rire.

    Témoin de harcèlement

     

    J'étais outré, mais trop petit pour intervenir. Je sentais bien que la haine débordait de ces garçons, qu'ils cherchaient à l'écouler, et qu'ils n'auraient pas demandé mieux si une intervention de ma part leur avait permis de s'acharner sur moi. 

    - Mais qu'est-ce qu'il a fait ? Demandai-je.

    - Il a une sale gueule, ça ne suffit pas, non ? » (p.53-54)

     

     

     

    (La cicatrice de Bruce Lowery)

     

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  •  

    « Et Le Vigan lui a lancé un coup de pied dans les côtes.

     

    C'était la première fois que j'étais confrontée à la violence physique. je devais en voir beaucoup dans les années qui allaient venir, mais cette scène est restée pour moi la plus choquante.

    Contraste malsain

     

    Pas seulement parce qu'elle était la première du genre ou parce que c'était ma mère qui en était victime, non, mais parce qu'elle mettait en scène des gens bien habillés, bien éduqués, au milieu de meubles anciens et d'élégants bibelots. Et ce contraste avait quelque chose d'incroyablement brutal et de profondément malsain. » (p.105)

     

     

     

    (Macha ou l'évasion de Jérôme Leroy)

     

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  •  

    « - Vous parlez de « flaming », depuis tout à l'heure... c'est quoi au juste ?

     

    - En gros, c'est un lynchage en ligne !

     

    - ça commence par une provocation postée sur internet suivie d'une avalanche incontrôlable de critiques !

     

    - Pour faire simple, quelqu'un fait une remarque déplacée sur Twitter ou sur un blog. On découvre où il habite grâce à sa page perso ou professionnelle. Une fois son adresse dévoilée, certains prennent des photos de sa maison ou de son appartement et les diffusent en ligne. La boîte où il travaille est harcelée de coups de fil, voire même boycottée. C'est devenu la procédure habituelle ! » (p.43-44)

     

    Flaming = lynchage en ligne

     

    « Ce que je hais le plus au monde, ce sont ces choses qui tentent de vous arracher cette dignité !

     

    Elles se trouvent dans chaque recoin de notre société. Ça peut être le regard des gens dans la rue, dans les conversations entendues dans les couloirs de votre entreprise, dans les retenues dont vous ne savez pas trop à quoi elles correspondent, sur votre bulletin de paie, dans l'attitude des policiers qui vous prennent de haut lors d'un contrôle... » (p.120)

     

     

     

    (Prophecy 01 de Tetsuya Tsutsui)

     

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  • planche extraite du Nouveau Larousse Universel en 2 volumes (1948)

    Agriculture

    planche extraite du Nouveau Petit Larousse illustré (1938)

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  •  

    « En dépit des prévisions rassurantes de mes parents, les élèves ne changèrent pas d'attitude à mon égard. Ils me montraient toujours une figure plus ou moins maussade. Les démonstrations d'hostilité étaient rarement flagrantes, les attaques rarement directes. Mais il persistait chez eux je ne sais quel refus obstiné de m'admettre. Les allusions à ma lèvre, à ma maigreur, étaient très fréquentes. » (p.25)

     

     

    Hostilité compacte

     

     

    « Chose curieuse, cet unanime accord contre nous autres, les exclus, consolidait « leur » unité, « leur » coopération. Se chamaillaient-ils entre eux ? Il suffisait que leur regard tombât sur l'un de nous et immédiatement ils étaient réconciliés. Aucun sujet de discorde ne tenait devant l'hostilité compacte qui cimentait leurs alliances. Nous servions de prétexte à tout dégorgement de haine, de cible à tout excès de méchanceté. » (p.28-29)

     

     

     

    « Tous les jours, même aux instants où je n'étais pas leur cible, je gardais l'impression physique de cette hostilité oppressante, irrespirable, comme dans une cage. » (p.118)

     

     

     

    (La cicatrice de Bruce Lowery)

     

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  • Avions

    Avions

    planches extraites de l'Encyclopédie internationale Focus en 5 volumes (Bordas - 1968)

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  •  

    « J'ai toujours eu une drôle de vie. Depuis le tout début. Moi, je ne la trouvais pas bizarre, bien sûr. Je suis convaincu que chaque individu, sur cette terre, est persuadé de mener une vie normale et croit que c'est celle des autres qui ne l'est pas. »

     

    S'ouvrir au monde

     

     

     

    « Partir ?

     

    Une idée toute simple et qui pourtant me donnait la chair de poule. Qu'est-ce que je m'étais imaginé ? Que la vie n'existait qu'entre les pages des livres ? Je promenai mon regard autour de ma chambre, cherchant des excuses pour être dispensé de cette chose effroyable : affronter le monde situé au-delà de la haie de notre jardin. » (p.20)

     

     

     

    « Que m'étais-je donc imaginé ? Qu'elle allait vaguement déplorer que son projet fou de m'élever comme un infirme échoue à cause d'un stratagème de ses voisins, et qu'aussitôt après elle sécherait ses larmes et admettrait qu'il était plus raisonnable de me laisser m'ouvrir au monde ? » (p.46)

     

     

     

    (Passage du diable d'Anne Fine)

     

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